« Printemps arabe »


Quand deux anciens « trotskystes » reconvertis dialoguent sur les soubresauts actuels du monde arabe, cela donne un livre que les « révolutionnaires » en peau de lapin du monde entier vont s’arracher.

Comme l’indique leur éditeur, dans la présentation de cet ouvrage:

« Au-delà de leurs métiers et intérêts respectifs, une longue complicité amicale et intellectuelle rapproche les auteurs et anime leur conversation. Elle est liée à des parcours sinon communs, du moins voisins. Benjamin Stora est né en Algérie, qu’il a dû quitter en 1962, tandis que Edwy Plenel y a vécu après l’indépendance. Tous deux ont placé la question coloniale, l’actualité de son passé et la critique de ses héritages au coeur d’engagements de jeunesse qu’ils ne renient pas et qui ont en partie faits ce qu’ils sont devenus. Tous deux sont concernés, informés et leur souci de comprendre est aussi l’expression d’une vive empathie envers ces révolutions porteuses d’espérance. »

Qui est Edwy Plenel ??? J’ai déjà évoqué son parcours de « Pied Vert » dans l’Algérie « indépendante », où avec beaucoup d’autres, il a fait partie des « idiots utiles « du Communisme international.

Petit rappel:

Fils du vice-recteur de la Martinique Alain Plénel, connu pour ses engagements humanistes et anti-colonialistes, il passe l’essentiel de son enfance dans cette île des Caraïbes, qu’il quitte en 1962. Après une étape en région parisienne, il vit à partir de 1965 en Algérie, termine à Alger sa scolarité et y commence ses études universitaires, et une carrière d’agitateur.

 De retour en France et arrivé à Paris en 1970, il rejoint la Ligue communiste révolutionnaire et en 1976 il est journaliste (sous le pseudonyme de Joseph Krasny) dans l’hebdomadaire de la LCR Rouge qui devient quotidien pour une courte période. Après son service militaire, il s’éloigne de la LCR et entre au Monde en 1980. Son livre Secrets de jeunesse (2001) revient sur une jeunesse militante trotskiste qu’il n’a jamais reniée.

Qui est Benjamin Stora ???

En 1968, Benjamin Stora rejoint le groupe trotskiste, Alliance des Jeunes pour le Socialisme – Organisation communiste internationaliste (AJS-OCI). En 1978, Stora consacre une biographie au nationaliste algérien et leader indépendantiste Messali Hadj (Mouvement National Algérien)[1].Benjamin Stora est l’un des principaux fondateurs du syndicat UNEF ID, lors du congrès de Nanterre en 1980. Il rejoint le Parti socialiste en 1985 mais quitte définitivement tout engagement politique organisé en 1988 à la suite d’un drame personnel. 

L’analyse de deux « zintellectuels »de cette trempe, sur un phénomène que certains comparent à la chute du mur de Berlin, ne devrait pas manquer de sel.

Nul doute que leur souhait intime, et conforme à leurs engagements de jeunesse, soit de voir ce qui jusqu’ici n’a été que la manifestation d’une « révolte » contre ceux qui, dans la plupart des pays autrefois « colonisés », ont accaparé le Pouvoir et les richesses au détriment des peuples condamnés à la misère et au désespoir, se transformer en une « révolution prolétarienne », à laquelle ils seraient prêts à apporter leur concours, » à toutes fins utiles »…..

 

3 réflexions au sujet de « « Printemps arabe » »

  1. Surprenante, votre réaction B.S et E.P. Qu’est-ce que deux anciens ( ? ) trotskystes peuvent avoir à se dire dans un dialogue sur les fièvres du monde arabe, dont les pulsions n’ont rien à voir avec les motivations « révolutionnaires » que vous leur prêtez, et qui correspondent aux fantasme qui ont habité votre jeunesse ????

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  2. APRES l’ANTI-THESE, la THESE:

    Le 89 arabe, dialogue d’un historien et d’un journaliste
    02 Juin 2011 Par Edwy Plenel

    Livre de solidarité et d’empathie, Le 89 arabe (Stock) est un dialogue que j’ai mené avec Benjamin Stora sur les révolutions en cours. Un journaliste y questionne un historien sur une actualité qui recouvre ce que nos deux professions ont en commun: l’événement, ses surprises et ses énigmes, son histoire immédiate et sa longue durée. En avant-première pour les lecteurs de Mediapart (le livre est en librairie à partir du lundi 6 juin), voici l’introduction à deux voix de cette conversation. Vous pouvez retrouver la présentation du livre sur le site des éditions Stock (c’est ici) et suivre l’actualité ainsi que les travaux de Benjamin Stora sur son site universitaire (c’est ici) ou sur son blog de Mediapart (c’est là).

    L’histoire en marche

    La première vertu des révolutions, c’est d’ouvrir l’horizon des possibles. Pour les conservateurs, tenants des désordres établis et des ordres injustes, l’histoire est toujours écrite par avance, pavée de fatalités et de déterminismes, de pesanteurs économiques et de sujétions politiques. Quand, à la faveur de l’événement révolutionnaire, les peuples surgissent sans prévenir sur la scène, c’en est soudain fini de ces fausses évidences et de ces illusoires certitudes. L’histoire s’ouvre alors sur d’infinies possibilités et variantes où la politique redevient un bien commun, partagé et discuté, sur lequel la société a de nouveau prise.

