Il arrive que le quotidien « Le Monde » fasse un vrai travail journalistique en diffusant rétroactivement des articles qui contribuent (involontairement ???) à clarifier le débat politique.
Disposant de bonnes archives, il nous permet de faire un retour en arrière, et, en nous rafraîchissant la mémoire, de nous remémorer des circonstances oubliées. Ce qui n’est pas inutile, car nos syndicalistes et nos politiciens sont devenus experts dans l’art de brouiller les mémoires, de spéculer sur notre immense faculté d’oubli, pour nous faire avaler des couleuvres.
Ainsi, l’une des ritournelles que l’on entend, dès que tel ou tel leader syndicaliste se fait entendre sur les ondes de France-info, ou de France-inter, – ( ils ont « micro ouvert » 24 heures sur 24 )-, c’est que ce Gouvernement, avec un « mépris » insupportable, aggravé par un « autisme » pathétique, refuse tout « dialogue » sur l’âge de la retraite, qu’il veut « autoritairement » porter au-delà des 60 ans et renvoyer aux oubliettes une « conquête » irréversible du peuple de Gauche.
Une petite recherche, à la portée de n’importe quel internaute, m’a permis de tomber, par le plus grand hasard, sur un récent article du Monde qui m’avait échappé et qui rappelle les circonstances dans lesquelles , la Gauche, sous Mitterrand avait permis cette « avancée sociale historique ».
Il n’est pas inutile d’y revenir, pour porter un regard un peu plus distancié, sur les méthodes de ceux qui voudraient se servir de l’obstination du Gouvernement, pour tenter de créer, artificiellement, une situation pré-insurrectionnelle en France.
Je cite « Le Monde » du 25/9/2010 .
« La retraite à 60 ans est la dernière des grandes réformes sociales promises par François Mitterrand en 1981. Vieille revendication syndicale, elle apparaît comme une rescapée de l’état de grâce mais entre en vigueur à l’heure de l’austérité…
Dans les 110 propositions du candidat socialiste à l’élection présidentielle, elle arborait le numéro 82 : « Le droit à la retraite à taux plein sera ouvert aux hommes à partir de 60 ans et aux femmes à partir de 55 ans. » Du copié-collé avec le programme commun de gouvernement, signé le 27 juin 1972 par le Parti socialiste et le Parti communiste, qui proclamait : « L’âge d’ouverture des droits à la retraite sera ramené à 60 ans pour les hommes et à 55 ans pour les femmes, le droit au travail restant garanti au-delà. Cette mesure est particulièrement urgente pour les travailleurs effectuant des tâches pénibles ou insalubres. »
Arrivée au pouvoir, la gauche oublie les femmes – on ne parle plus des 55 ans – et s’engage dans une course de lenteur. Pourtant, Pierre Mauroy veut aller vite. Il décide d’utiliser l’article 38 de la Constitution, en d’autres termes une loi d’habilitation qui lui permet de recourir, sur sept sujets bien identifiés comme prioritaires pour lutter contre le chômage, à des ordonnances le dispensant de tout débat parlementaire. Le 11 décembre 1981, l’Assemblée nationale entérine le projet de loi d’orientation sociale qui prévoit notamment l’abaissement à 60 ans de l’âge légal de départ à la retraite à taux plein. Mais ce n’est que le début d’une longue marche.
Depuis l’ordonnance du 19 novembre 1945, l’âge de la retraite à taux plein, moyennant 37,5 années de cotisations (150 trimestres), est fixé à 65 ans. C’est le même âge qui avait été retenu par la loi du 5 avril 1910 qui avait institué les premières retraites ouvrières et paysannes. A l’époque, cet âge était supérieur à l’espérance de vie, ce qui conduisit la CGT à dénoncer la « retraite des morts ».
Pour passer de 65 à 60 ans, Pierre Mauroy est confronté à une double difficulté. Il ne peut agir que sur la retraite de base du régime général de Sécurité sociale, qui accorde une pension égale à 50 % d’un salaire plafonné. Il faut donc que les régimes de retraite complémentaire, qui relèvent des seuls partenaires sociaux, accordent un complément de 20 % qui rendra la retraite avantageuse.
Or en 1981, le système des préretraites bat son plein. Dans le cadre de l’assurance-chômage, les syndicats et le patronat ont instauré une garantie de ressources qui assure aux partants, dès 60 ans et à la seule condition d’avoir été salarié pendant dix ans, un revenu à hauteur de 70 % des derniers salaires. Très coûteux, cet accord devait prendre fin le 31 mars 1983. Pierre Mauroy bénéficie du soutien de François Mitterrand mais le chef de l’Etat est économe en paroles sur le sujet. Lors de ses vœux du 31 décembre 1981, il fait juste allusion à « la retraite facultative à 60 ans ». Le premier ministre a surtout impérativement besoin du concours des partenaires sociaux.
Cette démarche aboutit à l’ordonnance du 26 mars 1982 qui, en douze articles, instaure, au 1er avril 1983, pour les salariés du régime général et les salariés agricoles, un « véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l’issue d’une durée de carrière normale ».
Tous les salariés « qui le souhaitent » pourront bénéficier d’une retraite complète dès lors qu’ils ont cotisé 37,5 années, avec une pension égale à 50 % du salaire annuel moyen des dix meilleures années. Ceux qui partiront à 60 ans sans avoir leurs 150 trimestres verront leur pension minorée – une décote – en fonction du nombre d’annuités manquantes », la retraite à taux plein étant garantie à 65 ans. »(Fin de citation.)
Ainsi, donc, cet article, vient- innocemment -, nous rappeler les circonstances dans lesquelles, le Gouvernement de Pierre Mauroy, – futur « mentor » de Martine Aubry -, a imposé la décision de fixer à 60 ans, l’âge de départ à la retraite.
La décision est donc loin d’être intervenue après un long débat. Le Gouvernement Mauroy n’a pas perdu son temps et son énergie à défendre son projet pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, devant le Conseil économique et Social, en Commission des Affaires Sociales puis, devant le Parlement, ni après consultation des Organisations Patronales.