On sait que l’un des plus beaux titres de gloire de Christiane Taubira, nouvellement nommée Ministre de la Justice par François Hollande, est d’avoir été à l’Assemblée Nationale, la rapporteuse de la » loi mémorielle » française concernant la reconnaissance des traites et des esclavages comme crimes contre l’humanité.
Le reproche qui lui a été fait par ses opposants, a toujours été d’avoir eu une mémoire infaillible au sujet des crimes commis, en matière d’esclavage, par les nations « blanches », et d’avoir consciencieusement occulté les mêmes crimes commis, en Afrique, par les Arabes à l’égard des populations noires.
Comme d’habitude, pour moi, la lecture du quotidien algérien « El Watan », est instructive, car ce journal aborde souvent des questions que les médias français se gardent bien d’évoquer, afin de respecter le cadre rigide de ce que l’attitude « politiquement correcte »leur permet de traiter.
Il se trouve qu’El Watan, à ma grande surprise aborde, avec un certain courage journalistique, ce sujet délicat dans un article qui vient de paraître. Il nous apprend, ce que nous savions déjà, que l’esclavagisme qui est une pratique qui n’est pas née en « Occident », a toujours cours, aujourd’hui dans certains pays arabes, dont fait partie la Mauritanie.
On aimerait connaître le point de vue de Madame Taubira sur ces pratiques, point de vue qui , à la lumière de son engagement personnel contre l’esclavage, aurait une portée encore plus significative, depuis qu’elle est devenue Ministre de la Justice de la « Patrie des Droits de l’Homme ».
Je cite « El Watan »:
«Les Noirs de Mauritanie sont victimes d’un racisme orchestré par l’Etat»
Biram Ould Dah Abeid, le président de l’IRA, a été arrêté le 1er mai dernier à son domicile. Avec dix autres militants anti-esclavagistes, il est accusé d’avoir brûlé des ouvrages de référence des sciences islamiques, reprochant à leurs auteurs d’avoir justifié la pratique de l’esclavage en Mauritanie au nom de l’islam. Selon eux, l’incinération visait à «débarrasser la Mauritanie d’ouvrages musulmans dépassés qui incarnent et soutiennent la légalité de la pratique de l’esclavage».
-Quelle est actuellement la situation des droits de l’homme en Mauritanie et particulièrement celle de la population noire que vous dites représenter ?
La situation des droits de l’homme en Mauritanie est actuellement très difficile.Le régime dictatorial en Mauritanie ne respecte pas les libertés démocratiques. Il empêche toute forme d’organisation et réprime systématiquement les manifestations pacifiques. Le droit à l’expression est également foulé aux pieds. La situation est intenable.
-Est-il vrai que la pratique de l’esclavage se poursuit en Mauritanie ?
C’est, malheureusement, la triste réalité. Actuellement, l’esclavage bat son plein en Mauritanie. 5% de la population en Mauritanie sont des esclaves domestiques.Ces derniers n’ont pas accès à l’éducation et n’ont pas le droit de posséder des pièces d’état civil. Ce qui fait qu’ils n’ont pas le droit à la propriété et ne peuvent pas voyager.
Il faut ajouter que ces personnes ne bénéficient pas de repos, encore moins d’un salaire. Ils subissent régulièrement des châtiments corporels. Pis encore, ils n’ont aucun droit sur leurs enfants et n’ont pas le droit au mariage. Et je vous informe que le phénomène s’est aggravé.
-Comment expliquez-vous cette aggravation ?
Et bien tout simplement à cause de la réactivation de la filière orientale de trafics d’esclaves de Mauritanie vers les pays du Golfe. La situation des Noirs est actuellement très difficile car ils sont victimes d’un racisme orchestré par l’Etat lui-même.
-Quel est, selon vous, l’objectif visé à travers le traitement infligé à la population noire ?
Le traitement infligé aux Noirs vise avant tout à dénégrifier davantage la Mauritanie. La majorité de la population mauritanienne est noire. Mais il y a une minorité arabo-berbère qui justifie son accaparement du pouvoir par un alibi démographique qui est faux.
C’est cet état de fait qui les pousse à sévir davantage et à rendre la vie impossible aux Noirs.
-Y a-t-il, en ce moment, des militants de votre mouvement en prison ?
Oui, il y en a plusieurs dizaines. Il y a des vagues de prisonniers qui se relayent dans les prisons du régime. Le pouvoir opère régulièrement des rafles. Les gens sont emmenés dans des lieux inconnus. D’autres ont dû fuir pour éviter de subir les exactions du régime.
