Moi, Président ….


Illustration en images du recul de la place de la France, dans le Monde, et de son nouveau Président, dans les Institutions internationales. Un « Grand Président », qui aurait bien besoin…de talonnettes pour tenir son rang….

Les « mauvais élèves » échouent toujours au fond de la classe, tout près du radiateur : Hollande est en train de devenir le cancre que l’on met au piquet !! En attendant qu’il tombe…dans les oubliettes de l’Histoire !!!

« La crise » est aussi « identitaire ».


La France est en crise. Certes !!! Mais ce dont on nous parle tous les jours, c’est de la crise dans ses composantes économiques, financières, ou sociales.

Car avec beaucoup d’obstination, les médias « conformistes » évitent d’aborder le sujet de « l’autre crise » que traverse la France, et que nul ne peut ignorer, n’en déplaise aux apôtres de la « bien-pensance ».

Un sondage publié, hier, par le Figaro met en lumière un des aspects de l’évolution de l’opinion française qui s’inscrivent le moins dans « l’air du temps ».

En fait, si on se réfère aux résultats de ce sondage, on aboutit à un constat qui en dérangera plus d’un, parmi ceux qui nous assènent jour après jour, leurs certitudes quant à l’inéluctable évolution de la société française vers un « multiculturalisme » censé masquer une « islamisation rampante » de la société française. 

Pour résumer on peut dire sans craindre le désaveu, que si on a réussi à chasser « par la porte » le débat sur l’identité française, si mal engagé sous Sarkozy, il est rentré, sans bruit, « par la fenêtre »…

En effet, que nous apprend ce sondage ???

Tout d’abord, que 60% des personnes interrogées considèrent que l’influence et la visibilité de l’islam sont trop importantes dans notre pays et que 35% estiment qu’elles ne sont ni trop ni pas assez importantes et seulement 5%, qu’elles ne sont pas assez importantes.

Ce qui veut dire, en langage clair, que les Français n’en redemandent pas, et que la dose actuelle de cette forme de « multiculturalisme » destinée à masquer la réalité d’une menace, celle d’un « bi-culturalisme », est suffisante.

Les Français qui sont moins stupides que ne laisserait croire la classe politico-médiatique, savent bien, – car il suffit de regarder ce qui se passe partout dans le monde -, que le « bi-culturalisme », ça ne marche pas. Car l’Islam ne supporte pas la cohabitation avec une autre religion, quelle qu’elle soit.

Ceci explique que 67% des sondés pensent que les musulmans et les personnes d’origine musulmane ne s’intègreront pas dans la société française, ce qui en soi, n’est pas un résultat surprenant : il y a longtemps que plus personne de sérieux ne prétend que notre modèle d’intégration fonctionne encore aujourd’hui.

En revanche, la réponse à la question suivante est beaucoup plus surprenante et risque de contrarier tous ceux qui ont fait de l’antiracisme un « fonds de commerce »agressif : ils sont 68 % de sondés à estimer que cette mauvaise intégration vient du refus des musulmans de s’intégrer et 52 % à penser qu’il y a de trop fortes différences culturelles.Une preuve supplémentaire de la lucidité des Français.

Ce n’est pas un hasard si le dernier numéro de l’Hebdomadaire « Le Point » titre sur « Cet Islam sans gêne »….Car la plupart de médias ont beau entourer d’un silence prudent, l’identité de ceux qui éffrontément s’opposent à la Police, ceux qui n’hésitent pas à écraser un gendarme en travers de leur route, ceux qui agressent pour voler, ce silence est devenu, par lui-même, une dénonciation.

C’est ce qu’exprime l’ensemble des résultats de ce sondage qui témoigne de la mauvaise image de l’islam, une image dont la dégradation s’accélère au fil des années. Car malgré les efforts pathétiques des islamophiles en France, nul ne peut se fonder sur les apports positifs de cette religion aux progrès de notre société.

Ainsi, explique le « sondeur » qui a analysé les réponses pour Le Figaro : « En 1989, 33 % des sondés se disaient favorables à la construction des mosquées. Ils ne sont plus que 18 %. Pour le voile dans la rue, et sur la même période, les personnes opposées passent de 31 % à 63 %. Et les indifférents ont quasiment fondu de moitié pour n’être que 28 %. Quant au voile à l’école, le feu rouge écarlate s’allume puisque l’on passe sur la même période de 75 % opposés à 89 %! Les indifférents chutant de 17 % à 6 %… »

Je pense que la France abrite en son sein, un trop grand nombre d’immigrés allergiques à nos Lois, qui sont venus dans ce pays, bien plus pour profiter d’une certaine forme de laxisme et de « générosité » d’un modèle social en faillite, que par amour de ce pays, de ses valeurs, de son Histoire et de sa culture.

D’où la vogue surmédiatisée d’un « multiculturalisme » qui ne correspond en rien, à ce que les Français, même parmi les plus « hospitaliers » d’entre eux, souhaitent se voir imposer.

Un autre indice d’interprétation de ces sondages nous est fourni dans le NouvelObs, qui n’est pas le plus « à droite » des hebdomadaires français:

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20121022.FAP1373/propos-sur-le-pain-au-chocolat-55-des-francais-approuvent-cope.html

Je le cite:

« Plus d’un Français sur deux (55%) approuvent les propos de Jean-François Copé sur le « pain au chocolat » et 58% pensent comme lui qu’il existe dans la société un « racisme anti-blancs », d’après un sondage Harris Interactive pour LCP publié lundi. »

Une opinion qui est loin de valider les réactions excessives du microcosme politico-médiatique, à la suite des mots, abondamment déformés de François Coppé, qui n’a jamais visé « les musulmans » mais des « voyous » qui interprètent abusivement le Coran pour donner à l’Islam pratiqué dans notre pays un visage sciemment agressif.

Au fond, on peut dire que l’opinion ambiante c’est plutôt, – en paraphrasant le slogan de Le Pen -, « la France, aimez-là,…ou restez où vous êtes!!! Car personne ne vous oblige à y venir !!! »

Mais ne nous y trompons pas.

Ce n’est pas demain que la Gauche française, qui sait qu’elle a déjà perdu la partie, dans la reconquête de son électorat populaire, – et qui obéit aux recommandations de ses « Think-Thank » (1) les plus audacieux -, renoncera à aller chercher du côté de cette France de l’ opportunisme issue de l’immigration, les voix qui lui sont nécessaires pour accéder et se maintenir au pouvoir.