    Telle est, en cette année 2011, la portée universelle de la bonne nouvelle annoncée par le peuple tunisien avant que tous les peuples arabes s’en emparent, de l’Egypte au Yémen, du Maroc à la Syrie. Nous ne sommes qu’aux prémices d’un cycle historique sans précédent qui, en faisant surgir les aspirations démocratiques et sociales dans le monde arabe et, plus largement, le monde musulman, ébranle aussi nos propres pays. Entre fraternisation des peuples ou réactivation des peurs, nous ne savons pas encore quelle direction prendra cet écho européen et, plus particulièrement, français de l’événement arabe. Mais nous vivons déjà son impact.

    L’évaluer, l’analyser, l’expliquer et l’interroger est la raison d’être de ce dialogue où un journaliste, Edwy Plenel, questionne un historien, Benjamin Stora. Nos deux professions ont en commun l’événement, ses surprises et ses énigmes (1). A priori, leurs impératifs s’opposent : quand le journalisme s’attache à décrypter l’immédiateté, l’histoire cherche la longue durée qui la traverse. Mais il y a longtemps que nos disciplines ont convenu qu’aucune de ces deux temporalités n’épuise l’événement où s’invente sans programme préétabli du possible, de l’improbable et de l’inédit qui, en même temps, sont pétris d’anciennes histoires oubliées, blessées ou meurtries.

    « Il n’y a d’histoire que du présent », aimait à dire Lucien Febvre, l’un des fondateurs de l’école historique des Annales (2). Confronter les interrogations d’une histoire au présent dont témoigne le journalisme aux savoirs de l’histoire du passé que détient l’historien professionnel est une démarche non seulement logique mais absolument nécessaire si l’on ne veut pas se retrouver face à l’événement, à son tourbillon et à sa cavalcade, aussi démuni et tétanisé qu’un lapin pris dans des phares dont le faisceau lumineux l’aveugle.

    Chercher à comprendre, trouver des repères, ébaucher des hypothèses : c’est ce que nous avons tenté de faire, en partant du constat posé par l’un d’entre nous d’un « 89 » arabe qui évoquait aussi bien le 1989 européen de la chute du mur de Berlin que le 1789 de la Révolution française (3). Ici, les curiosités généralistes du journaliste, qui n’est pas spécialiste du monde arabe et s’interroge comme le ferait tout citoyen informé, vont à la rencontre des réponses documentées de l’historien du contemporain dont le terrain de recherche est l’histoire politique du Maghreb et, plus généralement, celle du nationalisme arabe, des régimes qui en sont issus et des sociétés qui les ont subis.

    A l’origine de cette envie commune d’échange et de discussion se trouve le refus de l’indifférence qui fut la première attitude officielle vis-à-vis des révolutions arabes, partagée dans tous les cercles de pouvoir français. Au lieu de fêter l’événement, d’afficher les solidarités, de mobiliser les fraternités, les méfiances et les défiances ont tenu le haut de l’affiche politique. Aussi notre souci de comprendre est-il d’abord une déclaration d’empathie : ces révolutions sont aussi les nôtres.

    Rien de fortuit donc à cette rencontre. De plus, au-delà des métiers qui nous définissent, une longue complicité amicale et intellectuelle anime notre conversation. Elle est liée à des parcours sinon communs, du moins voisins. Benjamin Stora est né en Algérie, qu’il dut quitter en 1962 (4), tandis que Edwy Plenel y a vécu après l’indépendance. Tous deux ont placé la question coloniale, l’actualité de son passé et la critique de ses héritages, au cœur d’engagements de jeunesse qu’ils ne renient pas et qui les ont aussi faits ce qu’ils sont devenus (5).

    Entre ses lecteurs et ses auteurs, ce dialogue voudrait faire lien afin de rompre la spirale infernale des divisions et des stigmatisations, des discriminations et des exclusions, des peurs et des haines. Quand les peuples se divisent en identités, communautés, religions, origines, nationalités, etc., ils font toujours le jeu de leurs oppresseurs et le lit de leurs détresses. C’est une vieille recette de domination, hélas aujourd’hui de retour en Europe alors qu’elle en a connu, autrefois, le prix élevé.

    Les tenants de l’émancipation, du droit et de la justice, lui opposeront ce qui rapproche les hommes, par-delà leurs itinéraires divers et leurs chemins différents : leurs conditions sociales partagées, leurs aspirations démocratiques communes. Autrement dit, ce qu’ils vivent et ce qu’ils espèrent. Cet horizon des possibles qu’en se relevant, tous ensemble, ils peuvent dégager et ouvrir, remettant en marche leurs humanités, réinventant leurs histoires futures. C’est le chemin que nous indique le « 89 » arabe.

    E. P. et B. S.
    Paris, le 21 avril 2011

    –––––––––––––––––––

    Notes

    1. Cf. François Dosse, Renaissance de l’événement. Un défi pour l’historien : entre sphinx et phénix, PUF, coll. « Le nœud gordien », 2010.
    2. Cf. André Burguière, L’Ecole des Annales. Une histoire intellectuelle, Odile Jacob, 2006.
    3. Edwy Plenel, Le « 89 » du monde arabe, article mis en ligne sur Mediapart, le 2 février 2011, et consultable à cette adresse : http://www.mediapart.fr/journal/international/020211/le-89-du-monde-arabe
    4. Cf. Benjamin Stora, Les trois exils. Juifs d’Algérie, Stock, coll. « Un ordre d’idées », 2006.
    5. Cf. Benjamin Stora, La dernière génération d’octobre, Stock, coll. « Un ordre d’idées », 2003 ; Edwy Plenel, Secrets de jeunesse, Stock, 2001.

    jf.

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