Si vous avez des doutes sur ma conclusion, lisez ce merveilleux roman.(1)
Poutine passera. Mais la Grande Russie restera.
C’est mon credo.
Oui, je sais quels sont les sentiments qu’inspirent le personnage de Poutine : J’ai, moi-même évoqué dans plusieurs de mes billets, sont regard métallique dans des yeux de serpent.
Mais je persiste et signe. Traiter Poutine par le mépris est une erreur qui pourrait nous entraîner dans une tragédie. Car, ne l’ignorons pas : les tragédies vécues par les hommes de ma génération et par ceux qui l’on précédée ont eu souvent pour origine, de stupides aveuglements, de criminels emballements, au nom de prétendues « convictions » reposant sur le socle de « valeurs » prétendument universelles, qui ne sont partagées que par ceux qui en proclament l’universalité, en feignant d’ignorer qu’il existe, ailleurs, dans le monde, d’autres valeurs tout aussi respectables…..
Pour avoir beaucoup voyagé, beaucoup observé, beaucoup écouté,…. et beaucoup lu, je sais qu’il existe, sur d’autres continents, des sociétés stables, paisibles, pacifiques dont l’organisation repose sur des socles de valeurs méprisées chez nous, en « Occident ».
Il existe, en Asie, infiniment plus de tolérance et de respect de la personne humaine que dans nos sociétés nombrilistes. Le respect des ancêtres tisse entre les générations un lien chaleureux qui se traduit, à chaque instant de la vie quotidienne, au sein de chaque famille boudhiste, par un « vivre ensemble » dont notre occident a oublié les bienfaits….
Dans le « Moyen-Orient » déchiré, par notre faute, par notre obsession de vouloir y imposer des gouvernances basées sur nos systèmes de valeur, des sociétés ont vécu longtemps, en paix, régies par des systèmes de valeurs qui nous sont étrangères, qui, du tribalisme au patriarcat et à la polygamie, perpétuent une organisation sociale qui heurte parfois ceux dont les fortes « convictions » et sont un obstacle à la compréhension et à l’acceptation de ceux qui ne les partagent pas….
S’agissant de Poutine, puisque tel est mon point de départ, dans ce billet, l’erreur serait, pour nous, Français, d’oublier, au nom des liens qui nous rapprochent de l’Amérique, la longue histoire des relations entre la France et la Russie, ainsi que les affinités, culturelles, artistiques, humaines, qui, malgré les épreuves traversées par nos deux peuples,- épreuves qui les ont parfois opposés dans des batailles sanglantes, mais qui nous ont parfois réunis dans un même combat-, ont traversé les siècles…..
La Russie de Poutine est loin d’être ce que nous, occidentaux, considérons comme une Démocratie parfaite.
Mais sommes-nous, nous-mêmes, une « démocratie parfaite » ???
Pouvons-nous ignorer, dans le jugement que nous portons sur la Russie de Poutine, que cet immense pays vient à peine de sortir de la nuit noire de l’asservissement communiste ??? D’un communisme dont les ravages ont été commis, eux-mêmes, au nom de prétendues valeurs et d’une forme de « théologie » de la « libération » des individus qui a conduit à en faire les esclaves d’une oligarchie criminelle ???
On comprend que la Gauche marxisante déteste Poutine, car sa présence ôte aux nostalgiques des « lendemains qui chantent », tout espoir de revenir en arrière….
L’erreur historique, serait, à mon sens, de rejeter sous l’influence du « Parti du Bien », toute idée de dialogue avec Poutine, et de refuser de nous référer à ce qui nous rapproche de la Russie, plutôt que de ce qui nous en écarte. Munis d’une longue cuillère, nous pouvons encore nous assoir à sa table….
L’Académie Française vient d’accueillir, en remplacement du siège de l’Algérienne Assia Djebar, un écrivain d’origine russe. Tout un symbole qui illustre le fait que notre culture, qui mérite elle aussi d’être respectée, rayonne encore malgré les efforts de ceux qui, insidieusement, voudraient nous en détourner….
Il faut lire le discours d’intronisation de cet écrivain francophile dans la « Noble Assemblée ». Il mérite qu’on y réfléchisse car il montre qu’au-delà de Poutine- qui aime suffisamment son pays pour ne pas en ignorer l’Histoire – la France et la Russie ont des affinités que les cruautés de l’Histoire n’ont toujours pas effacées…..
Andreï Makine y rend un hommage appuyé aux auteurs français qui « pour défendre leur vérité, affrontaient l’exil, le tribunal, l’ostracisme exercé par les bien-pensants, la censure officielle ou celle, plus sournoise, qui ne dit pas son nom et qui étouffe votre voix en silence ».
http://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-de-m-andrei-makine
C’est un peu long, mais tellement passionnant, que je m’étonne que si peu de nos médias incultes, ne lui aient fait écho…..
Ecrit, sur Poutine :
https://berdepas.com/2015/11/12/poutinisme-cynisme-ou-realisme/
https://berdepas.com/2015/11/09/poutinemania/
https://berdepas.com/2015/11/10/dans-la-tete-de-poutine/
(1) Historique
Le roman, déjà lauréat du prix Médicis, remporte également le prix Goncourt en novembre 1995 qui n’hésite pas cette année-là à affirmer « son choix souverain » — au premier tour de scrutin par six voix contre quatre à La Souille de Franz-Olivier Giesbert — malgré la reconnaissance par un prix concurrent1. Il reçoit également le prix Goncourt des lycéens. Cette triple récompense est particulièrement rare.
Résumé
Charlotte, une femme d’origine française émigrée en Sibérie avec sa mère entre les deux guerres, raconte à son petit-fils Aliocha le Paris et la France de son enfance, où elle a grandi. Peu à peu, celui-ci s’imprègne de culture française à travers la langue et les récits de sa grand-mère. Cette France devient pour lui une véritable Atlantide, où par exemple au bistro Au ratafia de Neuilly ledit ratafia est servi dans des coquilles d’argent… Cette double sensibilité franco-russe, îlot d’altérité au-dedans de lui, lui pèsera (ses camarades russes perçoivent et sanctionnent cette différence) puis l’enrichira, l’élèvera et le poussera vers la France.
Ce roman d’un Russe francophone n’est pas seulement l’histoire de sa relation avec la France, mais aussi une vaste fresque tragique de la vie des populations à travers les immenses plaines de Sibérie sous l’ère soviétique. Famines, viols, conditions de vie extrêmes, misère, mais aussi chaleur des relations humaines, premières amours, joie et espérance s’entremêlent.