Ce n’est pas un hasard si François Hollande a recueilli plus de 90 % des voix des musulmans qui ont voté à l’élection présidentielle…..

J’ajoute que les Socialistes qui ont tant à se faire pardonner en matière de « colonialisme », sont prêts à se coucher devant ceux qui savent qu’avec l’arrivée de la Gauche au pouvoir,  les circonstances ne leur seront jamais aussi favorables pour imposer à la France une repentance qui ressemblerait, si elle était acceptée sans réciprocité, à une véritable humiliation.

(1) Selon Wikipedia, la réorientation du Parti socialiste prônée par Terra Nova, caractérisée par le recentrage de la stratégie électorale vers les jeunes, les femmes et les populations immigrées, a également déclenché un certain nombre d’analyses critiques. Hervé Algalar­rondo, rédac­teur au Nouvel observateur fait ainsi remarquer dans son essai la Gauche et la Préférence immigrée (Plon, 2011): « la régularisation de tous les sans-papiers n’est pas seulement un mot d’ordre antirépublicain, dans la mesure où elle fait fi des pré­rogatives de l’État. C’est aussi, et plus encore, un mot d’ordre anti-ouvriers, dans la mesure où c’est, par nature, la catégorie sociale la plus touchée par l’arrivée de nouveaux migrants ».

Les « tapas ».


( Suite )

L’écriture est, pour moi, une manière de défier la fuite du temps. C’est aussi une manière de remplir, aujourd’hui, un « devoir de mémoire » à l’égard de ceux de mes ancêtres que j’ai eu la chance de connaître. Mes deux grand-mères m’ont transmis leurs souvenirs, et ce faisant, elles ont contribué à me rendre conscient de mes racines. Grâce à elles, j’ai toujours su qui je suis. Même lorsque les circonstances de ma vie professionnelle, plus tard, m’ont fait approcher, parfois côtoyer des gens appartenant aux couches sociales les plus enviées.

En écrivant, je fais à mon tour, oeuvre de transmission à mes proches.

Ma grand-mère maternelle me disait souvent : » dans la vie, nul ne peut savoir où il va, s’il ignore d’où il vient. »

En outre, mon autre grand-mère, sentant sa fin prochaine, me disait, dans ses rares moments d’épanchement, que « la mort physique n’est rien. La vraie mort, c’est celle qui procède de l’oubli. Le jour où plus personne ne pensera à moi, et ne se souviendra de moi, ce jour là, je serai vraiment morte ».

Ces paroles me touchaient profondément. Quand on est encore enfant, on a du mal à concevoir « la mort » de ceux qu’on aime.

Je répondais  » Mais Grand-mère, je ne veux pas que tu meures. » Ma voix tremblait en disant cela. J’ajoutais:  » Je te promets que je ne t’oublierai jamais… ». Des choses que l’on dit avec la sincérité d’un coeur d’enfant. Et ma grand-mère, avec un sourire indéfinissable, et d’une infinie tristesse me donnait un baiser sur le front.

C’est en pensant à tout cela que j’écris, sachant que sur internet, « rien ne se perd ». Et rien ne s’oublie.

Ma famille, c’est en microcosme, un raccourci de la « diversité » de la société algérienne de l’époque coloniale. J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, mes grands parents avaient des ascendances italiennes, suisses, maltaises et espagnoles.

Tous ces gens, pauvres, et simples lorsqu’ils sont arrivés en Algérie, n’avaient qu’une ambition: trouver du travail, pour échapper à la misère de leur condition, dans leur pays d’origine. Par le travail, ils ont conquis leur dignité dans leur pays d’adoption.

Inutile de dire que quand les miens sont arrivés en Algérie, avec leurs deux « couffins », il n’y avait pas de centre d’accueil pour les recevoir, ni revenu minimum d’insertion, et encore moins d’assistance médicale gratuite. Pas plus qu’ils n’ont été « accueillis », au moment de l’exil, si ce n’est pas d’infâmes propos, comme ceux du Socialiste Gaston Deferre, à Marseille.

Et pourtant, la France, qui était à cette époque, même après la défaite de 1870, encore une grande nation, exerçait un rayonnement qui en faisait une nation respectée. C’est la seule explication que j’ai trouvé à la fascination que la République française inspirait dans ma famille.

Un exemple:  ma mère avait la nationalité suisse par filiation de son père. Lorsqu’elle a épousé mon père, (fils d’un Maltais qui s’était engagé en 1916 pour combattre aux côtés de la France, afin d’en obtenir la nationalité), celui-ci lui a demandé de renoncer à sa nationalité suisse, et de devenir « française, par le mariage ».

Leurs enfants auraient pu bénéficier de la double nationalité. Mais pour mon père, on était Français. Point final. Et ma mère, par amour de mon père a cédé. Anecdotique, direz-vous !!! Pourtant, le destin de leurs cinq enfants auraient pu en être transformé: nous aurions pu être « les Petits Suisses » de la famille….

Mais si chacun se sentait profondément Français, dans cette famille, chacun conservait ses traditions, ses valeurs, je n’ose pas dire « sa culture » car, chez mes grands parents le mot « culture » avait un sens très limité.

Sauf sur un plan. Car si la gastronomie fait partie de la culture, alors, chaque branche de la famille avait « sa culture ». Et dans ce domaine, le « choc des cultures » avait lieu dans les cuisines. Car il existait, entre les deux branches de la famille, une sorte de rivalité, qui trouvait sa source dans la conviction de chacune, que l’on mangeait plus mal chez l’autre…. 

Ma mère avait hérité de sa mère un savoir faire culinaire  » à l’italienne ». Beaucoup de pâtes, et surtout la « macaronnade en sauce tomate », des gros plats de légumes, des gratins de patates, de la bonne grosse cuisine familiale. Elle faisait parfois allusion, avec ironie, à la cuisine préparée par sa belle-mère, faite de petites portions et de « petits plats »: ce qu’en Espagne, on nomme des « tapas ».

Et je dois avouer, même si je n’ai jamais souffert de la faim, chez ma grand-mère maternelle où les plats de spaghettis étaient copieux, que j’avais du plaisir quand je rendais visite à mon autre grand-mère, à respirer, en montant l’escalier, les odeurs de poivrons frits, de l’ail caramélisé, du safran qui pimentera une paella toute simple aux légumes, ou les calamars à la « plancha ».