-Et quel est le nombre de Mauritaniens noirs qui ont fui ?
Il y en a environ 220 000. Ils se répartissent entre le Sénégal et le Mali.
-Y a-t-il des Noirs qui ont été exécutés par le pouvoir ?
Oui. Entre 1986 et 1992, il y en a eu 6700.
-Les Mauritaniens noirs ont-ils le droit de créer des associations de défense des droits de l’homme ?
Pas du tout. Les associations qui ne sont pas parrainées par des arabo-berbères ne sont pas autorisées à activer.
-Quelles sont les principales revendications de l’IRA ?
Le départ de la dictature et la déconstruction totale de la gouvernance raciste et esclavagiste.
-Vous accusez la Mauritanie d’avoir aidé les Arabo-Berbères (Touareg) du nord du Mali à créer un Etat ? Avez-vous des éléments de ce que vous avancez ?
Oui, nous avons des éléments. Le MNLA est né à Nouakchott. Ce mouvement s’est armé dans la capitale mauritanienne. Nous connaissons leurs villas et les officiers qui les encadrent sur place. Nous savons aussi que l’Etat et l’armée ont mis à leur disposition des moyens.
-Y a-t-il d’autre pays de la région qui aident le MNLA ?
A ma connaissance non. Je n’ai pas d’autres éléments en ma possession.
L’entretien a été réalisé à Dakar (Sénégal) le 24 avril 2012.
Une « interview » comme celle qui précède aurait-elle pu être publiée dans un journal français ???
Probablement pas, de peur de réveiller des passions qui couvent autour de la question de l’esclavage en Occident, lourdement culpabilisé par la mémoire d’un passé colonial que certaines minorités entretiennent avec des arrières-pensées « victimaires ».
Un passé que les nations coupables doivent assumer, certes, au nom de leur Histoire, ce qui ne signifie pas que les générations actuelles doivent être considérées comme indéfiniment coupables des actes commis par leurs ancêtres… Si tel était le cas, il est peu de pays au monde dont les générations actuelles seraient exemptées de ce genre de remords…
En tout état de cause, notre « Garde des Sots » serait bien inspirée de nous livrer son point de vue d’Humaniste militante sur le sujet de l’article évoqué ci-dessus, qui demeure, hélas, dans l’actualité.
La loi sur le génocide arménien a été retoquée par le conseil constitutionnel pour »atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ».
Le loi Gayssot et la loi Taubira méritaient le même sort pour les mêmes motifs.
J'aimeJ'aime
@Jacques: Ne détournons pas le débat. Depuis le début, je ne fais que dire que c’est pas tant la Loi que les propos, souvent déplacés, qu’elle tient sur ces questions qui lui sont reprochés. Ceci dit ses nouvelles « fonctions » vont influer sur ses vieux réflexes: elle sera de moins en moins « indépendantiste » ( elle a déjà évolué dans ce sens), et de moins en moins « victime » d’un esclavagisme qui lui a « permis » nonobstant les souffrances de ses « ancêtres », si on peut dire, de ne pas vivre aujourd’hui dans une tribu du fond de l’Afrique, et d’avoir eu accès, à un vrai destin…..
J'aimeJ'aime
Laloi Taubira vise uniquement la traite atlantique et fait l’impasse sur les traites africaines et arabes.
Mme Taubira se jusitfiait en déclarant : qu’il ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabo-musulmane pour que les jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des arabes .
Mme Taubira sous-entend que les jeunes non-arabes doivent assumer cet héritage!
Le risque d’inconstitutionnalité si la loi Taubira avait visé les traites africaines et arabes me paraît nul:les lois Gayssot et le loi sur le génocide arménien concernent des faits qui se sont déroulés hors de France.
J'aimeJ'aime
Et la loi sur le génocide arménien fut retoquée par le Conseil Constitutionnel…..
jf.
J'aimeJ'aime
@Leila:
Racontez-nous !!! Vos commentaires nous sont précieux car votre point de vue « oblique » nous empêche de « tourner en rond ».
J’aurais pu ajouter dans ce billet que je connais assez bien la Mauritanie, pour y avoir effectué plusieurs séjours sahariens, même si je n’y ai pas vécu.Et que j’ai rencontré plusieurs Mauritaniens descendants d’esclaves, qui m’ont raconté ce que leurs ancêtres et plus près de nous, leurs parents, ont vécu.Ce que j’ai entendu correspond bien à ce que vous nous indiquez dans votre commentaire.
