
Massacres de Harkis
…….sur les circonstances de la fin de la Guerre d’Algérie.
L’année 2012 ne sera pas seulement l’année de l’élection Présidentielle, en France.
Elle sera également l’année de la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie. C’est dire que les « combats mémoriels »sur cette période tragique de notre Histoire vont redoubler d’intensité.
Notre Parlement vient de s’illustrer en votant une Loi condamnant le « négationisme » concernant le « génocide » des Arméniens commis par les Turcs de l’Empire Ottoman.
J’ai eu l’occasion, dans un précédent billet, d’exprimer mon désaccord sur le principe des ces Lois dites « mémorielles », dont le but est de sanctionner des opinions, au mépris des valeurs républicaines parmi lesquelles la liberté de penser, qui fait partie du socle des principes démocratiques que la France a toujours défendus.
Car la mémoire fait partie de l’intime de chaque individu. Elle n’appartient pas au domaine du débat politicien. Seuls les Historiens (les vrais ), sont habilités à en visiter les recoins les plus secrets, en les éclairant de leurs travaux, en les soumettant aux débats contradictoires et à la critique des autres Historiens.
Il faut donc laisser les Historiens faire leur métier, en toute conscience. Et quand il on fait leur travail, il convient de le respecter, même lorsqu’il choque certaines convictions, ou lorsqu’il bouscule certains préjugés.
Mais puisqu’il est question de ce sujet, je ne puis manquer au devoir d’ouvrir les pages de mon blog aux travaux récents d’un Historien ( un vrai ), dont les révélations sont susceptibles de nuire à la « vérité officielle », celle de la vulgate de ceux qui, dès lors qu’il s’agit de l’Algérie, se livrent à une manipulation cynique de l’Histoire, obéissant le plus souvent à des motivations idéologiques peu avouables….
Guy Pervillé né en 1948 dans l’Oise, Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure, est un historien français, spécialiste de l’histoire de l´Algérie coloniale, du nationalisme algérien et de la guerre d’Algérie. Il enseigne l’Histoire Contemporaine à l’Université de Toulouse.
Il a été contacté depuis plus d’un an (novembre 2010) par le Directeur chargé des Archives de France, afin de rédiger un article, le plus objectif possible, sur la fin de la guerre d’Algérie dans la publication annuelle du Ministère de la culture et de la communication, intitulée « Commémorations nationales 2012 ».
Je le cite:
« J’ai envoyé cet article à la date prévue, et accepté quelques corrections mineures, avant d’envoyer mon texte définitif le 17 juin 2011. Puis j’ai appris, un peu avant Noël, que mon texte avait été amputé des quatre cinquièmes sans que je sois consulté, et qu’il paraîtrait sans ma signature. En effet, le texte publié à la page 56 tient en une vingtaine de lignes (la bibliographie que j’avais fournie se trouve néanmoins à la page 281). »
Il publie sur son site internet, le texte complet, pour que chacun puisse juger du procédé. C’est sa manière de dénoncer, selon ses propos, « ce qui s’avère être le premier acte de censure que j’aie subi en plus de quarante ans de carrière ».
Voici l’intégralité de ce texte:
« La guerre d’Algérie se termina en 1962, puisque la France finit par reconnaître l’indépendance du pays revendiquée depuis le 1er novembre 1954 par le Front de libération nationale (FLN), mais on ne peut pas indiquer une date plus précise. En effet, la fin de cette guerre impliquait trois critères généralement confondus, mais qui sont restés distincts : la fin des hostilités entre le FLN et la France ; la reconnaissance d’un Etat algérien par la France ; la formation d’un gouvernement algérien capable d’incarner cet Etat.
« La fin des hostilités entre le FLN et la France fut la conséquence des accords d’Evian signés le 18 mars 1962 par les représentants du gouvernement français et ceux du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
« Ces accords prévoyaient : la formation d’un Etat algérien au terme d’une période transitoire de trois à six mois (durant laquelle l’Algérie resterait gouvernée par le haut commissaire de France coopérant avec un exécutif provisoire franco-algérien désigné d’un commun accord) ; la formation du futur Etat par un processus démocratique d’autodétermination garantissant les droits de tous ses habitants ; et les principes des futures relations de coopération entre les deux Etats. Au terme de cette période, un référendum devait créer l’Etat algérien et ratifier en son nom les accords d’Evian.
« En conséquence, un cessez-le-feu devait entrer en vigueur le 19 mars à midi.
« Le gouvernement français appliqua les accords. Le 8 avril 1962, il les soumit à un référendum en métropole, qui leur donna une ratification éclatante par une très grande majorité des électeurs (64,8% des inscrits et 90,6% des suffrages exprimés).
« Dès la proclamation officielle des résultats, le 13 avril, fut installé à Rocher Noir l’Exécutif provisoire franco-algérien présidé par Abderrahmane Farès ; et à Paris, le Premier ministre Michel Debré démissionna le 14 et fut remplacé par Georges Pompidou, alors considéré comme un simple exécutant de la politique du président Charles de Gaulle.