Quand je passais à table, servi, comme on sert un Prince, par ma grand-mère qui ne se mettait jamais à table avec moi, sans doute par tradition familiale lointaine, à moins que ce soit par manque d’appétit, je me trouvais en présence d’une quantité de petites assiettes, dans lesquelles il y avait un poivron frit, une tomate farcie, une côtelette poêlée, une aubergine en beignets….et quelques olives. Une manière pour ma grand-mère, de perpétuer la tradition espagnole des « tapas ».

De ces tapas qu’elle n’avait pas eu souvent le plaisir de goûter dans une jeunesse dont elle n’avait conservé, en souvenir, que les privations dûes à la misère.

Car elle me l’a souvent répété: elle se souvenait d’avoir entendu dire par sa propre grand-mère, que chez elle, en Espagne, « il arrivait que l’on se contente de « l’ombre d’un anchois » et de deux olives, avec une tranche de pain ».

( à suivre )

Femmes d’Alger


Ma grand-mère paternelle a eu jusqu’à l’extrême limite de ses forces un courage exceptionnel. Peu de temps avant qu’elle n’entre dans la phase finale de son cancer qui a duré un mois, elle travaillait. C’était une « lève-tôt », comme mon père d’ailleurs.

Elle habitait dans un petit appartement, au-dessus des bureaux de mon père.

Debout à cinq heures du matin elle avalait un café noir, et l’estomac vide, car elle ne « supportait » plus rien, elle partait, à pied, seule, petite silhouette fragile, au lever du jour rejoindre la rue d’Amourah.

C’est cette petite silhouette qui reste gravée dans ma mémoire.

A cette époque, nous sommes en 1946, mon père avait créé, pour ma grand-mère qui ne concevait pas de vivre sans travailler, un atelier de conditionnement de figues sèches et de dattes dans un grand entrepôt, à deux pas du Jardin d’Essai.

Il parcourait, dans sa vieille Peugeot 202, les routes montagneuses de Kabylie, accompagné de ses deux fidèles, Touami et Bendada, qui lui servaient depuis toujours, de guides, et parfois d’interprètes. Il avait, sur place, des fournisseurs kabyles qui regroupaient les figues, récoltées par les femmes, qui les avaient fait sécher sur le toît de leurs mechtas, étalées sur des toîles de jute, et il organisait les tournées de « ramassage » avec un camion qu’il affrétait auprès d’un de ses copains.

Je l’ai souvent accompagné dans ses tournées, et je me souviens de ces petites routes étroites et caillouteuses, qui nous conduisaient de Ménerville à Tizi-Ouzou, à Boghni, Tizi-Reniff, ou Tigzirt…

De même que je l’ai souvent accompagné dans le Sud algérien, aux confins du Sahara, jusqu’à Biskra où il négociait des cargaisons de dattes destinées aux ateliers de la rue d’Amourah.

C’est sans doute au cours de ces incursions dans le Sud que j’ai contracté le virus de la passion du désert saharien.

C’est ma grand-mère, qui réceptionnait ces cargaisons, et dirigeait l’atelier de conditionnement. Le figues arrivaient dans des casiers et passaient directement dans une étuve où elles étaient stérilisées, puis passaient dans un séchoir, avant d’être déversées sur une grande table.

Je revois cette grande table autour de laquelle, une vingtaine de femmes arabes, aux vêtements folkloriques et bariollés, à la fois rieuses et bavardes, les triaient, puis les emballaient, dans un alignement parfait, dans des petites corbeilles en osier.

De temps à autres, ma grand-mère s’asseyait auprès de l’une d’elles, pour lui montrer, par l’exemple, comment on doit soigner cette présentation, car ces fruits secs étaient destinés à l’exportation en France. Et ma grand-mère détestait le travail baclé….

Je revois, également, dans un coin de la pièce, le petit canoun où posé sur des braises, une grande théière maintenait un délicieux thé à la menthe au chaud. De temps à autres, une femme se levait et servait à celles qui le souhaitaient, un petit verre de thé qu’elles buvaient, en aspirant bruyamment le liquide bouillant. « Sroun besef, disaient-elles » en riant.

Parmi ces ouvrières, quelques femmes, au visage marqué de signes mystérieux sur le front, qui leur donnaient un air sévère qui ne correspondait pas à leur gaité et à leur douceur. Elles avaient pour l’enfant que j’étais encore, des attentions qui restent gravées dans ma mémoire, tout comme les mots d’Arabe qu’elles me disaient en riant. Je pense souvent à elles en feuilletant un ouvrage reproduisant des oeuvres du peintre Dinet, et je songe aux vertus de l’innocence, qui faisait que rien, à 13 ans, ne me laissait présager qu’un jour, un fossé nous séparerait  de ceux et celles auprès de qui nous vivions des moments si paisibles…..

Les dattes, elles, étaient soigneusement sélectionnées, et les « Deglet Nour » – la reine des variétés -, appétissantes, dorées et sucrées, rangées dans des barquettes ornées d’une belle étiquette et d’un petit ruban. Elles étaient destinées aux vitrines des confiseurs, à l’époque de Noël, à Paris.

A la fin de la journée, ma grand-mère donnait le signal de la fin du travail, et comme une envolée de colombes, les ouvrières, après avoir revêtu leur haïk blanc sans lequel elles ne pouvaient sortir dans la rue, se dispersaient jusqu’au lendemain.

Alors commençait pour cette femme courageuse, le nettoyage de la table, et des locaux, et le comptage des colis réalisés pendant la journée.

Puis elle repartait, petite silhouette maigre et fragile, à pied, la nuit tombée, jusque chez elle.

Parfois, à la demande de mon père, j’allais la chercher pour la raccompagner. Mon père craignait, sans doute, qu’elle fit un malaise en raison de son état.

 Pourtant elle marchait à mes côtés, d’un pas vif, mais s’arrêtant de temps à autres, pour souffler. De sa petite voix aigüe, aux délicieux accents espagnols, elle me parlait, avec douceur. Le plus souvent, la conversation pouvait se résumer à quelques recommandations, dont celle qui revenait le plus souvent:  » tu dois bien travailler à l’école, car ton père fait beaucoup de sacrifices pour que toi et tes frères vous puissiez étudier ».

Car « l’Ecole », pour cette femme qui savait à peine écrire son nom, c’était l’alpha et l’oméga de la réussite qu’elle souhaitait pour ses petits enfants.

