Le vote par l’Assemblée Nationale de la dernière « loi mémorielle », criminalisant le déni de « génocide arménien », a rendu furieux le Premier Ministre turc.
Ce dernier qui, manifestement, déteste Sarkozy ( il n’est pas le seul au monde… ), en a fait sa « tête de Turc », à l’occasion de plusieurs interventions tonitruantes.
Je fais partie de ceux qui considèrent cette Loi, comme celles qui l’ont précédée comme une insupportable atteinte à la liberté de pensée et d’expression. Certains, comme Mr Badinter, sont même allés jusqu’à contester sa constitutionnalité.Pour ma part je la considère comme une arme nouvelle offerte à la « Police de la Pensée » de notre pays.
Cela ne m’a pas empêché de considérer la réaction de Mr Erdogan à la suite du vote de cette Loi, comme excessive, et non seulement injuste, mais encore marquée par un parti pris d’ignorance de ce qu’a été l’Histoire de son propre pays.
Me référant à différents articles parus dans la Presse turque et repris par « Courrier International »qui accusent Sarkozy d’incompétence sur la question arménienne, j’affirme que Mr Erdogan, est une « tête de lard », totalement ignorant de l’histoire commune de la Turquie et de l’Algérie.
Car, dans l’affaire de la loi pénalisant les négationismes, les critiques de la presse turque visent surtout la personnalité de Nicolas Sarkozy. C’est ainsi que Fatih Altayli, rédacteur en chef du quotidien Habertürk, cité par « Courrier International », qualifie le président français de « honte pour la France », estimant que c’est un « ignorant », notamment sur la question arménienne.
Mais que dire des propos de Mr Erdogan concernant « la question algérienne » ????
Ces propos qui relèvent à la fois de l’hystérie verbale et de la plus grotesque manipulation historique témoignent, d’une mauvaise foi, qui, une fois de plus rencontrera en France, un écho favorable de la part des « zozos » qui exploitent odieusement, la méconnaissance (entretenue) chez beaucoup de Français, de leur propre histoire et de celle de la colonisation française, en Algérie.
Il y a, fort heureusement, des Algériens mieux avisés, qui n’ignorent rien de leur Histoire passée, malgré les rideaux de fumée entretenus par les Gouvernements algériens successifs, devenus expert dans la maniuplation de l’Histoire à des fins de basse politique:
http://www.letempsdz.com//content/view/68294/1/
Car, Mr Erdogan est bien mal placé pour parler de « génocide » commis par la France en Algérie.

L'Empire Ottoman en 1830
Cette région qui n’était pas encore,- n’en déplaise aux thuriféraires de la « révolution algérienne »-, un pays et encore moins une nation avant que la France ne lui accorde son indépendance en 1962, cette région, donc, fut durant trois siècles, de 1516 à 1830, ( la colonisation française a duré, elle, « seulement »132 ans !!! ) une colonie ottomane sous le nom de Régence d’Alger (Wilayat el-Djezair en arabe et Gezayir-i Garp en turc), et dans laquelle les janissaires turcs s’illustrèrent par leurs méthodes brutales, sanguinaires et expéditives.
De nombreuses tribus berbères, principalement kabyles, s’opposèrent par les armes à l’occupation turque, l’empêchant de s’étendre sur la totalité du territoire, et la cantonnant sur la bande côtière.
En 1520, Sidi Ahmed ou el Kadhi fut le premier résistant kabyle à la colonisation turque, réussissant même à s’emparer d’Alger et forçant le chef de bande Kheir Eddin, dit Barberousse à se replier à Djidjelli.
En 1609, les Kabyles vinrent battre les murs d’Alger puis, entre 1758 et 1770, ce fut toute la Kabylie qui se souleva.
Au début du XIX° siècle, plusieurs autres insurrections se produisirent, notamment entre 1805 et 1813, puis en 1816 et enfin en 1823.
Il en fut de même dans les Aurès où les Chaouias, autres tribus berbères, réussirent à interdire toute présence effective du pouvoir ottoman. Constantine fut un cas à part car les Ottomans y avaient de solides alliés avec la tribu des Zemoul, ce qui n’empêcha pas les autres tribus kabyles de se soulever régulièrement.
Tous ces mouvements furent noyés dans le sang, à l’image de ce qui fut la règle tout au long des conquêtes ottomanes : « La force est employée à la turque : les colonnes de réguliers, Turcs et Couloughlis, usent du sabre, du fusil et du canon, brûlent récoltes et villages, s’emparent d’otages, empalent et décapitent, exposant par dizaines les têtes coupées. L’usage de la force démontre la résolution du maître et l’irréversibilité de la situation »
Dans la Régence d’Alger, les Turcs pratiquèrent une ségrégation institutionnalisée, la politique de l’élite dirigeante militaro administrative ottomane étant d’éviter de se dissoudre par mariage dans la masse de la population.
