Le clan « politico-médiatique »…


Je sais, par avance quelle est l’objection que l’on opposera à mon propos : « il ne faut pas céder aux « tentations complotistes »et voir, partout, des agissements occultes qui en sous-main, manipulent les ficelles des marionnettes qui peuplent la vie politique française.

Certes !!!

Mais comment ne pas s’interroger sur la vague de ces « reconversions » de victimes du vent de « dégagisme »qui vient de souffler sur la vie politique de notre pays, que la classe médiatique semble avoir cooptées en leur offrant la tribune de nos écrans ou de nos ondes radio.

Bien entendu, les bénéficiaires de ces reclassements appartiennent tous, ou presque, au petit monde du « politiquement correct ». Ils arrivent là, en renfort, pour crédibiliser la parole sacrée dont nos médias, entre les mains d’un petit nombre appartenant au petit monde de la finance et de la fortune, sont chargés de répandre le message « sacré »….

Ceux qui doutaient encore de la « collusion » existant entre les médias et le monde de la politique sont servis !!!Je n’en énumèrerai pas la liste complète ici, car elle s’allonge chaque jour: Jean-Pierre Raffarin, Aurélie Filippetti, Axelle Lemaire, Henri Guaino ou encore Raquel Garrido et Julien Dray vont participer à différentes émissions à partir de la rentrée, et il y en aurait encore d’autres « dans les tuyaux ». Ajoutons à cela le journaleux Roger Bruno-Petit dont les masque tombe et qui s’engage ouvertement aux côtés de Macron ….

Cette petite oligarchie, que je crois minoritaire mais néanmoins extrêmement puissante, s’est donnée comme objectif, d’imposer, – y compris aux plus réticents d’entre nous -, cette « pensée unique » reposant sur quelques dogmes, tels que l’acceptation sans réserve d’une mondialisation – (heureuse ou malheureuse, ils n’en ont rien à cirer) – conforme aux puissants intérêts dont ils sont les marionnettes , avec les conséquences qui en découlent :

-Abolition de la notion de frontières afin de permettre le déferlement sur les nations les plus riches de la planète de vagues d’immigration issues de pays où l’absence de gouvernance n’a produit, depuis la « décolonisation » , que de la misère et de l’insécurité. Ceci, afin d’aboutir à un partage forcé des richesses, favorisant l’émergence de « nouveaux consommateurs », dont nos industriels ont besoin pour pallier la saturation commerciale de nos économies.

-Acceptation sans réticence, sous peine d’être accusé de racisme, d’un « multiculturalisme » allant jusqu’au reniement de nos valeurs, de notre propre culture, et au renoncement à notre identité: ceux qui seraient prêts à aller jusqu’à se battre pour préserver leur identité sont qualifiés, avec une pointe de mépris, « d’identitaires »…..

– Acceptation aveugle d’une nouvelle conception de la démocratie qui confère aux minorités de toutes espèces, le droit d’imposer leurs vues à la majorité des citoyens.

-Éviction des débats de la « vox populi » sous prétexte qu’elle n’exprime que des opinions « populistes », en faisant en sorte que la voix du peuple majoritaire soit couverte par celle des minorités de tous poils, au nom d’une prétendue tolérance, voire d’une bienveillance, que l’on doit aux minorités ethniques, culturelles, sexuelles, et j’en passe….

Tout journaliste susceptible d’émettre une opinion contraire à l’un ou l’autre de ces dogmes, prend un risque sérieux pour sa carrière. L’exemple de Natacha Polony évincée sans ménagement d’Europe 1 pour s’être écartée d’une ligne éditoriale qui colle étroitement au respect des dogmes évoqués ci-dessus.

Le Politologue Thomas Guénolé s’exprimant dans l’hebdomadaire Marianne, considère que les médias dominants jouent désormais, le rôle de l’Église dans l’Ancien Régime.

Cette Église a ses Cardinaux que sont les Éditorialistes qui monopolisent la parole sur les plateaux. Guénolé cite, entre autres- l’exemple du « Cardinal Barbier » et du « Cardinal Joffrin ».

Elle a ses prêcheurs, en particulier les experts de tout poil et les « économistes » omniprésents sur les plateaux, – toujours les mêmes – pour nous répéter, en boucle et en substance, « qu’il n’y a pas d’alternative »à la vision mondialiste dont ils sont les défenseurs. Une vision qui, au fil du temps s’est substituée à celle des « Tiers -Mondistes » qui autrefois nous bassinaient avec leurs paroles d’Évangile et faisaient passer pour des imbéciles, tous ceux qui « n’avaient pas compris que l’avenir de l’Humanité se trouvait dans l’émergence du Tiers-Monde »…..

Cette Église a aussi ses « inquisiteurs », qui sur les plateaux jouent les questionneurs-accusateurs, qui posent des questions fermées, destinées à faire déraper l’interlocuteur qui commet l’imprudence de s’écarter des dogmes, à lui arracher des aveux permettant de l’enfoncer. Mais rien qui ne lui laisse la possibilité d’exprimer une pensée non conforme…..

On mesure à quel point le système actuel est injuste et dangereux: il fait de plus en plus de perdants parmi les victimes de la  » mondialisation malheureuse « .

Comme l’observe Thomas Guénolé, ce système ne repose que sur la croyance collective dans le mantra « Il n’y a pas d’alternative » : une seule politique est possible et surtout, surtout, un seul regard sur le monde est possible.

De fait, on imagine mal qu’un grand média audiovisuel alter-système puisse exprimer jour après jour, un autre regard, d’autres valeurs. Le monopole audiovisuel pro-système serait « ébranlé » . Ainsi, la représentation unique pro-système de la réalité serait menacée .