J’acquiescais. Depuis la rue d’Amourah, nous avions parcouru une bonne partie du chemin sous les platanes du Boulevard Thiers. Nous arrivions à la hauteur de la rue Aumerat et passions devant l’école où l’instituteur Germain avait préparé Albert Camus à son destin…. Mais à cette époque, je ne savais pas encore qui était Albert Camus. Qui le savait, d’ailleurs ????

Il n’empêche qu’en quelques pas, nous approchions de la Fontaine de Jeanne d’Arc, où Camus raconte,-précisément, dans « Le Premier Homme » -, qu’à la sortie de l’école Aumerat, les jours de canicule, il faisait une halte avec ses copains, pour se tremper dans les eaux du bassin de cette fontaine, qui je l’espère, coule encore aujourd’hui…..  

La Jeep.


Nous sommes en Juillet 1945. La guerre est finie.

Je suis en vacances chez ma grand mère. Alors que je prends le soleil sur le balcon, en bouquinant, j’entends la sonnette de l’appartement qui sonne avec une insistance inhabituelle.  J’entends également ma grand-mère qui se précipite, poussant de hauts cris. Je me dis qu’il se passe quelque chose.

Dans la cuisine, je trouve ma grand-mère en pleurs, serrant dans ses bras,….mon oncle dont le képi est tombé au sol. Ma grand-mère entre deux sanglots s’écrie, « Mon fils !!! Mon fils chéri !!! ». L’émotion m’envahit…

C’est mon oncle Baldenweg qui revient, après avoir participé aux combats de l’Armée d’Afrique, – qui ne comptait pas que des « indigènes » – qui l’ont mené du débarquement en Provence, jusques aux bords du Danube.

Parti sous-lieutenant de réserve, il en revient Capitaine, le torse couvert de décorations. Je suis ébloui: je tombe à mon tour dans les bras du héros. « Alors, microbe !!!  ( mon parrain m’appelait depuis que j’étais tout petit, « microbe » !!!). As-tu été sage avec ta grand-mère ??? T’es-tu bien occupé d’elle ??? ». Je reste muet d’émotion.

Puis il nous fait comprendre qu’il n’est pas encore complètement libéré de ses « obligations militaires », et qu’il est attendu, en bas, dans la rue Géricault, par une Jeep. Je me précipite au balcon pour la voir.

Pendant ce temps, ma grand-mère alerte tout le quartier. Elle a l’habitude de communiquer avec ses voisines et avec ses copines de l’immeuble qui est de l’autre côté de la rue. Je l’entends hurler:

« Madame Raffi !!! Madame Irolo !!! Madame Jacono !!!! « Il » est là, « Il » est de retour !!! » Les voisins de ma grand-mère rappliquent, dans un brouhaha indéscriptible. Je voudrais dire quelques mots à mon oncle, mais il m’est impossible de l’approcher.

D’ailleurs, il prend congé, car on l’attend en bas dans « la Jeep ».

Je descends les escaliers deux à deux, avec lui, pour le voir partir dans « sa Jeep ». En passant, il fait un signe à « Momo » , l’épicier qui est sorti de sa boutique avec Moktar, son employé. Un autre signe à Madame Costa la Boulangère. Il saute dans sa jeep qui démarre en trombe sous les regards d’un attroupement. Tout le monde me demande: « C’est ton oncle Charles ??? ». Je suis cramoisi de fièreté et de plaisir.

Puis je remonte les cinq étages d’escaliers, toujours deux à deux, pour retrouver ma grand-mère, rayonnante. « Il n’est pas beau, mon fils, en Capitaine de l’Armée française ??? » interroge-t-elle à la cantonade ???

Puis une à une, les voisines, les copines de ma grand-mère s’en vont, et nous restons seuls tous les deux, lorsque j’aperçois, dans le petit couloir, près de la porte d’entrée, une grosse caisse en bois, avec des inscriptions en anglais. Ma grand-mère sort un tourne-vis et me demande de l’ouvrir: nous découvrons, dans cette caisse pleine à rabord, des boîtes de biscuits, des boîtes de beurre salé, des boîtes de corneed beef, des boites de bacon, et dans de l’emballage comme je n’en avais encore jamais vu, plusieurs pains carrés dont l’odeur nous deviendra familière…Des saveurs que je n’avais jamais connu jusqu’ici, et qui allaient faire le régal de la famille.

Toute la soirée, ma grand-mère me parlera de son fils. Elle me rappelle qu’après être sorti de l’Ecole Normale d’Instituteurs, il a fait son service militaire, est entré à Saint Maixent, d’où il est sorti aspirant.

Chez cette italienne, je percevais, en l’écoutant, cet amour naïf de la France, que son père Garibaldien lui avait transmis. En l’écoutant, également,  je me souvenais des nombreuses fois où, à ses copines du quartier qui lui demandaient des nouvelles de Charles, qui avait grandi sous leurs yeux, elle répétait combien elle était fière d’avoir « donné un fils à la France », tout en espérant qu’il en revienne vivant.

Dans toute la famille, l’amour de la France était un sentiment partagé au point qu’il ne souffrait aucune discussion.

Je m’en souviendrai toujours : la seule paire de gifles que j’ai reçu de mon père, pendant toute ma jeunesse, c’est en revenant de l’école . Je devais avoir sept ou huit ans. A cette époque-là, on nous rassemblait dans la cour de l’école, chaque matin avant les cours, pour assister au lever des couleurs. Puis nous chantions  » Maréchal, nous voilà, devant toi le sauveur de la France…. » suivi d’un couplet de la Marseillaise.

Ce jour-là nous apprenions, en cours d’Instruction Civique, les paroles d’un nouveau couplet de la Marseillaise. Et en rentrant à la maison, la tête pleine de ces paroles dont je ne comprenais pas le sens révolutionnaire profond, j’ai chanté, à tue-tête, cet hymne guerrier, en tournant ses paroles en ridicule.

Et je me suis ramassé une paire de baffes dont je me souviendrai toute ma vie. « Que je ne t’entende jamais plus plaisanter sur ces choses là, m’a dit mon père ». 

Chez-nous, on ne plaisantait pas avec « la France ».   

Pathétiques ou dérisoires ???


Hollande et Ayrault guettant l’arrivée de la croissance….

