- « lemonde est beau »
( D’après une chanson optimiste d’Hervé Villar ).
La réputation de sérieux et d’impartialité du « Monde » n’est heureusement plus, aujourd’hui, ce qu’elle était il y a quinze ou vingt ans.
De nombreuses publications, dont le livre de « révélations »de Pierre Péan, « La Face cachée du Monde » ont sérieusement contribué à ternir son prestige.
Mais le »quotidien du Grand Soir » jouit encore, en France comme à l’étranger, d’un prestige et d’une influence considérables.
Le « prêt à penser » qu’il distille à longueur de colonnes sur le ton faussement mesuré qu’on lui connaît, fait en effet du « Monde » la référence incontournable dont la classe politico-médiatique française, les bobo-gauchos et les « bien-pensants » de tous poils s’abreuvent quotidiennement.
Or, à l’heure ou s’ouvre le procès du quarteron de criminels qui inspiraient ou dirigeaient les Khmers Rouges, au Cambodge, on ne saurait oublier que, derrière une objectivité de façade, « Le Monde » s’est constamment employé, de sa fondation en 1944 à la chute du mur de Berlin en 1989, à justifier, minimiser et parfois nier les crimes et les méfaits du communisme. On ne peut pudiquement passer sous silence l’aveuglement et la complaisance dont il fit preuve à l’égard de l’Union soviétique, de la Chine maoïste, du Vietnam « libéré » ou du Cambodge sous Pol Pot.
Qui peut en effet oublier, – pour ceux qui, comme moi, étaient en âge de lire quotidiennement « Le Monde » à cette époque -, que l’un des journalistes vedettes du « quotidien de révérence », Jacques Ducournoy, s’évertuait à convertir ses lecteurs dans la foi aux « lendemains qui chantent » lorsqu’il décrivait en ces termes le programme du FUNK (Khmers Rouges) dans « Le Monde » du 16 avril 1975 : « Une société nouvelle sera créée ; elle sera débarrassée de toutes les tares qui empêchent un rapide épanouissement : suppression des moeurs dépravantes, de la corruption, des trafics de toutes sortes, des contrebandes, des moyens d’exploitation inhumaine du peuple »(…). « Le Cambodge sera démocratique, toutes les libertés seront respectées, le bouddhisme restera religion d’Etat, l’économie sera indépendante, l’usage de la langue nationale sera généralisé dans les services publics »…
On connaît la suite….
Car pour avoir contribué à endormir l’opinion publique, en France comme à l’étranger, en prédisant la victoire « inéluctable » du communisme en Asie du sud-est, « Le Monde » porte, qu’on le veuille ou non, sa part de responsabilité dans les atrocités qui devaient s’ensuivre… y compris le génocide perpétré par les Khmers Rouges au Cambodge, qu’il a bien tardé à dénoncer dans ses colonnes.
Une longue recherche sur internet, m’a conduit sur la trace de certains articles parus à cette époque dans ce journal, dont la tonalité non équivoque, exprime la sympathie et le soutien de leurs auteurs à cette sinistre entreprise destinée, une fois de plus, à exterminer tous ceux qui, dans le délire de leurs bourreaux, pouvaient entraver la naissance de « l’Homme Nouveau »….
On trouvera ci-après, les références de quelques articles significatifs parus en 1975, et qui montrent, sous couvert d’une « pseudo-objectivité », les sympathies idéologiques de la rédaction du journal envers les « progressistes »de tout poil.
1) Le 1er avril 1975 : « Revers gouvernementaux en Indochine« .
2) Le 4 avril 1975 : Cambodge en sursis
4) Les Républicains veulent défendre Phnom-Penh à tout prix. 1940…
5) La République populaire chinoise se réjouit de son influence croissante en Indochine.
6) La longue marche des Khmers rouges, Le Monde 16 avril 1975. Jacques Decornoy fait une analogie avec la fameuse longue marche des communistes chinois.
Et j’en passe….
Il aura fallu de nombreuses années pour que ces naïfs admettent que la construction du socialisme allait, une fois de plus, engendrer la spirale de l’horreur.
Nombreux furent ceux qui, tel Jean Lacouture (1) par exemple, persistèrent longtemps encore à nier ces horreurs et continuèrent à propager le marxisme alors qu’ils savaient déjà tout de la réalité de ces idéologies meurtrières.
Mais leur « anti-américanisme primaire » les aveuglait.
Alors, comment ne pas être révolté à la lecture des articles paraissant depuis quelques jours, et rendant compte dans des termes surprenants, du déroulement du procès des dirigeants khmères survivants de cette sanglante expérience de « purification humaine ».
Pas un mot de « repentance », dans ce journal ( pourtant friand du remord des autres), pour la mansuétude, voire la complaisance, qui, à l’époque, a présidé, dans ses colonnes, à l’évocation de ce qui est apparu, très vite, comme une des pires tragédies qu’ait connu l’Humanité.
Le Monde, ou du moins ceux qui inspirent ses articles, pensent que ça n’est pas nécessaire puisque pour paraphraser un personnage de notre longue et parfois triste Histoire, « Les Français ont la mémoire courte »….
(1) Source Wikipedia:
En 1970, dans Le Nouvel Observateur, il fait l’éloge du nouveau gouvernement anti-américain de Penn Nouth, mis en place au Cambodge et du programme politique du FUNK rédigé sur les indications de la « Résistance intérieure » de Khieu Samphan et Ieng Sary entre autres.Il n’est alors pas le seul intellectuel à prendre parti pour les régimes hostiles à « l’impérialisme américain ». Il côtoie Jacques Decornoy, Jacques Julliard, Jean-Paul Sartre, etc.
En 1975, après avoir salué la chute de Saïgon, Jean Lacouture salue la venue imminente d’un « meilleur Cambodge » avec les Khmers rouges alors que l’édition du 17 avril 1975 du Monde titre : L’écroulement des illusions (de Long Boret, successeur de Lon Nol) et que les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh. (a)
À cette époque, pour Jean Lacouture, les Khmers rouges sont « un mouvement de résistance contre un gouvernement fabriqué par les Américains ».Il faudra plus de trois ans à de nombreux intellectuels pour appréhender la réalité de l’idéologie des Khmers rouges et des Vietnamiens du nord et plus encore pour admettre les massacres perpétrés au Cambodge.
(a): En 1975 la population de Pnom Penh atteint deux millions. La ville tombe sous la coupe des Khmers rouges du Kampuchea démocratique le 17 avril, le jour de la nouvelle année cambodgienne. Elle est évacuée de force ; ses résidents devant partir travailler sur des fermes rurales en tant que nouveaux citoyens ou nouveau peuple (« procheachun thmey »), ainsi désignés parce que considérés comme nouveaux arrivants par rapport à ceux qui habitaient déjà la campagne. En une journée, la ville est vidée de la quasi-totalité de ses 2 millions d’habitants, et laissée à l’abandon. L’école Tuol Svay Prey est prise par les forces de Pol Pot et transformée en prison et en centre de torture S-21. C’est désormais le musée Tuol Sleng qui avec Choeung Ek, quinze kilomètres plus loin, est un mémorial à ceux qui périrent du fait de ce régime.