Suite de : https://berdepas.wordpress.com/2014/08/18/qui-raze-poutine/
C’est un monde dangereux qu’à 81 ans, j’ai le sentiment de devoir léguer à mes enfants et petits enfants. Le regard que je porte sur ce nouvel état du monde ne m’inspire pas l’optimisme.
Car j’appartiens aux « survivants » de ceux qui ont connu la « dernière » guerre mondiale, qui à 20 ans ont dû aller combattre dans les Aurès, et qui ont participé, sans jamais mesurer leurs efforts ni leurs heures de travail, à une époque où les 35 heures n’existaient pas, pour la « reconstruction » du pays, puis au cours des » 30 glorieuses », pour, à force de travail, se reconstruire un avenir .
La génération qui a suivi la mienne n’a jamais connu la guerre, mais, après avoir pris goût à la prospérité elle a vu le pays s’enfoncer dans une « crise chronique » qui dure maintenant depuis 30 ans. Les 30 « piteuses », et leur cortège de souffrances infligées à ceux qui ont été confrontés au chômage, ou à la précarité, à l’instabilité et à l’absence de perspectives. Et pour ceux qui ont réussi à préserver leur emploi, l’angoisse permanente et la peur de le perdre. Qu’en sera-t-il de la génération suivante, celle de mes petits enfants ???
La France semble prise dans un tourbillon d’incohérences. Mal gouvernée par une génération de politiciens plus préoccupés de leur réélection prochaine que de l’avenir du pays, elle ressemble à un navire sans capitaine, sans boussole et sans cap.
Les Français, en apparence résignés, semblent ne plus écouter, et encore moins entendre le discours d’une classe politique qui a fait du mensonge et des fausses promesses, une pratique courante qui leur a fait perdre tout crédit dans l’opinion, anesthésiée, en outre, par le « prêt-à-penser » médiatique qui les prive des informations et des analyses nécessaires à la compréhension du monde qui les entoure, dont on s’applique à minimiser ou à cacher les dangers.
Alors, dans ce contexte, quels sont les dangers qui nous menacent le plus et qui risquent d’entraîner les générations futures dans des conflits aux quels elles n’auront pas été préparées ???
A l’occasion de la sortie récente d’un livre passionnant, dont je conseille vivement la lecture, intitulé « Le Choc des Empires », dont les thèses ne sont pas sans rappeler celles du « Choc des Civilisations » de Huttington, le journaliste et économiste Jean-Michel Quatrepoint nous livre, dans « le Figaro », quelques réflexions (pessimistes) sur le futur proche.
Jean-Michel Quatrepoint a travaillé au journal Le Monde pendant onze ans, puis a dirigé les rédactions de l’Agefi, de La Tribune et du Nouvel Économiste avant d’animer, quinze années durant, La Lettre A. Il a publié un premier livre qui annonçait en 2008 la « Crise globale ».
Il a depuis publié un autre livre en 2011 «Mourir pour le Yuan? Comment éviter une guerre mondiale ». Car le risque de guerre mondiale existe. Il flotte sur la planète, et pourrait bien ressembler, dans l’esprit de quelques inconscients, comme « la » solution à la crise.
C’est un des rares journalistes de sa génération à aborder, avec lucidité, les questions qui fâchent nos « zélites »…
A la question : « Dans Le choc des Empires, vous décrivez notamment les circonstances qui ont mené à la seconde guerre mondiale. Existe-t-il un risque d’escalade similaire aujourd’hui? Il répond ( je cite ) :
«J’ai le sentiment que les dirigeants des grandes puissances mondiales ne maîtrisent plus vraiment le système. A partir de ce moment-là, la machine peut déraper. Au Proche-Orient, le risque d’escalade est faible car le Califat ne dispose pas de fusées. Par ailleurs, la diplomatie américaine commence à comprendre que l’Iran peut être un pôle de stabilisation et devrait donc jouer la carte chiite face aux wahabites saoudiens et aux islamistes du Califat.
Ni les Américains, ni les Russes n’ont intérêt à l’escalade, mais le risque est que ces groupes bruts de décoffrage leur échappent. Si les forces ukrainiennes se livrent à des nettoyages ethniques dans la région des pro-russes, Poutine ne pourra pas laisser faire.
