Ecoutez le chant des « hommes Bleus », et regardez descendre la nuit sur le désert : http://youtu.be/zGYOtOj505Y
Je viens de terminer la relecture de deux des plus beaux romans de Roger Frison-Roche, « Le rendez-vous d’Essendilène » et « La Montagne aux Ecritures ».
Cela m’a plongé dans de vieux souvenirs, ceux de l’époque où, régulièrement, je sillonnais le Sahara, de la Mauritanie et de ses falaises de sable qui se jettent dans l’Atlantique, au Wadi Roum en Jordanie, où flotte toujours le souvenir et la légende de Lawrence d’Arabie….
De tous ces déserts, celui qui m’a procuré le plus d’émotions, tant par sa beauté que par la qualité des hommes que j’y ai rencontré, c’est, évidemment, le Sahara algérien.
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Je me souviens de cette longue conversation avec notre guide, sous la nuit étoilée, autour d’un feu de bois où cuisait , dans la braise recouverte de sable, la galette qui allait accompagner notre maigre repas.
Cet homme du désert, nigérien d’origine, qui avait étudié au Niger, mais aussi en France, me racontait sa jeunesse, son éducation « d’Homme Bleu », évoquant, au passage, la condition humaine de son peuple, ces berbères dont la riche culture est méprisée par les Arabes, et ignorée par les autres…..
Il éprouvait, vis à vis de la France, un mélange d’attachement , et de rancune: « vous les Français, me disait-il, vous nous avez laissé tomber !!! Vous êtes partis, et en quittant l’Algérie, vous avez fait don aux Algériens d’un territoire et de richesses qui ne leur avaient jamais appartenu. Sous la protection française, le Sahara était, autrefois, un territoire où nous pouvions circuler librement, de l’Atlantique à la Mer Rouge, et vivre de commerce et de nos troupeaux. Aujourd’hui nous sommes prisonniers dans des frontières que vous avez tracées au mépris de notre existence, et de nos coutumes ».
A l’époque de nos conversations Al Qaïda et Al AQMI n’existaient pas encore….
Pendant que nous parlions, les chauffeurs des 4×4 qui nous transportaient, s’étaient mis à murmurer un chant, à voix basse, en s’accompagnant d’un rythme obsédant fait de frappes de leurs mains et du son d’un bidon vide transformé en tambourin….
J’avais réalisé quelques dessins, à la volée… C’était, en effet , des portraits volés, esquissés à la lueur des flammes….
Des moments que l’on oublie jamais.
Et surtout des conversations, à bâtons rompus, non dépourvus d’une certaine profondeur. Car les gens du désert sont à la fois des poêtes, de fins observateurs du monde qui les entoure, et leur noblesse tient autant à leur allure drapée dans leurs habits bleus, qu’à leur sagesse et au sens profond qu’ils donnent à leur vie malgré leur dénuement.
C’est auprès d’eux que j’ai sans doute appris ce qu’était le Temps. Le Temps qui passe, le Temps qui fuit, le Temps « qui coule comme une rivière: on ne peut jamais tremper deux fois sa main dans la même eau »…..
Au petit matin, après avoir gravi une dune, j’ai contemplé, dans un silence absolu, l’immensité des sables qui m’entouraient. Une fois de plus j’ai pris conscience de ce que nous étions sur cette terre: un grain de sable, que le souffle du vent suffit à balayer.
Et j’ai pris, à nouveau, la mesure de la vanité des choses…