Ces derniers jours, l’actualité nous fait  basculer alternativement, du « pathétique » au « dérisoire »…

Pathétique l’appel lancé par Jean-Marc Ayrault, à la cantonade, s’adressant à la fois à la Presse, à certains de ses proches, et jusqu’à l’opposition pour que cessent les attaques qui visent à le décrédibiliser, en mettant en doute sa compétence et son autorité.

Jean-Marc Ayrault a déjà oublié qu’il fut, il n’y a pas encore si longtemps, un chef de file de l’opposition parlementaire, qui, s’exprimant au nom de son groupe, dans les questions orales à l’Assemblée Nationale, n’avait pas de mots assez durs contre celui qui était alors le Chef de Gouvernement, et contre certains de ses Ministres aux quels aucune attaque, y compris « ad hominem », n’a été épargnée.

L’entendre « implorer », en quelque sorte, la « clémence » de ceux qui jugent aujourd’hui, avec sévérité, ses atermoiements, ses hésitations, ses dérobades, ses improvisations, dans la gestion, ô combien difficile, des affaires de la France dans une période de crise exceptionnelle, outre les accents pathétiques d’un appel lancé par un homme qui semble dépassé par l’ampleur de sa tâche, a quelque chose de terriblement inquiétant pour la France.

Confronté, au PS, à une situation des plus confuses, caractérisée par des lignes de fractures multiples : sur l’Europe (29 députés socialistes ont refusé de voter le traité budgétaire), sur la fiscalité (le groupe est nettement plus radical que le gouvernement sur la taxation des riches), il est en bute à des critiques de plus en plus vives, au sein même de sa majorité, sur son style de leadership. 

Et si le chef du Gouvernement n’assure pas la cohésion de sa majorité par son autorité, il lui reste la voie du compromis…

Or c’est une voie déjà bien encombrée par les gesticulations d’un Président de la République qui ne tranche rien, et dont la seule stratégie consiste, semble-t-il, à « gagner du temps », en pratiquant sa technique favorite, celle, précisément, du « compromis », afin de « laisser du temps au temps », le tout, en espérant un retournement de conjoncture tel que celui dont avait bénéficié, avant lui, Lionel Jospin, dont on se souvient qu’il dilapidait la « cagnotte » qu’une croissance mondiale entraînant celle de la France, avait permis de constituer.

(Rappelons que dans le même temps,  Gehrard Schroeder profitait de la même conjoncture pour imposer à l’Allemagne une cure de « désintoxication »radicale, dont Madame Merkel recueille aujourd’hui les bénéfices).

On se demande si « Normal 1er », ayant pris, enfin, la mesure des difficultés qui attendent son quinquennat, n’est pas en train de se dire « temporisons, temporisons, car il va falloir tenir cinq ans » et l’objectif, c’est d’aller jusqu’au bout….

Dérisoire. Car on est bien loin de l’anaphore désormais célèbre de celui qui faisait la leçon à son adversaire sur la manière dont « Lui, Président », concevait l’exercice de sa fonction…..

C’était le temps où il avait réussi à se convaincre lui-même, avant d’en convaincre les Français, qu’il suffisait de se débarrasser de Sarkozy pour que, par magie, la France retrouve la Prospérité…dans la Justice.

Pathétiques, hier soir, les efforts desespérés des journaleux de service, dans l’émission qui, sur la Deux, devait « opposer » les deux candidats à la Présidence de l’UMP.

On pouvait lire dans le regard du gnôme qui animait cette émission, une sorte de détresse, que traduisait ses échanges de regards avec les « comparses » chargés de mener la charge contre chacun des deux candidats, afin de tenter de les déstabiliser, et surtout, d’enfoncer un coin, entre les deux afin de montrer que la Droite, divisée, ne pouvait constituer une menace contre une Gauche désormais installée dans tous les pouvoirs de la République.

Ils n’ont réussi à extirper de leur discours, aucun « nom d’oiseau », aucune « fraise des bois » ne s’est échappée de leur besace, et la Droite dure ne s’est pas opposée à la « Droite molle ».

Même si de fortes différences se dégageaient de chacune des deux personnalités, on voyait bien que rien ne les séparait sur l’essentiel. Les deux « adversaires » s’en sont plutôt bien tirés et ont donné, chacun dans sa manière une image positive de la Droite qui doit désormais se reconstruire, et à qui une cure d’opposition fera le plus grand bien.

Dérisoires apparaissaient les efforts de ces journaleux pour masquer leur hantise d’un retour – peu probable, selon moi – de Sarkozy, qui pourtant, était là, présent, à chaque instant de l’émission, comme une ombre dont ils ont du mal à se débarrasser…..Un retour dont ils guettent le moindre signe, tant ils redoutent la fin du « hollandisme », et de l’immobilisme érigé en statégie. 

Il redoutent également la menace qu’une Droite enfin « requinquée », et mordant sur l’électorat de l’extrême droite ferait peser sur l’espoir entretenu par une Gauche persuadée d’être au pouvoir pour longtemps, et qui se soucie plus de s’investir dans « la lutte des places » que de combattre pour la « lutte des classes »…..

La « diversité ».


( Suite ).

La « diversité », cette « tarte à la crème »que l’on nous sert aujourd’hui à toutes les sauces, a fait partie de notre vie familiale, et je puis dire que dès l’enfance j’ai pu en éprouver la richesse…et les limites.

J’appartiens à cette « race »improbable, étrange même, pour celui qui venant d’une France qui, ignorant encore la notion de « multiculturalisme », observait avec une sorte de méfiance, ce « melting pot » qui caractérisait la société algérienne.

Comment ignorer que dans mes veines coule le sang de napolitains, de Suisses allemands, d’espagnols et de maltais ???

L’un des auteurs qui ont le mieux exprimé l’étrangeté de ce petit monde, c’est encore Louis Bertrand, un Académicien de l’époque, dans un vieil ouvrage retrouvé dans ma bibliothèque, intitulé « Le Sang des Races » (Paris. Editions G; Crès.1921. Mais que l’on peut encore trouver chez Amazone.fr ).

Un auteur et un ouvrage classés avec une pointe de mépris, dans la rubrique de la « Littérature Coloniale »….Cela s’explique: comme on peut le constater dans le titre de l’ouvrage, à cette époque, le mot « race », n’est pas encore considéré comme une grossièreté. Et personne ne songe encore à le faire disparaître des premiers articles de notre Constitution….

