Je ne résiste pas au désir de reproduire ici, en intégralité, l’Editorial de Favilla,dans « les Echos » du 13 Mars. Favilla, une plume que j’apprécie pour son style, sa rigueur et son sens de l’objectivité.
Je ne résiste pas, non plus, au besoin d’y ajouter un commentaire, afin que quelques nuances viennent compléter son propos, à la veille des commémorations multiples de la signature des sinistres « Accords d’Evian ».
« DE FAVILLA:
« Nous nous sommes tant aimés.
« Il y a cinquante ans, les accords d’Evian mettaient fin à la guerre d’Algérie. Au cours des « semaines qui suivirent, les familles françaises, dont certaines vivaient sur cette terre « depuis 1830, furent rapatriées en métropole, laissant sur place leurs biens, leurs souvenirs, « les tombes de leurs parents, leurs vies. Cinquante ans plus tard, l’indicible blessure d’une si brutale séparation est toujours très douloureuse.
« Et pourtant, s’il est une chose qui paraissait inéluctable à tout observateur impartial, c’est-« à-dire à tout étranger, c’est bien que l’Algérie ne pouvait que devenir algérienne. « Lorsqu’éclatent les premiers incidents graves, à la Toussaint 1954, toute la décolonisation « a déjà eu lieu en Asie, notamment les Philippines en 1946, l’Inde en 1947, l’Indonésie en « 1949 et, bien sûr, l’Indochine française en juillet 1954. Il ne fait de doute ni pour les « Américains, ni pour les Soviétiques, ni pour le tiers-monde, qui tient sa première grande « conférence à Bandung en 1955, que les présences européennes, notamment anglaises, « françaises et belges, en Afrique, devront suivre le même sort dans de brefs délais. Les « indépendances du Maroc et de la Tunisie en 1956 ne font que confirmer cet irrésistible « mouvement de l’Histoire.
« Malgré l’évidence, les Français d’Algérie continuent de croire à leur rêve. Ils rejettent « aussitôt tout gouvernement, tel celui de Pierre Mendès France, qui tente de jouer la carte « libérale pour éviter que la population arabe tombe du côté des indépendantistes. En « obtenant le retour de De Gaulle en 1958, ils espèrent que la manière forte les préservera « du pire. Mais faute d’avoir accepté à temps de partager les pouvoirs, le pire arrive. « Comment expliquer que cinquante ans plus tard, l’évidence ait un goût toujours aussi « amer ? Deux raisons sans doute. D’abord, le dramatique échec des gouvernements issus « de l’Indépendance à développer ce pays aux ressources naturelles et touristiques si « prometteuses ne peut que susciter les regrets. Ensuite et surtout, la nostalgie du vivre-« ensemble aux côtés de nos amis algériens demeure aussi vive. Nous nous sommes tant « aimés… »(Fin de citation).
Je partage assez bien ce point de vue et le sentiment qu’il exprime.
Mais je voudrais ajouter ceci.
Si, avec le recul, il est clair que l’évolution vers l’indépendance de ce beau pays était inéluctable, s’il est évident que les Français d’Algérie n’ont pas senti que le vent de l’Histoire ne soufflait pas dans leur direction, il serait injuste d’imputer aux seuls Pieds Noirs, – dont on a tenté de faire les seuls « boucs émissaires » d’un échec sanglant -, la responsabilité de cette séparation douloureuse, et pourquoi ne pas ajouter, désastreuse pour les deux parties.
C’est pourtant ce qu’ont tenté, pendant un demi-siècle, ceux qui sont experts en manipulation des faits et en instrumentalisation de l’Histoire à des fins obscures….
Car, pendant près d’un siècle, la France, par la voix de ceux qui l’ont gouvernée, n’ont cessé de rappeler aux « Européens » qui vivaient là-bas, que « l’Algérie c’était la France »et faisait partie de « la République, Une et Indivisible ».
