
» La mise à l’écart des perturbateurs scolaires est inefficace ».
Lemonde.fr de ce soir, publie la transcription d’un « chat » dont l’intitulé en dit long sur le degré d’angélisme complaisant de ceux qui ont en charge les problèmes de délinquance scolaire.
Dans ce chat, Maria Ines, éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse, prône la suspension des établissements de réinsertion scolaire, expérimentés depuis cette rentrée.
Quelques extraits de ces échanges donnent un aperçu du gouffre qui sépare la perception des problèmes engendrés par ces « perturbateurs » par les « éducateurs » et celle des parents des « bons élèves » confrontés à la cohabitation entre ceux qui sont souvent de la « graine de voyou » et ceux qui vont en classe pour s’instruire et travailler à se faire une place dans la » société »
Pol : Qu’appelle-t-on précisément des élèves « perturbateurs » ? Comment sont-ils « gérés » en général par les proviseurs et principaux de lycée et collège ?
Maria Ines : Cette appellation recouvre plusieurs situations. Chacun de ces élèves a des difficultés différentes. Ce sont les élèves qui font des bêtises en classe, empêchent qu’une classe tourne bien, perturbent la vie scolaire en général. Mais on ne peut pas mettre tous les « perturbateurs » dans le même sac.
Quelles sont les raisons du décrochement ?
Les raisons du décrochement sont différentes, là aussi. Mais il y a des choses qui les rassemblent : en général, ce sont des situations familiales très dégradées – séparation des parents, père au chômage, alcoolisme.
Quand un élève décroche, cela veut dire que les parents sont trop démunis pour le stimuler. Mais les problèmes familiaux sont différents pour chacun, il faut donc trouver des solutions différentes, voir comment on peut aider les parents.
Rivalpo : Comment redonner le goût des études à des jeunes qui ont totalement rejeté le système scolaire et qui sont à la limite de la désocialisation?
On redonne le goût de l’école à un jeune en difficulté en essayant de comprendre précisément quels sont ses problèmes. Qu’est-ce qui le fait souffrir ? Qu’est-ce qui fait qu’il n’a pas envie d’aller à l’école ?
En général, ils ont un profond sentiment d’insécurité, ils ont peur de ne pas réussir. Pour leur redonner confiance, il faut d’abord comprendre ce qui se passe et mettre en place tout un accompagnement social et éducatif qui aide les parents et redonne confiance aux jeunes en essayant de déceler ses qualités, afin de faire émerger ce qu’il a en lui de meilleur.
Même les élèves les plus en difficulté ont quelque chose de bien en eux. Il faut aller le chercher. Il faut pour cela des professionnels qui ont un intérêt pour ces jeunes, de façon à mettre de côté provisoirement ce qu’ils font de mal.
Petit à petit, on arrive à ce que ces jeunes reprennent confiance en eux et retrouvent le goût d’aller à l’école. Même si ces jeunes font des bêtises, ils aimeraient être comme les autres mais n’y arrivent pas à cause d’une souffrance psychologique très forte.
Manola : Que pensez-vous des établissements de réinsertion scolaire voulus par Nicolas Sarkozy au printemps et dont une dizaine a ouvert depuis cette rentrée ? Ne constituent-ils pas un recul plutôt qu’une avancée ?
C’est un véritable recul. Je crois vraiment qu’il faut trouver des solutions pour ces jeunes. Ils se font du mal et en font aux autres. Ces établissements ont été annoncés au printemps. Le président a fait un discours disant qu’il fallait écarter du milieu scolaire ces jeunes qui perturbent l’école et dont personne ne veut et créer des établissements spécialisés pour eux.
Quelques mois après, il a donné l’injonction à l’éducation nationale de créer ces internats. Ce discours voulait dire qu’il fallait les séparer radicalement des autres jeunes. Donc, c’est parti sur de mauvais rails. Car s’il faut trouver des solutions adaptées pour ces jeunes, la séparation radicale du système scolaire et des autres élèves n’est pas la bonne solution.
Ni les enseignants ni les travailleurs sociaux n’ont été consultés. Il a fallu, en quelques mois, que les professionnels puissent imaginer quelque chose qui ait un peu de sens pour ces élèves, mais à l’intérieur d’une demande politique qui, dès le départ, hypothéquait les chances de réussite de ces établissements. En effet, il fallait séparer ces élèves des autres, et de plus, les mettre ensemble.
Les professionnels – enseignants et travailleurs sociaux – savent que quand on sépare ces jeunes de leur famille, de leur quartier, et qu’on les met tous ensemble, les choses deviennent explosives, car ils endossent l’étiquette de perturbateurs.