En Ukraine, la situation est plus incertaine car l’affrontement entre la Russie et les Etats-Unis se fait par personnes interposées: les pro-russes d’un côté et de l’autre côté la garde nationale ukrainienne plutôt peuplée d’extrémistes de droites. Ni les Américains, ni les Russes n’ont intérêt à l’escalade, mais le risque est que ces groupes bruts de décoffrage leur échappent. Si les forces ukrainiennes se livrent à des nettoyages ethniques dans la région des pro-russes, Poutine ne pourra pas laisser faire. Il faut que les Américains soient suffisamment responsables pour faire pression sur les Ukrainiens. De la même façon, les pro-russes doivent accepter d’abandonner leur autonomie. C’est un jeu délicat qui peut déraper à tout moment. Pour éviter cela, il faut aussi que les Européens jouent leur propre jeu et non celui des Américains. » (Fin de citation).
Le risque est grand, en effet, d’un « dérapage incontrôlé » de ce conflit, dans lequel l’Europe a pêché par imprudence en emboîtant, sans réfléchir, le pas aux Américains.
Dans le même entretien, il évoque les dangers auxquels nous nous exposons au Moyen-Orient. Je cite :
«Oui, le Califat progresse car il a su surfer sur les erreurs des Américains qui après avoir semé le désordre en Irak sont partis sans en assumer les conséquences. Leur principale faute est d’avoir voulu détruire l’armée irakienne alors qu’il aurait fallu garder l’ossature du régime après la chute de Saddam Hussein.
Ils ont d’ailleurs failli faire la même erreur en France en 1944 en voulant installer une monnaie d’occupation et une administration américaine. C’est le général de Gaulle qui a réussi à éviter cela, notamment en gardant en place une partie de l’administration française de Vichy. C’était la seule à être capable de faire tourner la machine étatique et il fallait éviter deux écueils: celui des communistes et celui des américains.
Déjà, la France devait jouer entre les Russes et les Américains. Aujourd’hui, si l’Europe est inféodé aux Etats-Unis, elle sera vassalisée et n’existera plus.( Fin de citation ).
Question : Si la France a eu raison en 2003 de s’opposer à la guerre en Irak, ne faut-il pas intervenir aujourd’hui pour barrer la route au Califat et protéger les chrétiens d’Orient?
La vraie question serait plutôt: «Qui en a les moyens?».
Pas l’armée française qui est dans un état de déliquescence avancée. Avec ce que nous avons mis en place au Mali et en Centre-Afrique, nous n’avons plus de capacité de projection. A force de réduire depuis vingt ans le budget de la défense, il ne reste plus rien. Fait rarissime depuis des décennies, les quatre chefs d’Etat-major ont même mis leur démission dans la balance lorsqu’il était question de raboter encore un peu plus la loi de programmation militaire
Aujourd’hui, les Américains sont les seuls à être capables d’envoyer des troupes au sol. Mais Barack Obama ne le fera pas car l’opinion publique ne l’acceptera pas. Les Américains ne veulent plus faire la guerre avec des GI’s. Désormais, l’Amérique fait la guerre avec des drones à travers des frappes ciblées. Elle mène également une guerre idéologique et économique et utilise des abcès de fixation tel que l’Ukraine pour contrer ses adversaires, mais n’envoie plus de soldats sur le terrain. Le problème, c’est que les islamistes l’ont compris et progressent eux au sol. Entre un américain et un islamiste, l’irakien risque de choisir l’islamiste qui a l’avantage d’être sur place et de connaître la population ».(Fin de citation).
Cela donne à réfléchir.
On retrouve là des paramètres qui ont prévalu dans l’évaluation des risques à la veille de la seconde guerre mondiale :
Une gauche au pouvoir, plus préoccupée de répondre au désir jamais satisfait de bien-être des Français que de la défense du pays, une pression sociale qui tire sans cesse le pays vers le bas, des politiciens « pacifistes » au discours lénifiant d’un côté, et des « va-t-en guerre »imprudents de l’autre, et enfin, un aveuglement général et obstiné face aux menaces qui se profilent. Une armée française affaiblie par des coupes de crédits imposés par la croissance non maîtrisée des dépenses sociales dont une grande part va dans l’assistanat… Tout contribue au climat défaitiste qui envahit le pays aujourd’hui….
Face à tout cela, je me dis, au soir de ma vie, que les Français devraient se préoccuper un peu plus de l’avenir de la France et moins de leur bien-être immédiat.
Car sans avenir pour la France il y a peu de perspectives d’avenir pour les Français.