Louis Bertrand évoque ces hommes (et ces femmes) qui étaient venus là, après avoir connu le dénuement le plus total, ces gens venus du pourtour de la Méditerranée, à la recherche d’un « el dorado » plus proche que celui des Amériques, et d’un autre destin que celui de la misère. Ils n’avaient que leurs bras  pour défricher, assainir, assécher des plaines marécageuses, et ils ont fait pousser des légumes là où ne poussaient que des pierres, ils ont planté de la vigne, des orangers et des oliviers là où il n’y avait que broussailles ou terres de parcours pour les chèvres et les moutons. 

Ces hommes partis de rien, qui n’avaient que leur savoir faire de palfrenier ou de cordonnier et leur courage, et ne craignaient pas les dangers de l’aventure, ont bâti des entreprises et affronté des fortunes diverses. Ces gens, vivant de peu, aux moeurs rudes, aux coutumes et au langage colorés, ont fini par se fondre, en moins d’une génération, en un seul peuple qui a pris racine, là même où il avait planté ou ensemencé.

C’était l’époque où une certaine idéologie en vogue enseignait que « la Terre appartient à ceux qui la travaillent »…..

Ce peuple là ne s’est pas plus posé de questions sur la légitimité de son enracinement sur le territoire d’un pays qui n’en était pas encore un, que ne s’en sont posé, ceux qui, à la même époque, en quittant l’Irlande, l’Espagne, le Portugal ou le Sud de l’Italie, s’en sont allés en Argentine, en Australie, au Brésil ou à la conquête de l’Ouest américain….. 

Ce peuple, je le retrouve, à travers les récits, et quelques fois, les silences de mes deux grands mères.

Au fil des années elles m’ont fait prendre conscience de cette étrangeté, et m’ont fait admettre que j’en suis issu, alors que l’influence de l’école républicaine, l’apprentissage de l’Histoire de France, les immersions dans la Littérature française faisaient, qu’à l’époque, j’essayais plutôt de m’identifier à un vrai « petit français »qui cherchait à oublier ses origines….

Mais mes grand-mères étaient là pour me rappeler que « nul ne peut savoir où il va s’il ignore d’où il vient »….

Je cite Louis Bertrand:  » je découvrais ( à travers ce peuple ) , l’éternel Méditérranéen, avec son goût irréductible pour les odyssées de la Route ou de la Mer, pour la vie en parade et en beauté, pour le labeur harmonieux qui ne brise pas les corps et qui n’avilit pas les âmes, son respect de la famille, du père, de l’enfant, de l’épouse féconde, des rites immémoriaux de la naissance, du mariage, de la mort et de la sépulture, son sens très jaloux de l’indépendance et de la valeur individuelle. »

On comprendra mieux ainsi, la colère et parfois la fureur que j’éprouve lorsque j’entends ou je lis des élucubrations destinées à faire croire que « les Pieds Noirs, c’étaient des Colons »profiteurs, ou à insinuer que leur niveau de vie, ils le devaient à l’exploitation de la sueur des Arabes. Qu’il y en ait eu qui répondent à cette définition, cela n’est pas douteux. Mais sa généralisation s’apparente le plus souvent à une tentative « d’escroquerie intellectuelle », obéissant à d’obscures motivations idéologiques. 

D’autant qu’à ma grande stupéfaction, j’ai pu découvrir, par la suite, à l’occasion de notre exil, que pour ceux qui, dans les classes populaires, étaient de simples salariés (l’immense majorité), les salaires et le niveau de vie étaient largement inférieurs à ceux de « la Métropole »…..

Car, dans la classe moyenne », ceux qui, en Algérie, vivaient comme des seigneurs ( c’était notre expression ! ), c’était les fonctionnaires « métropolitains »qui, en « récompense » de leur acceptation d’une mutation en Algérie, bénéficiaient, eux, d’une majoration de leur salaire de 33%, et, entre autres, d’un voyage gratuit en Métropole, tous les deux ans….

C’est tout de même cela qui a permis à ceux de ma génération qui ont pu « faire des études », de bénéficier d’enseignants métropolitains de haute qualité, tant à l’école primaire qu’au Lycée ou à la Fac. Des enseignants que nous enviaient les meilleurs Lycées parisiens, ou qui auraient pu enseigner dans les meilleures Universités de France. Je dois à leur talent de pédagogues, et au sens élevé et rigoureux qu’ils avaient de leur mission, d’avoir acquis une solide formation qui m’a ouvert, dans les brumes de l’exil, et après avoir  perdu le peu que j’avais à trente ans, les chemins d’une nouvelle  réussite professionnelle.

Je me suis souvent interrogé, par la suite, sur les raisons profondes qui pouvaient motiver ce dédain, et parfois cette rage haineuse souvent rencontrés par la suite, que  manifestaient certains de ceux que nous considérions pourtant comme nos compatriotes, à l’égard des Pieds Noirs que nous étions.

Je me suis souvent demandé si ces gens n’étaient pas motivés par une sourde jalousie suscitée par cette exubérance, ce verbe haut, cette joie de vivre, ce bonheur fait de peu, ce goût pour les grandes tablées où se retrouvaient ce petit peuple, dans la lumière du soleil, et dans une bonne humeur tapageuse, autour d’un méchoui, d’un couscous, d’une paella, ou d’une « macaronade », ce petit peuple qui , vu de l’extérieur, ressemblait à un monde bigarré, et cosmopolite.

Tout cela irritait le « métropolitain » qui observait avec un mélange d’ironie, et d’envie,  la gaité de ces rassemblements populaires, sous des abris de fortune, le dimanche à la plage, autour d’une oursinade, de quelques « tortillas » ou de « pizzas », arrosés d’anisette et ponctués de monstrueuses rigolades déclanchées par des plaisanteries et une forme d’humour qui lui échappait alors totalement. Des rassemblements dont il se sentait probablement exclu ???  

Car s’il se sentait « étranger » à ces gens dont il ne pouvait assimiler l’humour narquois, c’est que cet humour résultait d’une sorte de synthèse subtile entre l’humour spécifique des italiens, celui des espagnols, et des maltais, et celui des Juifs et des arabes…..