L’excellent documentaire publié par France2, dimanche soir,- intitulé « La Déchirure »-, en a apporté l’imparable démonstration, par le son et par l’image.
Un documentaire qui honore, pour une fois, cette chaîne de télévision, car il lève, enfin, un voile sur des faits douloureux qui ont été longtemps occultés, sous l’influence de ceux qui, dans toute cette affaire, n’avaient pas les mains tout à fait propres.
Et ce, même si l’on pouvait relever, dans ce documentaire, certaines omissions ou certaines lacunes (volontaires ???), auxquelles ceux qui connaissent cette histoire sur le bout des doigts sont habitués, comme par exemple le rappel du nom de celui qui fut à la « direction de la manœuvre »répressive lors des « évènements de Sétif », en l’occurrence le Général de Gaulle, alors chef du Gouvernement Provisoire, auquel participaient socialistes et communistes.
C’est de Gaulle, en personne qui donna l’ordre à l’aviation de bombarder et de raser des villages entiers, et à la marine de pilonner, depuis la mer, les zones contrôlées par les « rebelles ».
Aucune voix socialiste ou communiste, parmi ses Ministres, ne s’est élevée pour dénoncer la méthode et les moyens utilisés.
Nous avons pu revoir, au cours de ce documentaire, un François Mitterrand dans ses œuvres, affirmant que l’Algérie était française et que rien ne pourrait la séparer de la France, et devenant, en tant que Ministre de l’Intérieur, l’ordonnateur des exécutions capitales de terroristes, par dizaines. Ce qui, pèsera lourd, plus tard, une fois devenu Président de la République, dans sa décision de supprimer la peine de mort. Pour soulager sa conscience, sans doute ???
Car, à l’époque, qui gouvernait l’Algérie ??? Le plus souvent, des socialistes, héritiers de ceux qui étaient convaincus que la France accomplissait là-bas, sa « grande mission civilisatrice ». Et ils n’avaient pas totalement tort…..même si les socialistes d’aujourd’hui essaient de faire oublier ce qui appartient aussi à leur passé.
Inutile de rappeler le tristement célèbre « Je vous ai compris »dont l’ambigüité a nourri tant de faux espoirs.
Je n’aurai pas la cruauté d’allonger ma liste en citant tous ceux qui, plus tard, « retourneront leur veste », comme le Premier Ministre de de Gaulle, Michel Debré, qui dans « le Courrier de la Colère », destiné sans doute à préparer le retour de son idole au pouvoir, mais qui a contribué à faire croire aux Français d’Algérie que seul le retour de de Gaulle permettrait de sauver ce qui pouvait l’être encore.
Tous ces gens, et bien d’autres…. ont contribué à entretenir l’aveuglement de ceux qui voulaient encore croire au « miracle », et les ont renforcés dans leur obstination et leur refus de regarder les réalités en face.
Tout cela pèsera lourd également dans la phase finale, celle au cours de laquelle, les faux espoirs se sont transformés en désespoirs, envahissant une population enracinée dans ce pays qu’elle a tant aimé, et entraînant une partie de l’armée frustrée d’une victoire acquise sur le terrain, dans une révolte et, finalement dans l’impasse tragique, et dans le piège qui s’est refermé sur de Grands Soldats.
L’impréparation, l’improvisation, ont provoqué la débandade d’un exode inévitable. Car les Pieds Noirs, instruits par huit années d’une guerre atroce, savaient que les blessures étaient trop profondes de part et d’autres pour permettre d’envisager une cohabitation.
Mais n’est-ce pas ce que, dés le départ, le FLN avait voulu ??? Créer, dans l’horreur, un fossé profond et une déchirure irréparable entre des communautés qui, tant bien que mal, avaient vécu côte à côte pendant plus de cent ans, et dissuader, par la terreur, les arabes attachés à la France, de lui rester fidèle.