J'aimeJ'aime
@Mon défunt mari et moi avons vécu en Mauritanie entre 2000 et 2005 et nous avons eu l’occasion de vérifier les faits rapportés par El-Watan! C’est malheureusement vrai que, bien qu’il soit interdit par une loi relativement récente, l’esclavage demeure une réalité!!!Seulement voilà, il n’est pas admis par les différents pouvoirs qui se sont succédés, et cela même s’il ne s’exerce pas sur l’ensemble du territoire d’une part, et ne concerne que les « castes » négro-africaines considérées comme inférieures! Il existe une discrimination notoire entre le noir de « noble » lignée et le malheureux qui n’a pas eu la chance d’être classé dans la catégorie de ceux qu’on appelle « les Maures noirs »! Ce qui prouve bien que l’esclavage existait bien avant la traite des noirs pratiquée par les « blancs »- qu’ils soient d’origine arabe ou européenne! On retrouve ce genre de situation – à un degré moindre – chez les populations du Sud Algérien…mais ça c’est une autre histoire! Je vous raconterai une anecdote à ce sujet…une autre fois! :))
J'aimeJ'aime
Pas si sûr !!! On a bien voté une Loi condamnant le Génocide arménien qui ne s’est pas produit sur le territoire de la République….Mais mon propos ne concerne pas tant la Loi que les propos qu’Elle a tenus lors de discussions sur cette Loi.
J'aimeJ'aime
Mais nous sommes d’accord.
Cependant je répète que si la loi Taubira avait comporté un article relatif à « la traite négrière entre Africains eux-mêmes, la traite des Noirs par les Arabes qui fut plus importante que celle par les Blancs d’Europe ou d’Amérique mais également la traite des « blancs » par les Arabes jusqu’au 19è siècle », elle aurait été retoquée par le Conseil Constitutionnel puisque les faits en question ne se sont pas produits sur le territoire de la République.
jf.
J'aimeJ'aime
Sa Loi est tout à fait générale et condamne légalement, non pas l’esclavage, puisque cela est déjà fait depuis longtemps, mais elle assimile l’esclavage à un crime contre l’Humanité. Ce sont ses propos publics qui lui sont reprochés et son silence sur l’esclavagisme en pays arabes, et son parti pris accusateur contre « les blancs » comme dirait Zemmour. Mais me direz-vous, les Arabes peuvent sans doute être assimilés à des « blancs »…..
Selon Wikipedia: « Christiane Taubira a donné son nom à la loi française n° 2001-434, votée le 10 mai 2001, qui reconnaît comme crimes contre l’humanité la traite négrière transatlantique et l’esclavage qui en a résulté. Des critiques existent sur cette loi, principalement de la part des historiens, qui critiquent le fait qu’elle limite l’esclavage à la traite européenne des Noirs« .
On attribue à Mme Taubira, ce propos que l’on pourrait assimiler à du « négationisme »: Christiane Taubira » il ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabo-musulmane pour que les « jeunes Arabes… ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes ».
Ce qui signifie que pour alléger le poids à porter par les « jeunes arabes » de l’héritage d’un passé honteux,il est préférable de le faire porter apr les seuls enfants « blancs »….
L’article premier de la « loi Taubira » stipule :
« La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité. »
Cet article premier de la « loi Taubira » est profondément sélectif, puisqu’il occulte totalement la traite négrière entre Africains eux-mêmes, la traite des Noirs par les Arabes qui fut plus importante que celle par les Blancs d’Europe ou d’Amérique mais également la traite des « blancs » par les Arabes jusqu’au 19è siècle, et même (…)
J'aimeJ'aime
On peut sûrement vouloir savoir ce que pense Mme Taubira de ces évènements.
Peut-être en a-t-elle déjà parlé dans son livre: « L’Esclavage raconté à ma fille » (2001). Je ne sais pas.
En revanche, il semble un peu court de lui reprocher de n’avoir pas traité dans sa loi (qui fut adoptée par le Parlement, me semble-t-il) les mêmes crimes commis, en Afrique, par les Arabes à l’égard des populations noires. Je ne pense pas qu’un passage à ce sujet d’une législation française eut été jugé constitutionnel par le Conseil du même nom…..
jf.
J'aimeJ'aime