C’est probablement une des raisons qui ont fait que de Gaulle nous détestait, car nous ne correspondions pas, pour celui qui avait « une certaine idée de la France », au prototype du Français imaginaire qu’il s’était fabriqué. Pas plus que les Arabes, d’ailleurs, sur lesquels il a émis des jugements détestables, montrant qu’il ne souhaitait pas intégrer dans la nation française. Je me demande d’ailleurs souvent ce qu’il penserait, aujourd’hui de ce qu’est devenue la France…..Il n’empêche que pour nous, il restera toujours, « La Grande Zohra ».

Ayant grandi dans cet environnement, j’ai, dès l’enfance, été sensible aux « différences » qui caractérisaient les usages, les coutumes, les habitudes culinaires, au sein d’une famille comme la mienne.

Je surprenais, ici ou là, des petites allusions, des remarques plus ou moins ironiques, mais jamais méchantes qui s’échangeaient entre les différentes branches de l’arbre familial. Certes, les Maltais avaient leur petite idée sur les Italiens qui avaient la leur sur les Espagnols, et inversement. Ceux-là mêmes avaient bien quelques préjugés sur les Juifs récemment naturalisés, ou sur les Arabes. Mais cela n’empêchait pas, au quotidien, de vivre en parfaite harmonie.  

Personnellement, je me sentais bien, parce que je savais « bien me tenir », dans tous les milieux même si je sentais qu’il y avait des différences de « climat » entre les branches maltaises,  italiennes ou espagnoles de la famille. J’avais parmi mes copains, des Arabes et des Juifs que je fréquentais quotidiennement et sur lesquels je ne me posais aucune question, à cette époque.

Dans le même immeuble que ma grand-mère maternelle, qui habitait au dernier étage, face au Square Nelson, à l’entrée de Bab El Oued, habitaient deux familles.

L’une, la famille Ducasse, était originaire de « métropole », comme on disait alors. Monsieur Ducasse était, je crois, le patron de l’Office Météorologique d’Algérie. Un Haut Fonctionnaire, assez distant avec ma grand mère, qui n’était pas de son monde, probablement. 

Par contre, son épouse, une femme d’une grande douceur doublée d’ une excellente pianiste me donnait gratuitement des leçons de piano, et je lui dois d’avoir convaincu ma grand mère de m’inscrire au Conservatoire.

Madame Ducasse, était issue d’une famille d’artistes, et son père, Étienne Chevalier, était un peintre reconnu à Alger. Cette pauvre Madame Ducasse, que ma grand-mère adorait, s’est suicidée un matin, en se jetant du cinquième étage de l’immeuble: elle venait de découvrir que son mari avait une maîtresse. Je me souviens de la tâche de sang encore humide que j’ai découverte en rentrant du Lycée devant la porte de l’immeuble, au milieu d’une attroupement de badauds qui commentaient encore cet acte désespéré…

J’en ai été longtemps choqué et rempli de tristesse.

L’autre porte, à l’étage au dessous, était celle d’une famille Juive, les Dahan. Monsieur Dahan était un homme de petite taille, très avenant. Il était bijoutier à Bab El Oued. Madame Dahan, une femme « forte », dans tous les sens du terme, impressionnante par son volume, c’était la vraie Mère Juive, chaleureuse et généreuse qui régnait sur une famille nombreuse, – je ne saurais plus dire combien d’enfants elle avait -, car la plupart étaient plus âgés que moi, sauf le dernier, qui était mon copain. Tous ces enfants avaient en commun des qualités d’intelligence, et d’acharnement au travail qui leur ont permis, plus tard, en France, d’appartenir à l’élite. 

La porte de cet appartement était toujours ouverte. (A cette époque on ne craignait personne….) Et lorsque je rentrais du Lycée, je m’arrêtais au quatrième étage, pour souffler un peu, et  pour savourer, l’estomac creux, les odeurs d’une cuisine savoureuse et épicée qui me « prenaient la tête ».

Combien de fois ai-je entendu, du fond de sa cuisine, la voix de Madame Dahan qui m’appelait: « Viens « mon fils », viens une minute !!! Assiez-toi là, et goûte… » Alors, c’était un festival de boulettes de viande, de beignets d’aubergine, ou de poissons farçis dont le souvenir me fait encore saliver…

Puis je prenais congé en remerciant d’une bise, et arrivant à l’étage au-dessus, chez ma grand-mère, j’avais du mal à avaler le plat de « pasta et Padano » qu’elle m’avait préparé. « Toi, tu t’es encore arrété chez Madame Dahan !!! Alors tu n’as plus faim, bien sûr…. »me disait-elle avec, sans doute, un petit pincement.

Lors de la Pâque Juive, une des enfants Dahan, frappaient à la porte de ma grand-mère les bras chargés d’un énorme plat de friandises qui faisait mon bonheur, …et celui de ma grand-mère.

Ainsi vivions-nous, dans un environnement qui n’était cloisonné, en définitive, que pour ceux dont les préjugés étaient un obstacle à l’acceptation des « autres ». Chaque communauté existait en tant que telle, mais respectait les usages des autres communautés, et personnellement, je n’ai jamais ressenti de sentiment d’exclusion ou d’hostilité dans mon entourage. Ni de notre fait, ni à notre encontre.

Il n’y a pas si longtemps, finalement, que le mot « stigmatisation » est entré dans mon »dictionnaire »…. Et il n’y a pas si longtemps que, barbé par les discours de ceux qui abusent de ce terme, dès lors qu’il s’agit des « musulmans », j’ai pris conscience de ce que nous, le « peuple Pieds Noirs », avons été bien plus souvent stigmatisés par nos concitoyens, que ne le sont aujourd’hui ceux qui représentent, à leur tour, « la diversité »….

L’équipage du pédalo est au complet.


On sait qui est « le Capitaine du Pédalo » sur lequel nous sommes désormais embarqué.

Mais on ignorait qu’il avait recruté un petit mousse. On sait maintenant qui est le mousse.

Quand j’étais petit, ma mère me chantait une chanson, de sa voix douce:

 » Vas petit mousse, vas com’ j’ te pousse …. »

Les chalutiers.


( Suite ).

Ma grand-mère paternelle, a une soeur, Françoise, plus jeune qu’elle qui avait épousé un maçon espagnol , Vincent Garcia, dont le patronyme indique clairement les origines, mais qui a acquis la nationalité française, car « il a fait la guerre de 14 »,- comme on disait alors -, dans les zouaves. Et il  en est revenu, sans blessure, et sans séquelles, contrairement à mon grand-père, gazé et mort prématurément, que je n’ai pas connu.