« Le 15 mai, la date du référendum algérien fut avancée au 1er juillet, et ses résultats, ratifiant massivement les accords d’Evian (par 91,23% des inscrits et 99,72% des suffrages exprimés, furent proclamés le 3 juillet.
« Mais l’Organisation armée secrète (OAS) avait répondu à l’annonce du cessez-le-feu en intensifiant son action violente contre le FLN et contre les forces gouvernementales.
« Elle aboutit à un désastre pour la population française d’Algérie (fusillade sanglante de la rue d’Isly, commise par un barrage de tirailleurs contre la foule manifestant en faveur de la population de Bab-el-Oued le 26 mars à Alger), mais l’OAS, bien qu’affaiblie par plusieurs arrestations (dont celle de son chef le général Salan) intensifia son action terroriste jusqu’en juin.
« L’organisation d’Alger négocia des accords avec le président de l’Exécutif provisoire et le chef des ses membres FLN (accords Susini-MostefaI du 17 juin), mais celles d’Oranie et du Constantinois continuèrent leur action presque jusqu’à la veille du référendum.
« Cependant le FLN profita des accords d’Evian pour reconstituer ses forces armées et pour étendre leur autorité sur une grande partie du pays et de sa population.
« L’armée française s’y opposa jusqu’au 8 mai, puis dut y renoncer. A partir du 17 avril 1962, le FLN déclencha une vague d’enlèvements contre la population française, supposée complice de l’OAS, dans les agglomérations d’Alger et d’Oran, mais aussi dans l’intérieur de ces régions.
« Le 14 mai la Zone autonome d’Alger, dirigée par Si Azzedine, rompit ouvertement le cessez-le-feu en déclenchant une série d’attentats.
« C’est alors que le président de Gaulle, tout en demandant au GPRA de les désavouer, accepta l’avancement de la date du référendum algérien au 1er juillet proposé par l’Exécutif provisoire.
« D’autre part, des enlèvements et des massacres avaient été commis après le 18 mars contre d’anciens « harkis », en violation flagrante des clauses d’amnistie des accords d’Evian ; des tracts de l’ALN saisis par l’armée française faisaient craindre qu’une épuration systématique soit déclenchée après le référendum.
« Le respect de ces accords par le FLN semblait de moins en moins assuré, car le Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), réuni à Tripoli en mai et juin, les avait qualifiés de « plateforme néo-colonialiste », puis s’était divisé entre les partisans du GPRA présidé par Ben Khedda et ceux de ses opposants rassemblés dans un « Bureau politique » par Ben Bella. Mais pourtant le référendum du 1er juillet eut lieu dans l’enthousiasme avec la participation du FLN faisant campagne pour le oui.
« Le 3 juillet, la France reconnut l’indépendance de l’Algérie sous l’autorité de l’Exécutif provisoire, qui devait organiser au plus vite l’élection d’une assemblée constituante souveraine ; mais cet exécutif ne pouvait fonctionner sans l’accord du FLN, lui-même divisé depuis l’échec du CNRA de Tripoli.
« Le 27 juin, les membres du groupe FLN de l’Exécutif provisoire avaient remis leur démission au GPRA, et le président Farès avait remis sa démission au président Ben Khedda le 3 juillet à Alger, mais il dut rester en place pour assurer la continuité de l’administration.
« En même temps une lutte pour le pouvoir, jusqu’au bord de la guerre civile, se déclencha entre deux coalitions issues du FLN, reconnaissant l’une le GPRA, l’autre le Bureau politique de Ben Bella soutenu par l’Etat-major général de l’ALN (Armée de libération nationale) du colonel Boumedienne (destitué par le GPRA le 30 juin).
» Absence d’autorité incontestée et compétition pour le pouvoir déclenchèrent de nouvelles vagues d’enlèvements et de violences meurtrières contre des Français d’Algérie (notamment des centaines d’enlèvements à oran le 5 juillet) et contre d’anciens « harkis ». Les troupes françaises accueillirent et transférèrent en France les fugitifs, mais le gouvernement leur interdit de les rechercher sans l’accord des autorités algériennes.
« Cette période d’anarchie prit fin à partir de septembre, avec l’élection d’une Assemblée constituante composée de membres du parti unique FLN, qui reçut le 25 les pouvoirs de l’Exécutif provisoire et du GPRA, et qui investit le 26 un gouvernement présidé par Ahmed Ben Bella. Les enlèvements de Français diminuèrent alors, et les enlevés furent recherchés, mais les massacres d’anciens « harkis » durèrent encore plusieurs mois, et leur emprisonnement, sous prétexte d’assurer leur sécurité, près de dix ans.
« Les accords d’Evian, voulus par le gouvernement français comme la « solution du bon sens », se révélèrent donc une utopie, qui échoua à ramener une vraie paix en Algérie. Le « rapatriement » des Français d’Algérie, et celui de « Français musulmans » (que le général de Gaulle ne considérait pas comme de vrais Français) s’imposèrent comme des nécessités. De Gaulle maintint aussi longtemps que possible ce qui restait de la politique de coopération pour éviter la faillite de l’indépendance algérienne, en espérant que la France finirait par en bénéficier un jour. »
Guy Pervillé.