Alors, le rouleau compresseur du dogme mondialiste tomberait en panne et cette panne légitimerait le retour à une alternative politique que personne dans le petit monde qui gouverne le pays, ne considère comme envisageable.

On comprend l’irritation et la suspicion que soulèvent les réseaux sociaux qui peu à peu s’imposent comme ce « média alternatif », tellement redouté par la classe dominante….


 

Lectures « Bucoliques ».


Giono

Chaque fois que nous nous rendons à Lyon, dans ma famille, j’ai plaisir à converser avec mon beau-frère, un garçon ouvert, sachant se cultiver, et qui ne rate jamais l’occasion de me parler de Jean Giono, l’écrivain provençal, dans la même veine que Pagnol dont la lecture enchantée a nourri une partie de ma jeunesse.

Giono était le parrain de mon beau-frère qui possède des albums de photo inédites de cet écrivain, qui le montrent, détendu, dans son environnement familial….

L’oeuvre de Giono a pour cadre le monde paysan provençal. Inspirée par son imagination et ses visions de la Grèce antique et du monde latin. Son œuvre romanesque, d’inspiration méditerranéenne, dépeint la condition de l’homme dans le monde, face aux questions morales et métaphysiques. On lui attribue une portée universelle, bien que cette littérature influencée par les auteurs anciens ait tendance à passer de mode…..

Fils d’un cordonnier anarchiste d’origine piémontaise, Giono a évoqué son enfance dans Jean le Bleu, d’où émerge la « belle figure de guérisseur libertaire » de son père. Ce père,- auquel mon imaginaire d’adolescent attribuait des ressemblances avec mon Grand-Père -, s’il était encore vivant de nos jours, il aurait sans doute accueilli nombre d’immigrants et d’exilés et aurait manifesté ses convictions en brandissant la pancarte de « Immigrés Welcome » !!!!

Cette enfance pauvre, ce goût pour la littérature ancienne et pour l’écriture, chez un quasi-autodidacte intriguait ma jeunesse car je m’en sentais proche.

Je devins un lecteur assidu de Giono après avoir lu  « Que ma joie demeure » dont le titre est une allusion explicite à une cantate de Jean-Sébastien Bach que j’adore, « Jésus que ma joie demeure » dont l’Adagio est si célèbre…..  Un livre dans lequel il exprime sa foi en une communauté des hommes, par-delà les religions…..

Il ne pouvait pas, à l’époque où il écrivait cette œuvre, imaginer combien les conflits religieux marqueraient les esprits de notre époque…

Je me souviens d’avoir passé, il y a quelques années, une soirée entière à relire « Enemonde et autres caractères » qui avait, alors que j’étais encore adolescent, éveillé chez moi une curiosité sensuelle tant le personnage étonnant de cette femme qui « dévorait » ses amants m’intriguait.  » Le visage était sympathique, malgré la perte de toutes ses dents, ses lèvres étaient assez charnues pour rester épanouies. Elle avait un joli teint frais et rose, ses yeux marron étaient très purs, sans rides ni cernes, avec de longs cils courbes. Leur regard était parfois celui d’une jeune fille, le plus souvent non. Elle pesait plus de centre trente kilos, mais qu’elle déplaçait avec une agilité surprenante. »( Giono )

J’étais fasciné par le personnage de cette femme « hors-normes »qui connaîtra, enfin, le plaisir, après un crime parfait. « Elle vit toujours, vieille, énorme, mais très propre et elle écoute s’il pleut. D’autres personnages arrangent leurs vies (et également leurs amours) avec des arbres, des abeilles sauvages, des sables, des boeufs, des serpentaires (des secrétaires ou, si on préfère, des huppes) » , dira Giono, peu de temps après la publication de son œuvre…..

Les arbres, les abeilles sauvages, les bœufs, voilà ce qui m’amène à évoquer le livre que j’ai refermé, hier soir, très tard.

Nous avons tous des écrivains dont les textes furent bien plus qu’une simple rencontre. Cela a été le cas, en ce qui me concerne, vis à vis de Giono. En classe de Latin, puis plus tard en classe de Littérature, j’avais appris à connaître Virgile et sa poésie toute entière tournée vers la nature sauvage et intacte.

Oscillant entre essai, récit et rêve, le « Virgile » de Jean Giono glisse doucement de la campagne lombarde de l’Antiquité qui a vu naître Virgile à l’évocation de sa terre natale, Manosque, et mêle ainsi sa vie à celle du poète latin, jusqu’à la confusion.

« Un Virgile subjectif au point qu’il ne parle que de moi et qu’on ne voit Virgile qu’à travers mes artères et mes veines, comme on apercevrait un oiseau dans les branches d’un hêtre. » (Jean Giono, lettre du 5 mai 1947 à l’éditeur Fournier)

En me plongeant, l’autre soir, dans la Lecture du Virgile de Giono, j’ai redécouvert un monde dont l’actualité dramatique nous éloigne dangereusement.

En choisissant l’œuvre d’un auteur de l’Antiquité, Giono s’était abstrait de son temps présent, à la fois violent et trop proche, et d’un espace que ce même temps a contribué à meurtrir.

À la violence du quotidien, Giono préfère l’éternité que construit l’entassement patient des siècles : les voix alors y prennent l’accent des mythes, les hommes disparaissent derrière des silhouettes et des âmes furtives, les poètes derrière leurs vers : « ne demeure qu’une quintessence d’humanité, paillettes d’or acérées ou rondes, au fond du grand tamis ».

