Le chant de la cigale.


Hier soir, je me suis attardé à regarder le soleil se coucher derrière les sommets que l’on aperçoit de notre terrasse. Le soleil n’avait pas encore disparu derrière le massif montagneux devenu soudain très sombre, alors qu’au-dessus de cette silhouette obscure, le ciel prenait déjà ses couleurs d’aquarelle, dont les nuances vont du rouge profond à l’orangé.

Ces couleurs sont celles qui annoncent l’automne, la saison où le soleil est de plus en plus bas sur l’horizon, celle où les ombres s’allongent, et où les couleurs sont mises en valeur par des contrastes surprenants.

Le ciel est parcouru par de petits nuages qui ressemblent à des troupeaux de moutons qui semblent prendre la direction de l’horizon, dont la ligne se détache déjà sur la mer, alors qu’en plein été, le ciel et la mer, le soir, semblent se confondre.

La plage est devenue déserte, et seuls quelques promeneurs attardés s’y hasardent, d’un pas résolu, les pieds dans l’eau encore tiède, et se laissent masser les mollets par la douceur des petites vagues qui viennent mourir sur le sable dans un plaisant chuchotement.

Envolée la jeunesse insouciante, qui pendant tout l’été a égayé la plage de ses rires, de ses jeux, et de ses baignades collectives, d’où garçons et filles sortent ruisselants de beauté avant de s’ébrouer sur le sable: l’été méditerranéen est une parenthèse pendant laquelle la joie de vivre se donne libre cours, et permet d’oublier, – quelle illusion !!! -, que les temps sont durs, et qu’ils le seront encore plus à la « rentrée »….

Dans le ciel, un vol serré d’oiseaux migrateurs passe. Je crois reconnaître le chant discontinu des premiers étourneaux.

Puis la nature retrouve un silence vespéral qui incite à quelques minutes de méditation.

A cet instant, le calme qui accompagne la tombée de la nuit est rompu par le chant pathétique d’une cigale attardée. Ce chant entrecoupé de silences, ressembler à un appel.

J’ai appris, autrefois, en Sciences Naturelles, que ce sont les mâles, qui, chez les cigales chantent, pour appeler une femelle et l’inviter à un accouplement. Je crois me souvenir qu’ensuite, les cigales se laissent tomber sur le sol et cherchent un endroit pour enterrer leur oeufs dont l’éclosion attendra l’été prochain…..avant de mourir, après n’avoir vécu qu’une saison.

Le chant de cette cigale était donc un « chant désespéré », comme le sont les chants de toutes les cigales. Un poète a pu dire que « les chants désespérés sont les chants les plus beaux ». J’en doute.

 La Fontaine, dont nous apprenions les fables par-coeur, nous laissait entendre lui, que la cigale, après avoir chanté tout l’été, et « se trouvant fort dépourvue quand la bise fut venue… »était condamnée à frapper à la porte de la fourmi pour lui demander de faire oeuvre de solidarité et d’assistance.

En vain. Car « la fourmi n’est pas prêteuse »….. »c’est là son moindre défaut ».

Cet égarement « poétique » m’a subitement ramené aux réalités de notre époque.

Une jeunesse qui cherche à s’étourdir dans d’artificielles euphories, pour fuir et oublier la dureté des temps que ses aînés lui ont légués. Ces aînés qui, non contents d’avoir vécu comme les cigales de la Fable, attendent épuisés (on ne sait par quel effort ???), dans un chant pathétique, que les fourmis laborieuses leur viennent en aide….en espérant que « l’été, le bel été reviendra » !!!!

Mais les illusions s’en vont avec l’été.

Il faudra attendre les saisons prochaines pour que, ceux qui vivront jusque là, s’abandonnent à de nouvelles illusions….