Rivalpo : N’est-il pas un peu utopique de vouloir mettre ensemble des élèves en décrochage, parfois issus de quartiers où la violence est banalisée, avec des élèves considérés « normaux » ?
Encore une fois, on ne peut pas globaliser les choses. C’est une stigmatisation. Chacun de ces jeunes est différent. Je pense, et je parle d’expérience, que la meilleure chose pour ces jeunes est de les mélanger avec les autres. Il faut de la mixité. Sinon, ils endossent une étiquette négative, l’assument et peuvent aller très loin dans leur révolte.
Mais il faut les accompagner pour qu’ils arrêtent leurs « bêtises ». Je sais que ce qui est efficace pour ces jeunes, c’est ce qui va à l’encontre de la mise à l’écart.
Delly : N’est-il pas compréhensible que les élèves et les parents, inquiets pour l’avenir de leurs enfants, refusent de payer le prix de soucis sociaux et familiaux dont ils ne sont pas responsables et préfèrent donc que ces enfants très difficiles soient séparés des autres ?
Je comprends l’inquiétude des parents. Mais ce qu’il faudrait que les pouvoirs publics leur expliquent, c’est que la séparation de ces élèves des autres est inefficace. Pour rassurer ces parents, il faut qu’on trouve les bonnes solutions. Ces jeunes ont déjà un sentiment d’exclusion intérieur, à cause de leurs problèmes. Si on les exclut de tous les systèmes « normaux », ce sentiment d’exclusion va être plus fort, ils vont se révolter et être violents.
Parent délève : Pouvez-vous m’expliquer l’intérêt scolaire pour mes enfants de côtoyer des délinquants dans leurs classes ? Savez-vous quelle sera la reconnaissance de la société envers mes enfants pour avoir vécu des problèmes qu’une volonté politique leur aura imposés ?
Je comprends l’inquiétude des parents pour leurs enfants. Mais d’abord, l’effet pervers de toutes ces annonces et de tous ces programmes mis en place à la va-vite est là : les élèves perturbateurs peuvent être assimilés à des délinquants. Or ce n’est pas vrai. Il peut y avoir des jeunes qui ont commis des délits, mais les élèves perturbateurs ne sont pas tous des délinquants. S’ils l’étaient, ils seraient dans d’autres lieux.
D’autre part, des élèves qui ne perturbent pas peuvent commettre des délits. C’est donc toute une éducation à faire pour informer le public, pour ne pas qu’il y ait de tels amalgames. La jeunesse ne se divise pas aussi facilement entre les délinquants et les non-délinquants, entre les élèves normaux et les élèves pas normaux. Ce que j’aurais envie de dire avec beaucoup de force, car dans mon métier, je suis amenée à connaître ces jeunes, à rencontrer leur famille, c’est que tout le monde, toute la société, aurait à gagner à comprendre d’abord que ces jeunes, dont certains peuvent faire peur à certains moments, sont d’abord des jeunes en très, très grande souffrance.
Sidérant, non ???
On retrouve dans les réponses de cette « éducatrice » les poncifs rémanents cultivés par une certaine gauche française qui croit (ou fait semblant de croire) que « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », et que les « méchants » ne le sont pas vraiment, et que s’ils le sont c’est la « société » qui est coupable….
Ce gouffre, c’est aussi ce qui sépare ceux qui ont une perception « de droite » de ces phénomènes de ceux qui en ont une perception « de gauche ».
Cela me rappelle ce que nous enseignait ce bon professeur de philo du Lycée Bugeaud dont j’ai déjà évoqué le souvenir dans de précédents billets.
Alors que du haut de mes 16 ans, avec une vision de la « société » éloignée de tout à-priori politique ( je n’étais pas le seul dans ce cas, dans la classe de Math Elem), je lui posais une question qui le déconcertait, sur ce qui différencie la Droite de la Gauche, Mr Alavoine me répondit:
« Un homme de Gauche c’est quelqu’un qui croit, en héritier de Jean-Jacques Rousseau, que l’Homme est bon et que c’est la « Société » qui le corrompt, et qu’il est illusoire de vouloir bonifier l’homme sans « changer la société ». Alors qu’un homme de Droite, c’est quelqu’un qui pense que l’Homme est parfois mauvais et que c’est la « Société » qui a le devoir de le rendre bon, en l’obligeant à faire effort sur lui même pour se bonifier et à respecter la Loi.
Depuis, cela fait partie de mon credo.
On devrait obliger les « éducateurs » à lire, ou à relire « l’Emile ou l’Education » de Jean-Jacques Rousseau et en parallèle l »Esprit des Lois » de Montesquieu…..
Car, hélas, pour bien éduquer les autres, encore faut-il être « éduqué » soi-même…..
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