L’écriture de Giono s’inscrit dans la perspective de la durée et non de la contingence immédiate : il donne la primauté au paysage plutôt qu’au pays, aux saisons et aux météores plutôt qu’à la patrie. Virgile devient alors tout à la fois un frère lointain, un modèle, un miroir, un défricheur dont il conviendra de réstituer la trace et le regard, la patience et l’odorat.

Les pages élues par Giono sont familières pour qui a travaillé jadis, sur les bancs du Lycée, son Virgile : s’y retrouvent les passages les plus fameux des Bucoliques, des Géorgiques, de L’Énéide.

En relisant ces pages, j’ai pu ressentir ce que personne jusqu’ici,  n’avait nommé le « sentiment de nature » et l’« invention du paysage » dont Virgile a l’art de brosser des tableaux vivants.

Pendant une soirée, je me sui promené sur des sentiers et des mers où sans cesse surgissaient déesses, dieux, magiciennes et pythies qui, pour se désennuyer un peu, jouaient du bout des doigts avec la vie des hommes, en les roulant entre leurs doigts comme avec des mies de pain à la fin d’un trop long festin.

J’ai écouté la musique intemporelle de la flûte d’un berger dans la campagne, parmi les fleurs, les bêlements de son troupeau faisant écho au bourdonnement des abeilles sauvages…..

Mais l’essentiel n’est pas là : ce qui m’a passionné, c’est la préface qu’écrit Giono : plus un livre d’ailleurs qu’une préface, mi-essai mi-roman, un autoportrait en creux plutôt qu’une introduction, un cadre ouvragé, aux mille nuances et richesses, qu’on admire autant que la peinture qu’il enserre. Pour tout dire, une merveille.

Émerveillé, tard dans la nuit, je me suis endormi sur mon fauteuil….

J’avais un camarade….


Amitié

J’ai évoqué dans un livre consacré à mes deux Grand-mères et à des souvenirs de ma jeunesse algéroise, la relation d’amitié que j’avais avec un de mes condisciples du Lycée Bugeaud. ( Une enfance algéroise ». Editions Edilivre. )

Nous nous sommes connus en classe de seconde, alors que je venais d’intégrer « le Grand Lycée », comme on l’appelait à Alger, – ce qui faisait enrager les élèves de « l’autre Lycée », le Lycée Gautier -. Après avoir passé le BEPC, je quittais le Lycée de Ben Aknoun où j’avais été interne pendant quatre ans….

Le hasard nous a placés côte à côte sur les bancs de la classe, et très vite nous avons sympathisé, car nous partagions le même goût pour les plaisanteries de cour de récréation, faits de jeux de mots improbables, pour le Jazz, pour le Football et pour les filles….et surtout pour les discussions sans fin sur les sujets les plus divers. Car si nous étions amis, nous étions loin d’être d’accord sur tout !!!

El-Hadi Zemirli appartenait à une grande famille bourgeoise d’Alger : son père possédait un restaurant réputé de la Rue de la Lyre. L’un des meilleurs couscous d’Alger !!! Sa mère était issue d’une autre grande famille algérienne: les Ben-Merabet. L’un de ses frères, le Docteur Zemirli était un grand médecin exerçant à Maison-Carrée, dont on disait qu’il soignait gratuitement les familles pauvres. Son autre frère était chimiste à l’Hôpital d’El-Kettar, et il avait un plus jeune frère qui fera, lui aussi des études de médecine, et qui, pendant l’atroce guerre d’Algérie succombera sous les balles des parachutistes alors qu’il donnait des soins à des « rebelles » dans un hôpital clandestin…..

J’ai raconté, dans le livre évoqué ci-dessus, nos jeunesses parallèles : lui Musulman issu d’une riche famille, et moi « mécréant »issu d’une famille modeste du quartier populaire de Belcourt. J’ai raconté aussi, comment notre amitié s’est brisée au beau milieu de la Guerre d’Algérie.

Ce qui a remué en moi tous ces souvenirs, c’est la lecture d’un article de Pascal Bruckner, ce « philosophe » et essayiste qui publie de temps à autre dans le Figaro Vox. De la conclusion de cet article j’ai extrait cette phrase qui a réveillé dans mes souvenirs, celui d’une discussion qui a failli se transformer en fâcherie, à propos de la Religion.

Cette phrase est la suivante :  » L’islam doit se sauver de ses démons. Les musulmans doivent accepter d’être une confession parmi d’autres, et non pas la seule et unique religion vraie. » ….

(http://premium.lefigaro.fr/vox/monde/2017/08/18/31002-20170818ARTFIG00240-pascal-bruckner-l-islam-semble-engage-sur-une-pente-suicidaire.php ).

Revenant ensemble, à pieds du Stade Municipal où je m’étais entraîné avec l’équipe de foot junior du RUA, nous avions fait une halte sur l’un des bancs qui se trouvent à l’entrée du Jardin d’Essai, en face du Musée Franchet d’Esperey.  J

Je ne sais pourquoi ni comment notre discussion a pu démarrer puis déraper …..

El-Hadi tenait déjà, à cette époque, des raisonnements qui pouvaient laisser prévoir, – mais j’étais loin d’y penser alors – ce que seraient plus tard ceux du FLN qui n’existait pas encore….

Assis sur ce banc face à un superbe parterre de fleurs et à un jet d’eau qui arrosait un bassin circulaire où survivaient quelques poissons rouges. Émerveillés par la beauté du lieu illuminée par un soleil de printemps, nous voilà embarqués dans une discussion sur ‘l’origine du monde » et sur « l’existence de Dieu » ( vaste sujet direz-vous !!! ), discussion qui a abouti à une controverse sur la Religion….