PS de l’historien : « Je ne suis pas à plaindre, puisque mon site me permet de m’exprimer en toute liberté. Le sont bien davantage les responsables de cette publication officielle qui s’efforcent de la réaliser honnêtement, de façon à lui donner un réel intérêt. Je ne les confond pas avec ceux qui leur ont imposé cette décision inepte, laquelle ne peut que discréditer injustement leur travail en gâchant une très bonne occasion de tenir un langage de vérité sur un sujet encore douloureux, un demi-siècle après les faits. »
» J’aurais apprécié que le ou les responsables de cette décision aient eu l’honnêteté et la simple courtoisie de m’informer de leurs raisons, mais il n’en a rien été. «
« C’est donc à ces derniers que je m’adresse pour leur dire à mon tour (comme Maurice Clavel à la télévision le 13 décembre 1971) : « Messieurs les censeurs, bonsoir ! »
Guy Pervillé.
Ainsi ce texte, destiné à figurer dans un document officiel dont la « sortie » est prévue au moment des commémorations de la fin de la Guerre d’Algérie, que les « chiens de garde » de la vérité falsifiée ont réussi à faire censurer, pour occulter le non-respect par les autorités algériennes, des accords de « cessez-le-feu », et continuer à passer sous silence, les crimes abominables commis par le FLN au mépris des « lois de la guerre » les plus élémentaires, ce texte donc ne restera pas complètement occulté.

Harkis massacrés.
Mais cette censure illustre, ce que sur ce blog, j’ai plus d’une fois dénoncé: l’omerta appliquée par tous ceux,- et ils appartiennent à toutes sortes d’horizons politiques ( Gaullistes, Communistes, Socialistes, et autres « porteurs de valises » ) – qui veillent à ce qu’il n’y ait qu’une seule vérité historique: la leur !!!
Au mépris de la mémoire de ceux qui ont été livrés pieds et poings liés, au massacre: les Harkis, et les civils Pieds Noirs qui n’avaient pu regagner la France.
Ainsi, les médias se sont imposé une loi du silence hermétique sur des faits reconnus: il y aurait eu environ 70 000 harkis assassinés, selon notre actuel secrétaire d’État aux Anciens Combattants et aussi aux « rapatriés » (en réalité, les historiens le situent entre 80 000 et 100 000), et pour les pieds-noirs, le chiffre varie entre 1 500 et 4 000 tués.

Seddouk: familles massacrées
Certaines familles entières ont disparu. Deux plaintes contre X pour crimes contre l’humanité ont été déposées en 2001 par les harkis et, en 2002, par les pieds-noirs, qui portent sur 43 familles disparues.
On sait, par ailleurs que 1 300 dossiers ont été classés « secret-défense », concernant des témoignages de harkis qui ont réussi à s’échapper et à rentrer en France entre 1963 et 1975.
« Secret défense » parce que ces harkis, échappés des tueries du FLN, ont confirmé, dans leurs dépositions que les filles pieds-noirs avaient été réduites à la prostitution et que les hommes étaient astreints au travail dans les mines jusqu’en 1965, date à laquelle ils ont été supprimés.
Autre exemple du comportement indigne de la France, celui du sort des harkis du camp de Bias, dans le Lot-et-Garonne. Des associations, en 1963, s’étaient émues des conditions de vie dans ce qui était un véritable mouroir. Un rapport gouvernemental avait répondu : « Ce résidu disparaîtra par voie d’extinction naturelle. »
Est-ce une manière de traiter (sur son territoire) dans le pays des Droits de l’Homme ceux qui avaient combattu pour la France , et dont la mémoire mérite le même respect que celle des autres combattants.
Ces faits auraient dû, depuis longtemps, révolter les consciences de ceux qui ne ratent pas une occasion pour pleurer sur le sort que subissent les immigrés maghrébins , dès lors qu’ils mettent un pied en France, avec ou sans papiers…..
Cet exemple devrait suffire à expliquer les raisons pour lesquelles je m’oppose avec les faibles moyens dont je dispose, à toute tentative de spéculation et de manipulation sur la mémoire, de même que j’exprime ma défiance à l’égard de tous ceux, de quelque bord qu’ils viennent, qui se servent d’une Histoire falsifiée, à des fins sectaires et idéologiques.
Et pour comprendre le ressentiment des « survivants » de la période évoquée par l’Historien Guy Pervillé, lire intégralement ces articles de l’hebdomadaire « Le Point »de cette semaine:
http://www.lepoint.fr/societe/les-pieds-noirs-ont-ils-ete-abandonnes-par-la-france-25-01-2012-1423454_23.php
http://www.lepoint.fr/politique/election-presidentielle-2012/les-harkis-montrent-les-dents-24-01-2012-1423117_324.php
Sarkozy pourrait bien devoir « payer le prix fort » pour tant d’années de silence et de lâchetés: les siennes, et celles de ceux qui l’ont précédé…..
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