« Je suis frappé depuis quelques années par l’opération de médicalisation systématique dont sont l’objet tous ceux qui ne pensent pas dans la juste ligne : on les taxe de phobie. Et personne n’ose seulement délégitimer cette expression en la problématisant (c’est-à-dire en disant ce que se devrait de dire à tout propos un intellectuel : qu’est ce que, au fait, ça signifie ?). Il y a maintenant des phobes pour tout, des homophobes, des gynophobes (encore appelés machistes ou sexistes), des europhobes, etc. Une phobie, c’est une névrose : est-ce qu’on va discuter, débattre, avec un névrosé au dernier degré ? Non, on va l’envoyer se faire soigner, on va le fourrer à l’asile, on va le mettre en cage. Dans la cage aux phobes. »
Philippe MURAY, Exorcismes spirituels III, Les Belles Lettres 2002, p. 267.
Philippe Murray, un auteur auquel je suis fidèle, hélas disparu trop tôt, – ce qui nous prive du regard goguenard qu’il portait sur une société atteinte de délire collectif -, avait eu ce mot ironique sur les travers de ceux qui vivent dans l’obsession des « phobies » qui sont devenues le « mal du siècle » qui tarode les « belles âmes »: « Nous nous sommes enfermés dans la cage aux « phobes » : islamophobes, xénophobes, europhobes, homophobes…. » disait-il.
Les évènements de ces derniers jours, lorsque deux icônes de la gauche médiatique, Aymeric Caron et Caroline Fourest, s’entretuent autour des suites de l’effet Charlie, dans une déferlante d’injures et d’accusation, alors que l’élan de concorde nationale, la mesquinerie et le narcissisme rétablissent leur emprise sur la France médiatique, les altercations échangées par des « zintellectuels » de la Gôche bien-pensante sur le thème de « plus islamophile que moi, tu meurs », les noms d’oiseaux dont sont parés ceux qui refusent d’adopter un « prêt-à-penser » conçu pour des gabarits intellectuels qu’une conception égalitaire de l’intelligence condamne à n’avoir que des « idées courtes », tout ce maelström aux relents de totalitarisme intellectuel, m’a plongé dans un profond malaise identitaire.
J’ai évoqué cette question douloureuse dans un billet déjà ancien: https://berdepas.wordpress.com/2013/04/21/phobies/
Aujourd’hui, j’en suis à me demander si je reste fréquentable par mes amis, et si, dans ma famille, je conserve un soupçon de considération, tant je me sens prisonnier, et enfermé dans « la Cage aux Phobes » raillée avec talent par Philippe Murray.
En effet, :
– Depuis que j’ai découvert que ma mère avait mis au monde, en ma personne, un enfant mâle, blanc, aux cheveux blonds, je n’ose plus me regarder dans une glace, car dans le climat ambiant, j’ai le sentiment d’être vu comme un « raciste présumé ».
– Ne votant pas à Gauche, et ce, depuis que j’ai une carte d’électeur, je crains d’être bientôt « fiché » dans le cadre des Lois nouvelles sur la protection de la République, et de devenir une cible pour les « écoutes » destinées à mettre sous surveillance, ceux qui sont soupçonnés d’appartenir à un « groupuscule d’Extrême-Droite ».
– Je suis hétérosexuel, ce qui, compte tenu de mes gènes, fait de moi un mâle blanc, sexiste et homophobe, un « genre » de plus en plus déprécié…
– N’ayant jamais été syndiqué, je suis potentiellement , un « ennemi de la classe ouvrière », et le suppôt d’un Patronat rétrograde et exploiteur.
– Etant agnostique, je suis considéré par mes « frères musulmans », au mieux, comme un mécréant, au pire comme « un chien d’infidèle »…
– Etant réfractaire à toute forme de prêt-à-penser, et refusant d’accorder un crédit aveugle à l’opinion diffusée par les médias traditionnels, je suis considéré comme un dangereux « réactionnaire ».
– Etant de ceux qui n’éprouvent aucun sentiment de « repentance » pour le passé colonial de la France dont je ne me sens en rien coupable, je suis considéré comme un « nostalgique »du colonialisme doublé d’un raciste incurable.
– Bien qu’aucune goutte de sang français ne coule dans mes veines, je suis, viscéralement attaché à mon identité de Français, à ma culture, à la langue française que m’ont enseigné des « maîtres » que je vénère, et aux traditions familiales héritées de mes grand-mères et entretenues par mes parents, ce qui fait de moi, selon les critères à la mode, un « xénophobe ».
– Je suis de ceux qui considèrent que la place des voyous est en prison, et que la prison est la sanction qu’inflige la société à ceux qui en méprisent les règles, je fais donc partie de ceux qui sont atteints d’un « délire sécuritaire », et qu’il serait prudent d’enfermer.
– Je suis de ceux qui considèrent que l’effort, le travail, les sacrifices et le mérite doivent être récompensés, et que les fainéants n’ont que ce qu’ils méritent, ce qui fait de moi un être « anti-social », attaché à « l’héritage dynastique » de valeurs bourgeoises, indifférent à la condition de ceux que la société, coupable, a « défavorisés ».
– En outre, et pour aggraver mon cas, je déteste ceux qui font les généreux avec l’argent qu’ils prennent dans la poche des autres, qui, pour l’immigration, ont les yeux de Chimène , mais qui vivent dans les beaux quartiers, envoient leurs enfants dans des écoles privées pour leur éviter le contact avec ceux qui sont issus de cette immigration dont ils considèrent qu’elle est « une richesse pour la France ».
– Enfin, je déteste cette Europe de technocrates, gouvernée par tous ceux que leur propre pays, où ils ont apporté la preuve de leur incompétence, ont sournoisement « exfiltrés », pour les caser. Une Europe dépassée par les défis auxquels elle est exposée et qui est incapable de concevoir un projet cohérent pour les générations futures, ce qui fait de moi un affreux « europhobe ».
Enfermé, ainsi, dans « la Cage aux Phobes », je survis, donc, espérant conserver encore quelques amis fidèles et indulgents, ainsi que l’affection des miens, qui savent qu’hélas, compte tenu de mon âge, il y a peu d’espoir pour que je change un jour prochain.
Mais je ne me sens pas seul dans la « Cage aux Phobes » : je suis en compagnie de nombre de mes semblables, enracinés dans la Nation, ses paysages et sa culture, et qui refusent d’appartenir à la nouvelle espèce humaine, – « l’Homme Nouveau » cher à Huxley – sortie de l’imagination fantasque de quelques « zintellectuels » de Göche. Cette « utopie anthropologico-politique » dont la « théorie du Genre » , qui – comme chacun sait – « n’existe pas », est une illustration dont le but est de supprimer, en niant leur existence même, tous ceux qui sont enfermes dans la « Cage aux Phobes »……