El-Hadi était un musulman pratiquant, de même que toute sa famille chez laquelle j’étais fréquemment reçu, chaleureusement. Le fils d’une  famille modeste du quartier ouvrier de Belcourt que j’étais, y était très sensible.

El-Hadi se considérait, à tort selon moi, comme un Algérien « de souche », et n’aimait pas que je lui rappelle que son nom de famille indique qu’il était issu d’une descendance turque, venue à Alger du temps de la colonisation ottomane : Zemirli signifie, en Arabe « originaire d’Izmir », tout comme « Kbaïli signifie originaire de Kabylie » !!!

Nous sommes en 1949. J’ai 16 ans.

C’est bien plus tard que j’ai réalisé que son discours et son argumentation s’inspiraient d’un livre incendiaire que je n’ai lu que plus tard – je le lui avais emprunté – intitulé « Les Damnés de la terre » de Franz Fanon, un auteur Martiniquais sulfureux. Ce livre, dans lequel je découvrais, pour la première fois un réquisitoire impitoyable contre la « colonisation », moi qui avais grandi « imbibé » de ce que nos maîtres, à l’école, puis au Lycée nous avaient appris concernant « l’œuvre civilisatrice de la France »….

Dès les premières pages le décor du livre est planté :  » « La violence qui a présidé à l’arrangement du monde colonial, qui a rythmé inlassablement la destruction des formes sociales indigènes, démoli sans restrictions les systèmes de références de l’économie, les modes d’apparence, d’habillement, sera revendiquée et assumée par le colonisé au moment où, décidant d’être l’histoire en actes, la masse colonisée s’engouffrera dans les villes interdites. Faire sauter le monde colonial est désormais une image d’action très claire, très compréhensible et pouvant être reprise par chacun des individus constituant le peuple colonisé. » Frantz Fanon.

Fanon

Et c’est bien plus tard que je découvrirai que son discours sur la religion s’inspirait de celui de Messali Hadj, un chef religieux qui dirigeait un Parti, le MTLD, prêchant la révolte contre la France au nom de la Religion Musulmane, et du combat contre « les Croisés »…..

Hadj

Les  » Croisés » !!! Je n’avais pas encore lu le livre d’Amine Malouf ,  » Les Croisades vues par les Arabes »( éditions Jean-Claude Lattès, 1983 ).

Je ne connaissais donc pas la perception arabe de ce qui nous a toujours été présenté comme une coalition « christiano européenne », dont le but était de « libérer et de reconquérir les Lieux Saints envahis par les hordes arabes »…..

Tout cela, je le retrouve dans mes souvenirs de ces discussions sans fin que nous avions à propos de nos religions respectives. El-Hadi était convaincu de ce que la religion de son Prophète était la vraie religion, qu’elle était venue pour corriger les errements des deux religions du Livre qui les ont précédées .

Il est vraisemblable que les arguments qu’il m’opposait, s’inspiraient des discussions qu’il avait pu entendre dans sa famille, et plus largement dans son entourage…

Étant moi-même assez mal « catéchisé », je manquais souvent d’arguments pour répondre à ses propos….notamment lorsqu’il me rappelait que l’on parle souvent de « civilisation judéo-chrétienne »,mais jamais de » civilisation arabo-chrétienne »…..

Mais je perçois déjà, à cette époque, qu’il s’agit d’un sujet sur lequel je ne dois pas trop insister au risque de me fâcher avec mon copain. La religion, les femmes, et « le cochon » sont des sujets tabous sur lesquels nous ne plaisantons jamais….

Avec le recul, et à la faveur de la lecture de l’article-interview de Pascal Bruckner, je mesure, aujourd’hui, à la lumière de mes souvenirs, l’ancienneté et la profondeur du fossé qui nous sépare des Musulmans, et surtout, je mesure la somme de rancœurs transformées chez certains en une violence  que n’explique pas tout ce qui inspire le « djihadisme » , mais en constitue les bases idéologiques…

Une violence rancunière que seuls ceux qui ont vécu très près des Arabes peuvent percevoir, à condition de comprendre l’Arabe et de saisir le sens des remarques qu’ils échangent, parfois, entre eux, pensant qu’elles ne sont pas comprises….

Alors, certes, il ne faut pas généraliser: tous les Arabes ne sont pas des Musulmans pratiquants et encore moins des « fanatiques ». Il y en a beaucoup plus qu’on ne le croit généralement qui aiment et respectent la France et parfois même, se sont battus jusqu’au sacrifice de leur vie, pour elle….Beaucoup d’Algériens sont restés, malgré la Guerre civile atroce qui nous a déchirés, fidèles et attachés à la France pour laquelle ils ont versé leur sang.

Beaucoup, aussi, sont « laïcs », et  aussi peu croyants que nous le sommes, nous-mêmes, en catholiques peu pratiquants….

Mais une violence existe, sous-jacente, chez ceux qui voient dans la pratique de leur religion une manière de se hisser spirituellement au-dessus de nous et de justifier une forme de mépris endémique qu’ils cultivent à l’égard de nos mœurs et de notre « civilisation »….

Car ces Musulmans là sont convaincus que « leur morale » est bien supérieure à la nôtre, qui tolère ce qu’ils considèrent comme des formes agressives d’impudeur, et qui « normalise » ce qu’ils considèrent comme des « déviations sexuelles ». Et surtout, ils perçoivent « notre morale » comme une menace à l’égard de leur conception patriarcale de la famille…..