Vincent Garcia, tout en travaillant sur des chantiers de construction, a bâti lui-même  sa maison, aux « Deux-Moulins », près de Saint Eugène où je suis né. Il y a consacré tout son temps libre, les longues soirées d’été et les dimanches. D’ailleurs, je l’ai toujours connu une truelle à la main.

Cette maison, très petite, au départ, s’était agrandie au fur et à mesure que la situation du couple s’améliorait. Elle comportait un grand jardin qui s’étageait au flanc d’une petite colline. Elle était à la fois le fruit du travail et la fierté  de l’oncle Vincent, qui passait une bonne partie de son temps dans son potager, et aux soins de ses magnifiques rosiers.

Mes parents, qui travaillent tous deux, à cette époque, me confient souvent à ma grand-mère pendant les « grandes vacances ».

Je dois avoir huit ou neuf ans. Avec ma grand-mère nous prenons le tramway qui nous conduit jusqu’au terminus des « Deux-Moulins ». Puis nous terminons notre trajet à pied le long d’un boulevard qui longe la mer, avant d’entamer la montée d’un escalier assez raide, qui, entre deux rangées de maisons habitées par des familles arabes, nous amène au flanc de cette colline où se trouve la maison de la tante Françoise et de l’oncle Vincent, que j’appelle « Grand-père », car il est devenu pour moi, un grand-père de substitution.

Nous sommes accueillis là, avec une  chaleur affectueuse. L’oncle Vincent et la tante Françoise n’ayant pas de petits enfants, je suis un peu le « chouchou » de toute la famille. De plus, la Tante Françoise est ma marraine. Une vraie marraine. 

Ma grand mère retrouve ici ses marques: pendant qu’elles font de la couture ou de la broderie, elle parle souvent le Valencien, à voix basse, avec sa soeur, une femme de coeur, doublée d’une excellente cuisinière. Je ne comprends pas le sens de toutes leurs conversations, mais je devine qu’il est question de leurs parents et de leurs souvenirs de jeunesse. C’est en tendant l’oreille que j’apprends que le père de la mère de ma grand-mère s’appelait Matthieu, et que sa mère, Joséphine Reig était d’une famille de pêcheurs de Denia…..

Dans cette chaude ambiance familiale, qui est une caractéristique des familles espagnoles où l’enfant est au coeur de toutes les attentions, j’assiste à la confection de paellas monstrueuses, de chaudrons d’olletas, et surtout de poulet rôti à l’ail, de sardines à la plancha ou en escabèche, de calmars frits, de salades de poivrons grillés. Tout cela s’est inscrit dans ma mémoire.

Le Dimanche, mes parents nous rejoignent amenant avec eux avec mon autre grand-mère, mon oncle, l’Instituteur Baldenweg (mon parrain), ainsi qu’une tante avec son mari et ses petites filles plus agées que moi. Et ce sont de grandes tablées joyeuses, où tout le monde parle en même temps et où personne n’écoute vraiment personne. Mais tout le monde a l’air de trouver ça naturel, et cela ne nuit pas à la chaleur de l’ambiance. Bien au contraire.

Le soir, à la tombée du jour, de la terrasse de la maison, d’où l’on voit la mer jusqu’à l’horizon, j’assiste au côtés de l’oncle Vincent, – qui de temps à autres me prête ses jumelles -, au retour des chalutiers qui, les uns derrière les autres, entoués d’une nuée d’oiseaux de mer, prennent la direction du port d’Alger. Le spectacle devient passionnant par gros temps, car les chalutiers s’enfoncent dans la vague, mais ressurgissent à chaque fois, à ma grande surprise. Au loin, j’aperçois les « deux chameaux », deux grands rochers au milieu des eaux, en face de la Pointe Pescade, sur lesquels les vagues viennent se briser.

Ces images sont profondément gravées dans ma mémoire.

Dans la journée, je suis autorisé à aller rejoindre mes petits copains algériens, pour jouer au « gendarme et au voleur », aux billes, à la toupie, aux noyaux, ou au serpent. Le serpent ??? Ce n’est pas, comme on pourrait le craindre, un jeu dangereux.

Il s’agit de tracer à la craie sur le sol, un long ruban, avec des cases qui ont chacune une fonction: prison ou bonus ou retour en arrière. Et la compétition se déroule, à coups de capsules de bouteilles de limonade, que l’on fait avancer d’une pichenette, en évitant les cases « prison »…. Des jeux d’enfants pauvres, des jeux qui ne coûtent pas cher, mais qui nous occupent passablement.

Mes copains s’appellent Saïd et Younès. Ils ont à peu près mon âge. Nous parlons tantôt en Arabe, tantôt en Français. De temps à autres Salim, le frère de Younès se joint à nous: il a sur nous tous un certain ascendant car il est plus âgé que nous et surtout « plus balaise ».

De temps à autres, un de mes copains m’amène chez lui, et sa mère me fait goûter à de délicieuses pâtisseries arabes, arrosées de limonade de la marque « Hamoud Boualem »….Saïd semble fier de me présenter à sa mère, qui refuse obstinément que Saïd vienne chez nous, considérant, sans doute que « ce n’est pas sa place »….

Avec le grand Salim, nous apprenons à confectionner des « tire-boulettes », avec un manche taillé dans des branches d’olivier sélectionnées pour la robustesse du manche et pour leur forme en V. Ce lance-pierres nécessite des lambeaux de vieilles chambres à air de vélo, et un petit morceau de cuir où se loge la pierre, notre projectile. Avec cet engin, nous partons à la chasse aux moineaux dans les sentiers de la colline….mais nous revenons le plus souvent bredouilles.

Au cours des longues soirées d’été, la famille se retrouve après diner sous la véranda recouverte de canisses, et les enfants que nous sommes, écoutent dans l’ombre les conversations sérieuses des adultes, ou les blagues que raconte mon oncle.

Puis ma grand-mère me conduit, à mon grand regret, au lit. Pour me consoler de devoir quitter la compagnie aussi tôt, elle me parle doucement avec son délicieux accent espagnol qui sonne encore aujourd’hui dans mes oreilles….Au bout d’un moment, c’est ma mère qui vient me souhaiter « bonne nuit ».

Rien ne vaut le baiser d’une mère pour s’endormir en paix.

Et le lendemain, tout recommençait. C’était ça, pour moi, le bonheur.

( à suivre ).