Viendra, sans doute, un jour, le temps de la réconciliation.
Mais il est des blessures dont on ne guérit jamais.
J’ai l’impression que l’histoire de l’Algérie se résume à la guerre pour la plus part des médias Français. Tout tourne autour de cette tragédie. J’ai le sentiment qu’en France on oublie le passé, car qui s’est enrichi grace à la colonisation. Le port de Marseille n’a jamais été aussi prospère que du durant la période des colonies africaines. Ou était concu et frabriqué l’armement (l’armement individuel, les chars, les navires, l’habillement, etc..)qui a été utilisé en Algérie? La base de Mers El Kébir un monument pharaonique dont je souhaiterai que quelqu’un en trace l’historique et désigne le commanditeur. Franchement les historiens et les hommes politiques qui ont connu cette époque ont la mémoire sélective.
En tous cas merci Mr Berdepas pour cet excellent billet et les réponses que vous nous apportez.
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MERCI pour ce commentaire. Et venant de vous, je l’apprécie encore plus. Cordialement.
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Compte-tenu de ce que nous savons de votre passé personnel, ce billet est émouvant par sa simplicité et sa retenue.
jf.
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Il ne s’agit pas de rancune. Il s’agit de blessures.Il n’y achez moi, aucune rancune. Seulement des regrets et de la tristess pour las amis perdus, et le souci que justice et vérité soient respectées, de part et d’autre.
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Sauf que le sel qu’on déverse de ce côté-ci de la Méditerranée n ‘affecte en rien les relations entre les 2 peuples: les jeunes Algériens ne se sentent nullement concernés par la tragédie vécue par leurs parents: rappelez-vous l’accueil triomphal reçu par Chirac lors de sa visite à Bab-el-oued!!! Et si le Français reste bien ancré en Algérie par rapport à l’Arabe, contrairement à la Tunisie par exemple, c’est bien parce que la rancune n’est pas une caractéristique du jeune ( et même du moins jeune) Algérien!!! Par contre, en France, ne me dites pas que cette rancune est sans effet: en témoigne tout le tapage médiatique autour de la question harkie et la viande halal pour ne citer que 2 exemples parmi d’autres!!!
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Je n’absous personne.
Il y a ( heureusement) des membres du FLN qui n’ont égorgé personne, comme il y a des soldats français qui n’ont torturé personne.
Ceci dit, la décision du FLN de porter la guerre dans les villes et de lancer une campagne d’attentats visant des civils innocents, est bien réelle, de même que ls méthodes de mises à mort choisies, par égorgement et émasculation, qui étaient conçues pour créer un choc, et installer le climat de terreur cher aux « terroristes ». D’ailleurs, il y eut bien plus d’ algériens que d’ européens qui ont été victimes de ces actes de barbarie.
J’ajoute que le traitement des militaires prisonniers, par le FLN était loin d’être exemplaire….
Si certains de vos proches ont été des victimes, ce que je regrette pour vous, il y en a eu aussi parmi mes proches,assassinés dans l’horreur.
Cette guerre fut une guerre atroce pour les deux camps.
Quand au sel dont on saupoudre les blessures, il y en a autant des deux côtés de la Méditerranée….
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Certes il est des blessures dont on ne guérit jamais….surtout si on les saupoudre de sel! Je suis algérienne et j’ai vécu les douloureux évènements que vous évoquez non pas directement mais en tant que fille et soeur de patriotes algériens jetés bien malgré eux dans l’atrocité de la guerre!!! Ils militaient certes pour l’indépendance mais ils n’ont jamais égorgé ni tué de quelque manière que ce soit un autre être humain de quelque communauté qu’il appartienne. Leur patriotisme leur a valu la torture puis l’exil! Diriez-vous qu’en tant que membres du FLN ils ont crée un « fossé profond » qui a abouti à cette déchirure dont vous absolvez les pieds-noirs, y compris les ultras?
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