C’est cette violence qui s’exprime, dans des attentats meurtriers, dont les gens peu initiés – car n’ayant pas vécu dans l’intimité des Arabes, ils en connaissent mal la psychologie -, ont du mal à comprendre les origines et ce qui leur sert de justification.

La  » Pas d’amalgame » ne doit pas nous aveugler et nous empêcher de regarder certaines réalités en face.

Pascal Bruckner a raison : aussi longtemps que l’Islam ne pourra se concevoir comme une religion parmi les autres, nous serons confrontés à un désir de vengeance et un besoin de suprématie qui s’exprimera dans la violence.

PS : Mon ami El-Hadi dont je m’éloignerai pendant la guerre d’Algérie, serait mort, abattu par l’Armée algérienne dans les années 90, alors qu’il combattait dans les rangs du GIA…..Je n’ai jamais pu savoir dans quelles circonstances. Mais je lui ai conservé mon amitié, malgré tout ce qui nous séparait.

 

Bouteflikisme….


boutef

L’article qui suit est tiré d’un quotidien algérien. Il est si évocateur que je n’ai pas jugé utile d’y ajouter un commentaire si ce n’est pour dire: « Pauvre Algérie, doux pays de mon enfance… ».

Le Matin d’Algérie (dz), toute l’actualité en Algérie au quotidien, à l’international, l’actualité économique et politique avec-

Algérie, France, Repentance : Et vous, M. Bouteflika, qui vous pardonnera ?

Nous devînmes pauvres, par inadvertance, un jour d’été particulièrement chaud où l’on commémorait le cinquante-cinquième anniversaire de l’indépendance, la fin d’une guerre dont personne ne se rappelait plus si elle avait été gagnée ou perdue et que le président nous apprit que les caisses de l’État étaient vides.

Ce jour-là, on revint sur terre : nous voilà pauvres pour longtemps ! Au 55è anniversaire de l’indépendance, nous apprîmes que notre pain, nous l’achetions auprès de l’ancienne puissance colonisatrice ! Celle-là à qui le président algérien, expert en matière de diversion, vient d’exiger la repentance pour les crimes coloniaux.

C’est toujours utile de sortir la carte de la mémoire et du patriotisme, quand on veut noyer le poisson dans l’eau. Bouteflika sait que les peuples sont incorrigibles : il succombent au premier serment venu. Il suffit de poser la main sur le Livre ou de parler d’une voix étranglée par l’émotion. C’est gagné ! Ça marche à tous les coups. Ainsi se gouvernent les hommes.

Il convient de savoir faire semblant. Simuler est le seul lien qui unit la base et le sommet. Simuler le bonheur, la démocratie, la sérénité, l’amour de la patrie, la piété…Ou, comme sait si bien le faire le président, invoquer Dieu, le Coran, les martyrs, la nation en danger…

Ce 55è anniversaire de l’indépendance, Bouteflika a préféré parler de « crise économique grave », d’appeler le peuple à la « résistance » et d’exiger des dirigeants français qu’il se repentent de leurs actes de colonisateurs. Oui, mais cela ne résout pas la question, la seule question qui n’a jamais rencontré de réponse : comment est-on passé d’exportateur de céréales à importateur de pain ?

En 1962, la part des hydrocarbures dans les ventes à l’étranger n’était que de 53 pour cent ! Cela veut dire ce que cela veut dire : 47 pour cent de nos recettes provenaient de produits hors-hydrocarbures. Aujourd’hui, ce taux est passé à 3 pour cent ! L’Algérie ne produit plus rien, n’exporte plus rien. Et ce n’est ni la faute de Bigeard ni celle de Massu ! C’est la responsabilité des « libérateurs » qui ont pris le pouvoir en 1962, et dont notre président est un échantillon fort représentatif.

 Aucune vision, aucune stratégie, rien que l’exercice absolu du pouvoir. La gouvernance ? Plus tard !En près de 19 ans de règne, Bouteflika n’aura pas diminué d’un seul dinar la facture alimentaire du pays, bien que les caisses de l’Etat n’ont cessé de déborder de dollars. Huit mille milliards de dollars plus exactement, de quoi devenir un pays quasi-développé, capable, en tout cas, de se passer de pétrole.

A l’échelle des crimes historiques, condamner 40 millions d’Algériens à la précarité est-il plus pardonnable que le crime de les avoir colonisés ?

Aucun président n’a bénéficié d’une si généreuse manne financière. Ce 5 juillet, un président digne de ce nom aurait annoncé à son peuple la fin de la dépendance pétrolière, la fin du chômage et des incertitudes. Au lieu de cela, il leur apprend qu’ils seront plus pauvres et sans aucune politique de rechange.

Parce qu’il n’a pas diversifié l’économie nationale malgré un afflux financier sans précédent, Bouteflika laisse une Algérie à l’agonie : dès cet automne, les subventions seront supprimées, nous connaîtrons le temps des licenciements de fonctionnaires, des produits de première nécessité inaccessibles de même que l’électricité, le temps du retour à la bougie et au charbon de bois, de la réduction des budgets santé et de l’éducation. mais aussi de l’incertitude sur les versements des retraites et des prestations sociales.

Vous attendez repentance des dirigeants français pour les crimes du passé.

Et vous, M. Bouteflika, qui vous pardonnera les crimes d’aujourd’hui et de demain ?

La rédaction

Sommes-nous entrés dans l’ère du « post-modernisme » ???


Qui c'est le Chef

Si on en croît la doxa médiatique du moment, l’irruption brutale de Macron dans le paysage politique aurait « ringardisé », en quelques mois, l’organisation, les méthodes, le discours et les postures d’un personnel politique à bout de souffle.