La violence ottomane ne s’exerça pas uniquement contre les populations locales. Quelques exemples :
– Le 27 mai 1529, après un siège de trois semaines, les 25 survivants de la garnison espagnole qui défendait le fort construit dans la baie d’Alger capitulèrent contre la promesse qu’ils auraient la vie sauve ; or, leur chef, le comte Martin de Vargas, grièvement blessé, fut massacré à coups de bâton par les soldats turcs.
Les Turcs feront des principaux ports de la côte algérienne, des repaires de pirates.
Les plus célèbres de ces pirates sont les frères Barberousse. Leur nom vient du surnom donné à l’aîné des frères qui porte une barbe rousse.
« Baba El-Aroudj » s’empare en 1529, avec l’aide de janissaires turcs, de la puissante forteresse construite par les Espagnols pour contrôler les entrées et sorties du port, sur un ilot appelé le Penon ( El Djezaïr).
Barberousse, en prêtant allégeance au Sultan Sélim 1er qui règne à Istambul, instaure la « Régence d’Alger ».
Les frères Barberousse feront régner l’insécurité dans toute la méditerranée à bord de leurs galères, en pillant les villes côtières, et les navires de commerce.
Le port d’Alger devenu un repaire de pirates est surtout un lieu de commerce des esclaves européens enlevés dans les villes côtières européennes assaillies au pourtour de la méditerranée, et des marins faits prisonniers sur les navires arraisonnés.
Parmi les dizaines de milliers de prisonniers ayant connu les prisons algériennes, figure un Espagnol illustre, en la personne de Cervantès.
La plupart de ces prisonniers sont condamnés à se convertir à l’Islam, ou à être réduits en esclavage.
Les hommes deviendront galériens, les femmes revendues dans les harems orientaux. Les plus riches seront revendus contre rançon ( cf. Doc.ci-dessus ).
Vente d’une Femme esclave destinée aux harems orientaux.
– Le 20 juillet 1535 Kheir Eddin, dit Barberousse lance un raid sur l’île de Minorque, aux Baléares, enlevant plusieurs centaines de captifs, hommes, femmes et enfants qui sont vendus sur le marché aux esclaves d’Alger.
– En 1682, après que le Dey eut déclaré la guerre à la France, l’amiral Duquesne se présente devant Alger, pour tenter de mettre fin aux activités des pirates turcs. Les Turcs se vengent en massacrant leurs prisonniers français et notamment le père Jean Le Vacher, consul de France, en l’attachant à la bouche d’un canon.
– En 1688, pour lutter contre les pirates, le maréchal d’Estrées bombarde Alger et plusieurs captifs français sont, à nouveau, attachés à la bouche des canons et massacrés.
La piraterie constitua jusqu’au début du XIXème siècle le cœur de la vie politique et économique de la Régence turque d’Alger.
La recherche historique a en effet montré que son but n’était pas de s’attaquer, avec l’aval des autorités, à des navires ennemis en temps de guerre, mais que son seul objectif était la prise de butin, la capture de prisonniers revendus comme esclaves destinées aux harems de l’Orient pour les femmes, et condamnés aux galères pour les hommes..
A l’exception du raïs Hamidou, tous les acteurs de cette piraterie étaient des Turcs, de naissance ou renégats.
La présence turque en Algérie n’est donc guère plus exemplaire, au regard de l’Histoire, que celle de la France.
J’ajoute, et ceci complète mon précédent billet intitulé « génocides », qu’il est difficile d’évoquer en termes de génocide, l’évolution de la population autochtone en Algérie, durant la présence française.
Pour conclure, on est tenté de considérer les réactions hystériques du Sieur Erdogan comme la traduction d’un dépit de la nation turque, d’avoir été évincée de sa position de puissance coloniale héritée de l’Empire Ottoman, régnant sur une partie de l’Afrique du Nord, au profit de la France qui est au XIXème siècle, avec l’Angleterre l’une des grandes nations coloniales.
De même que l’on est tenté de s’interroger sur ce qu’elle cache des ambitions turques actuelles, en Afrique du Nord et au Moyen Orient, à la lumière de l’offensive diplomatique qu’elle a lancé en direction des pays du « Printemps Arabe »pour proposer sa médiation, et promouvoir son « modèle » de société islamique, en profitant de l’euphorie aveugle qui s’est emparée naïvement des pays européens devant ces « révolutions », pour accélérer l’éviction des occidentaux…..
Une forme de riposte aux réticences des pays européens, qui comme la France, s »opposent à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
Les sources principales de cet article sont:
L’Algérie de Maurice WAHL, cinquième édition, mise à jour par Augustin BERNARD, Professeur de Géographie à la Sorbonne. Félix ALCAN, Editeur, Paris 1908.
Histoire de l’Algérie Conquête et Colonisation, de P.GAFFAREL. Editions Firmin-Didot. Paris 1883.
Mallet Isaac. Cours d’Histoire contemporaine. Manuel scolaire. Classiques Hachette. 1932.