La sortie du film « Hors-la-Loi », projeté à Cannes à l’occasion du Festival, a donné lieu à de fortes réactions.
Les manifestations de Pieds Noirs, protestant contre les « erreurs » historiques, les anachronismes, la présentation tronquée des faits, ont vite été contrebattues par les commentaires policés des représentants de la « pensée correcte ».
Pour beaucoup de commentateurs, que l’on a pu lire, ou entendre sur les chaînes télévisées, ces « erreurs » ne peuvent être reprochées à Bouchareb, auteur et réalisateur du film, car il s’agit d’une « oeuvre de fiction », et que dans une « oeuvre de fiction », il est permis au « créateur » de s’exprimer en s’écartant de la vérité historique, car seule comptent les sentiments et l’émotion que » l’oeuvre » doit susciter chez le spectateur….
L’un des plus présents dans les médias, pour apporter son soutien à Bouchareb, a été, comme d’habitude, « l’historien officiel » de la guerre d’Algérie devenu « porte-parole » du FLN, en la personne de Benjamin Stora – dont on trouvera dans un de mes précédents billets, la biographie édifiante – qui n’a pas été le dernier à trouver des justifications aux erreurs incriminées, en enveloppant son discours dans un flot de considérations , destinées à masquer les arrières pensées du réalisateur, peu soucieux d’équilibre dans sa présentation des faits et certainement conscient des effets secondaires que sont film risque de susciter sur les jeunes générations d’Algériens, à la recherche de la vérité sur le passé de leurs parents.
Le hasard m’a fait découvrir sur internet, le commentaire du même Benjamin Stora, à propos du troisième volet d’une oeuvre filmée sur l’Algérie, intitulé « Algérie, Histoires à ne pas dire » de Jean-Pierre Lledo, réalisé dans un esprit d’apaisement, et avec un souci de reconstitution d’ une réalité déformée par ceux que j’appelle depuis toujours les « historiens de pacotille », dont le même Stora fait partie. Je reproduis ci-après ce commentaire:
» Personne ne conteste le droit d’un créateur à jeter un regard passionnel et subjectif sur le passé. Mais la critique des chercheurs porte essentiellement sur l’absence de mise en contexte (!!!) : « Le 20 août 1955, l’assassinat à Skikda (ex Philippeville) de 71 européens par le FLN est un moment clé du déclenchement de la guerre d’Algérie. Mais on ne peut pas évoquer cette période en étant allusif sur la répression féroce de l’armée française qui a suivi et qui a fait au moins 12 000 morts du côté algérien » s’étonne l’historien Benjamin Stora qui travaille depuis plus de trente ans sur cette période. « Militaires et civils confondus, la guerre d’Algérie a tué environ dix fois plus d’Algériens que d’Européens. Un film qui manie l’émotion doit faire attention à ne pas jouer avec les faits historiques. »
Sur le même site, s’exprime un autre commentateur, en la personne de Mohamed HARBI, qui met en garde: “Je pense qu’il faut défendre ce film, mais en mettant en garde contre les possibilités de son utilisation”
Ces commentaires figurent sur le site de la Ligue des Droits de l’Homme de Toulon http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2537, un site peu suspect de parti-pris…..
Ainsi, donc, « l’absence d’une mise en contexte » est éminement contestable dans un cas, mais elle est parfaitement excusable dans l’autre cas, qui lui, ne nécessite aucune « mise en garde »….
Et c’est ainsi que , grâce à de tels « raconteurs d’histoires », se construisent » la mémoire collective », la perception et le jugement des générations futures sur une page tragique de notre Histoire.
J’ajouterai que le film de Jean-Pierre Lledo, Juif et Pied Noir exilé, n’a jamais fait l’objet de la moindre publicité . Quand aux commentaires dans les médias, il ont été parcimonieux, la Loi du silence s’appliquant avec une discipline tacite à toute création artistique non conforme aux canons de la « pensée unique ».
Une exception, -une fois n’est pas coutume -, pour lemonde.fr, qui s’est fendu d’un article, ambigu,comme d’habitude sous:
Enfin, et pour couronner le tout, précisons que ce film a été interdit en Algérie, qui comme chacun sait, est devenue, depuis son Indépendance, un « pays de liberté »…..
Réalisé par Jean-Pierre Lledo
Avec Aziz Mouats, Katiba Hocine, Hamid Bouhrour.
Synopsis : En 1962, au moment de l’Indépendance, alors que les communautés minoritaires juives et européennes quittent l’Algérie, quatre personnes d’origine musulmanes, en quête de vérité sur leur propre vie, reviennent sur les sept dernières années de la guerre et de la colonisation française, de 1955 à 1962. Entre haines et fraternités, ils nous font (re)visiter les mythes fondateurs de l’Algérie nouvelle. Mais arriveront-ils au bout de leurs propres légendes ?