Tous ceux qui regardent, avec un certain recul et une pointe de scepticisme le prétendu chambardement qui se déroule sous leurs yeux étonnés se demandent s’ils assistent à un tournant de notre Histoire, ou s’il s’agit d’un épisode dont nul n’ose prédire quel en sera l’aboutissement.

Pour quelques observateurs du monde des idées et de leurs prolongements en politique, – répondant à ceux qui sont convaincus que l’épisode actuel se terminera par un retour aux vieilles méthodes -, nous sommes, au contraire, entrés dans une ère nouvelle, « post-soixante-huitarde » appelée à rejeter dans l’oubli les gesticulations idéologiques de « l’après gaullisme ».

Parmi ces observateurs, le philosophe Shmuel Trigano qui écrit dans le Figaro , je cite :  » Le propre d’une idéologie dominante, c’est qu’on ne sait pas qu’elle domine. Ses idées, les cadres mentaux et sociaux qui la portent semblent faire partie de la réalité, de l’évidence naturelle, de la vérité si bien que l’acteur social reste inconscient au fait qu’il ne s’agit là que d’un point de vue sur la réalité. Tout phénomène idéologique est massifiant. Prenons pour exemple une des idées phares du postmodernisme: la théorie des genres. C’est une nouvelle version de l’«Homme nouveau», ce mythe qui a hanté les totalitarismes du XX° siècle. Ce qui relève d’une utopie de l’humain, qui ne vise rien moins que la redéfinition de l’identité humaine et de la famille, semble s’imposer comme une vérité, une obligation morale, un impératif absolu alors qu’il n’y a là qu’une théorie contestable. Le postmodernisme qui est en délicatesse avec le réel pour éliminer toute critique à son égard a inventé une parade: le «réel» n’était qu’un «narratif» et tous les narratifs se valent… ».

Nous serions donc en train d’assister à l’avènement d’une idéologie nouvelle dont Macron serait, en quelque sorte le Messie, choisi pour accomplir une mission « sacrée », par une congrégation d’élites dont certaines ont été clairement identifiées, mais dont d’autres restent et resteront invisibles : faire de la France un territoire avancé dans lequel s’épanouirait une nouvelle conception du « monde civilisé ».

Une entreprise qu’il entend mener au pas de course, maniant, tel Jupiter, la foudre pour éliminer quiconque aurait la prétention de se mettre en travers de son chemin !!!

Cette idéologie, présentée comme un « passage de l’ombre à la lumière » est celle d’un monde sans frontière, où les individus n’ont plus d’identité propre, où il devient interdit de contester la moindre spécificité, – les « identitaires » sont considérés avec mépris comme des imbéciles qui n’auraient pas compris que « le monde est en train de changer »- ou chacun peut être « en même temps » tout et son contraire…. Un monde où la notion de « limites » n’a plus de sens, y compris dans le domaine de la morale, un mot exclu du vocabulaire des « sachants », qu’il s’agisse de la morale qui régit la vie en société, de la morale sexuelle, de règles de la vie familiale et, bien tendu, de celles qui régissent la vie politique…

Beaucoup de nos hommes politiques viennent de sombrer pour avoir ignoré la nouvelle notion de « limites »….

Dans ma jeunesse, les combats idéologiques qui animaient « le Parti du bien » de mon époque, étaient ceux du « droit à la différence ». Un combat ringardisé par le relativisme de la post-modernité qui exige que l’on soit tous pareils, quelles que soient nos origines, notre couleur de peau, ou la culture dont nous sommes issus.

La religion, qui veut que toutes les cultures se valent, que les graffitis urbains valent bien les œuvres des plus grand peintres, que la musique des « rockers » n’a rien à envier à celle de Mozart, et que nos civilisations auraient beaucoup à apprendre en s’inspirant des mœurs des pygmées ou des aborigènes qui couvrent leurs épidermes de tatouages en signe de fidélité au tribalisme, cette nouvelle religion a supplanté toutes les autres et effacé toutes les « valeurs » qu’elles étaient censées répandre.

Le candidat Macron, en « initié » de la nouvelle religion, s’est vivement inspiré du refus des limites traditionnelles en faisant du refus du « clivage » gauche-droite, ( pourtant inhérent à toute conscience politique depuis la Révolution française ), l’épine dorsale de son projet politique.

 Le dispositif électoral des « primaires » était en quelque sorte un précurseur de cette post-modernité dans la mesure où il supprimait toute frontière entre les partis et les acteurs politiques, en ouvrant le vote pour élire le leader de la droite aux électeurs des partis concurrents, – au grand dam des « sectaires »de chaque Parti,  confondant ainsi le partisan et le national – signe qu’il n’y avait plus rien de «national».

À l’image de cette Europe, absente de tous les débats de fonds au cours de la dernière élection présidentielle. Cette Europe d’où se propage l’idéologie de la confusion des peuples et de l’abstraction des frontières….

Macron s’en fait « l’apôtre » en proclamant qu’ «il n’y a pas de culture française». Il se fait clairement l’avocat de ce «multiculturalisme» et quand il dit qu’au contraire «il y a une culture en France» ( sous-entendu « comme partout ailleurs », il rejette le référent à une spécificité française. Quand il évoque le «crime contre l’humanité» que la France aurait commis en Algérie, il cible l’État-nation français par excellence que fut la IIIème République et cible sa culpabilité comme État des citoyens auxquels on avait expliqué qu’ils agissaient « au nom des droits de l’homme ». Il fait de même, lorsqu’au Vel d’Hiv il pointe la responsabilité de la France en tant qu’État-nation.

L’Union Européenne étant le centre de gravité de l’expression de cette nouvelle idéologie, on comprend que l’élection de Macron ait été saluée avec enthousiasme dans la classe dirigeante européenne qui, – a un moment où dans de nombreux pays du Nord et de l’Est de l’Europe les consciences s’éveillent et expriment des réticences ouvertes devant les prétentions d’une élite européenne à leur imposer les conséquences de l’application de cette idéologie « post-moderne »- voit en la France de Macron un allié et un renfort pour surmonter les « réticences » de certains pays….

L’idéologie postmoderniste est devenue le discours du pouvoir : il impose la légitimité d’une certaine conception de l’Union européenne elle même devenue le champ, par excellence, de l’épanouissement du concept de «mondialisation», bien plus active que le reste de la planète dont elle veut devenir un phare, dont la lumière est loin de parvenir jusqu’en Asie où se joue réellement le destin du monde.

D’un point de vue sociologique, la constitution de ce nouveau pouvoir, essentiellement élitiste, est la clef de compréhension de la nouvelle idéologie que veut imposer une Europe qui se voit comme un nouvel Empire.

Un Empire sans tête, et sans frontière.

L’embuscade.


Le 2 Août 1956.

Il est 4 heures du matin. Dans la cour du bordj construit sur la frontière algéro-tunisienne par les chasseurs de la 2ème Compagnie du 25ème BCA, les hommes désignés pour la patrouille sont rassemblés, silencieux. On entend à peine quelques murmures et le cliquetis des armes… Le Caporal d’ordinaire passe au milieu des hommes avec son bouteillon de café chaud, dans lequel chacun trempera son godet métallique avant d’avaler quelques gorgées bienfaisantes. L’un des chasseurs a ouvert un paquet de biscuits et en offre autour de lui….

Retardataires,  quatre des huit harkis rattachés à l’unité rejoignent les rangs.

Le Chef de Poste donne les consignes : une moitié de la section restera au camp pour en assurer la garde. L’autre moitié fera partie de la patrouille. Les instructions du Commandant de Compagnie, le Lieutenant Toma, sont formelles : jamais plus de la moitié de l’effectif en patrouille.

Vérification des gourdes : elles doivent être pleines car la journée sera chaude….

Une courte discussion s’engage : le fusil-mitrailleur suivra-t-il la patrouille ou restera-t-il en batterie, au bordj ??? Décision : le FM sera de la patrouille, au cas où….

La veille au soir, le bordj a été, comme presque chaque soir, la cible de tirs venant de la frontière, et il n’est jamais à l’abri d’une tentative d’attaque dangereuse . Le but de la patrouille : repérer le point de passage de ceux qui ont tiré sur le bordj hier soir, afin de monter une embuscade pour les surprendre lors d’une prochaine tentative…Car, là où ils sont passé,ils repasseront ou d’autres passeront…

A 4heures30, la petite troupe composée d’une demi-section se met en marche. Il fait encore nuit et l’on entend au loin, le cri familier des chacals qui peuplent le djebel alentour.

Elle s’engage dans un sentier  rocailleux qui prend naissance à quelques centaines de mètres du bordj : en « colonne par un, en « gardant les distances », la patrouille progresse entre les broussailles et les rochers pour atteindre,  quelques centaines de mètres plus loin, les rives d’un oued profond, complètement sec, qui doit être un affluent de l’Oued Meridj et qui courre entre deux falaises rocheuses.

Patrouille djebel

Nous sommes dans une zone désertique, loin de toute habitation et de toute vie humaine : la zone est interdite, en raison de la proximité de la frontière et des passages fréquents de combattants de l’ALN basés en Tunisie . A cette époque, le barrage électrifié n’existe pas encore et la frontière est extrêmement perméable aux incursions, dont certaines « ne font que passer « pour rejoindre les maquis de l’intérieur, et d’autres font parfois un « petit détour » pour venir « canarder » les postes installés sur la frontière….

Une petite discussion s’engage . Décision : trois hommes partiront en reconnaissance dans l’oued, sous la protection du reste de la troupe qui couvrira, du haut de la falaise, la progression des trois éclaireurs .

Au moment où les deux groupes se séparent, le soleil se lève sur l’horizon. Pas un nuage dans le ciel. La journée sera torride, en effet !!! On entend les premiers chants des rares oiseaux qui, probablement, nichent dans les buissons de lauriers roses sur lesquels une légère couche de rosée s’est déposée pendant la nuit, qui fait miroiter les feuilles sous les premiers rayons du soleil. Dans l’air, flotte toujours ce parfum de thym sauvage que l’on rencontre partout dans le djebel en Algérie.

Nous avançons, prudemment, car c’est un endroit idéal pour une embuscade et il s’agit d’éviter de tomber dans une embuscade ennemie, là même où nous envisageons d’en monter une dans les jours suivants…..

Au fur et à mesure que nous avançons, le terrain devient plus escarpé et plus difficile. La progression est lente pour ceux qui sont en bordure de l’oued, alors que les trois hommes qui sont au fond de l’oued avancent plus facilement en progressant  de buisson en buisson, à la recherche de traces de passages….

Nous marchons ainsi pendant trois heures, alors que le soleil s’est élevé dans le ciel. La température doit friser les quarante degrés, alors que le soleil n’est même pas encore à son zénith. La veste de treillis colle à la peau et la sueur inonde les visages . Il faut économiser l’eau de la gourde : j’avale une pastille de sel qui fait partie de nos rations, afin de lutter contre la déshydratation.

De temps à autres nous marquons un temps d’arrêt pour échanger quelques signes avec ceux qui progressent dans l’oued.

Soudain, l’un d’eux s’agite : avec des gestes significatifs il nous indique qu’il y a de nombreuses traces dans le sol sableux de l’oued. Nous dévalons à travers les rochers pour participer au constat : c’est clair, il y a eu un groupe d’hommes  qui est passé là, et que nos harkis qui savent lire les traces dans le sable, évaluent à une dizaine avec au moins deux mulets chargés – les traces de leurs sabots sont profondes dans le sable humide- qui transportent vraisemblablement des armes et des munitions destinées aux maquis de l’intérieur….

Nous explorons les alentours, entre les rochers qui bordent l’oued. Soudain, l’un des hommes qui sont dans l’oued nous fait de grands signes : il vient de découvrir les traces d’un campement, avec des braises encore fumantes, des boites de haricots et de lentilles ouvertes et à moitié pleines, et quelques cartouches égarées dans le sable.

Le visage de nos harkis s’assombrit : selon le plus expérimenté d’entre eux, il faut redoubler d’attention car les traces sont très fraîches et « ils » ne doivent pas être très loin. Les traces indiquent qu’ils sont revenus sur leur pas, sans doute alertés sur notre présence, et compte tenu de leur chargement, ils ne peuvent pas être allé loin. Combien sont-ils ??? Une dizaine, probablement, selon l’évaluation de nos harkis.

Le silence devient la règle : nous sommes une troupe aguerrie, qui a vécu de nombreux « accrochages », et chacun sait ce qu’il a à faire. Nous ne communiquons plus que par gestes, en reprenant notre avancée, mais cette fois, en abandonnant le fond de l’oued, afin de profiter des rochers pour masquer notre progression.

Il est très exactement 11heures25 à ma montre lorsque les premiers coups de feu claquent. Ces instants, tout comme d’autres moments identiques, sont gravés dans ma mémoire : les éclaireurs de pointe sont « au contact »….

C’est un instant dont les impressions font partie de souvenirs jamais effacés. Pour en avoir vécu plusieurs j’en connais tous les symptômes !!! Le cœur se met à battre plus rapidement. On a la bouche sèche, mais le regard devient perçant : il faut scruter les éboulis de roches d’où peut partir un tir à chaque seconde. En se répétant, mentalement : « reste calme », « ouvre l’œil »….

Des rafales de pistolet mitrailleur indiquent que des Chasseurs ont repéré ceux qui ont ouvert le feu. Tout se passe à une trentaine de mètres de moi, mais, de là où je suis, je ne vois rien. Le servant du fusil mitrailleur , à mes côtés ne voit rien, non plus. Ce qui accenteu notre angoisse. J’entends des cris, des « Allah ou akbar »… Un mulet affolé dévale l’oued perdant en route, une partie de son chargement….

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Puis, le porteur du FM qui se trouvait tout près de moi pousse un cri de douleur, touché à la cuisse. Je me laisse glisser sur le rocher qui m’abrite et m’approche de lui pour tenter de lui faire un garrot, en m’appliquant un peu plus que lors de l’accrochage du 4 Mai à Ouenza où le lieutenant de la Bigne a eu l’artère fémorale sectionnée…. Sa blessure n’est pas très profonde: probablement, la balle a ricoché sur la roche .

J’entends le bruit des balles qui ricochent, en effet, sur les rochers, et le « feulement » de celles qui me sont destinées…. J’ai beau scruter la falaise qui nous fait face, mais je ne vois toujours rien, ce qui fait battre mon cœur très fort, car si je ne les vois pas, eux, sans doute, me voient….

Les échanges de tirs se poursuivent. Sporadiques. Puis, peu à peu ils cessent. Les « rebelles » ont décroché. Nous nous rassemblons pour inspecter les lieux : des traces de sang nous indiquent qu’un ou plusieurs rebelles ont été touchés. Mais aucune trace de corps : « ils » se sont repliés emmenant, comme très souvent,  leurs blessés, en profitant d’un terrain qu’ils connaissent mieux que nous….

Je n’ai pas tiré une seule rafale de ma Mat49.

Nous n’avons qu’un blessé : celui qui a été touché près de moi, et qui courageusement, supporte la douleur de sa blessure qui a beaucoup saigné mais qui n’est pas profonde. Le Caporal infirmier lui désinfecte la plaie et lui applique un pansement « dans les règles de l’art ». Il pourra marcher pour le retour, aidé par ses camarades.

Il fait une chaleur torride et il est difficile de trouver un coin d’ombre alors que le soleil est à son zénith…. J’ai la gorge sèche et la langue pâteuse.

Dans l’oued, nous récupérons trois fusils Beretta, une « Kalach » et deux caisses de munitions, tombées du dos du mulet qui a pris la fuite aux premiers coups de feu…

La prise est maigre, mais nous avons peut-être échappé au pire.

Nous décidons d’attendre que le soleil baisse sur l’horizon pour reprendre le chemin du retour.

Nous arrivons au bordj au soleil couchant. Épuisés.

Nous trouvons l’équipe demeurée sur place en état d’alerte : les coups de feu lointains ont été entendu jusqu’au bordj et faute de moyens radio nous n’avons pu informer nos camarades de ce qui s’est passé.

L’instant le plus précieux, gravé dans ma mémoire, c’est celui où je retrouve ma « gargoulette » entourée de bas de laine mouillés placée, au courant d’air, sur le rebord de la fenêtre de ma « piaule »,-  mon « frigo » – pour englouti des gorgées d’eau fraîche, qui me donnent le sentiment de retrouver la Vie, une nouvelle vie…jusqu’à la prochaine fois  !!!