Les Socialistes sont fâchés avec « le Peuple ».
Enervés par le succès du Front National auprès des classes populaires, furieux de voir qu’au sein de l’UMP une « Droite Populaire » fasse entendre sa voix, les Socialistes qui sont, (mais qui n’ont pas toujours été ) un Parti de petits bourgeois nantis, appartenant en majorité à la Fonction Publique, confortablement installés, en toute sécurité, dans des citadelles indéboulonnables telles que les grandes Administrations, le Corps Enseignant, ou l’Université, se sont peu à peu détournés du Peuple qui a du mal à les suivre dans leurs gesticulations, leurs contorsions, et leurs rêves idéologiques.
Un journaliste non suspect de fricoter avec la Droite, en la personne de Hervé Algalarrondo Directeur adjoint au Nouvel Observateur, vient de commettre un petit ouvrage que j’ai déjà évoqué dans un précédent billet, et dont la lecture m’a occupé pendant les longues heures d’attente dans les aéroports, et les longs trajets en minibus sur les routes du Rajasthan.
Déjà auteur d’un brûlot, dans le même esprit, sous le titre de « La Gauche contre le peuple (Robert Laffont, 2002) », il publie un essai sous le titre de « La Gauche et la préférence immigrée« .
Décapant.
Il explique, et ses arguments ne manquent pas de sel, comment la Gauche, et tout particulièrement le Parti Socialiste, s’est détachée du Peuple, et a cru trouver une compensation en s’arrogeant la défense des « droits » des immigrés, au nom d’une générosité proche de l’angélisme.
Le « Ravi de la crêche »…
En utilisant l’ immigration comme fer de lance dans ses combats contre la Droite, elle a fini par en oublier ceux pour qui elle se battait depuis toujours : les ouvriers.
Pourquoi la gauche s’est-elle ainsi perdue ?
Il y a quelques années, à propos des « sans-papiers », Michel Rocard avait émis un point de vue, qui avait rencontré un large consensus que l’on qualifierait aujourd’hui de « républicain », en affirmant que la France « ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde ».
Mais cette affirmation s’est heurtée à la mauvaise conscience d’une gauche malade de la colonisation, et honteuse de ses turpitudes coloniales qu’elle voudrait bien faire oublier.
Pour la gauche « d’en haut », bourgeoise, intellectuelle, universaliste et tiers-mondiste, régulariser massivement les « sans-papiers » devrait être la norme : le PS a d’ailleurs procédé à de substantielles régularisations à chacun de ses passages au pouvoir, et quiconque s’interroge sur leur pertinence est accusé d être victime de cette « lepénisation des esprits », dans laquelle les « bons esprits », ceux qui ne sont pas « lepénisés » (?) voient un nouvel avatar de l’ « idéologie française », teintée de racisme endémique et de haine de « l’étranger ».
Hervé Algalarrondo étudie cette déviance de la gauche française qui a fini par délaisser, au nom d’une morale « bien-pensante », son premier électorat, l’électorat ouvrier, qui est le plus exposé aux conséquences et aux effets d’une immigration qui a fini, peu à peu, par échapper à tout contrôle, et que la Droite s’efforce, sans résultat convaincant, d’endiguer par des mesures chaque fois contournées par ceux qui on fait de cette immigration, un « fonds de commerce » juteux.
Ainsi, c’est à un véritable « changement de peuple » qu’a procédé la « gauche bobo » depuis Mai 1968. Hier, elle était pleine de sollicitude pour la classe ouvrière censée détenir, selon Marx, les clés de la société future.
Aujourd’hui, elle manifeste une « préférence immigrée » : dans les catégories populaires, ce sont les enfants des anciens peuples colonisés qui trouvent désormais grâce à ses yeux. Oubliés, relégués, les ouvriers sont accusés d’avoir sombré peu à peu dans le lepénisme, de vouloir une France coupée du reste du monde.
Pour cette « gauche bobo », les immigrés représentent au contraire la « jeunesse du monde » qui, seule, peut régénérer un vieux pays sur le déclin, la France.
L’électorat ouvrier a fini, faute de mieux, par se tourner vers l’ extrême Droite et profite au Front National, qui apparaît, dans le monde ouvrier, comme le seul rempart, contre ceux qui, dans les banlieues, provoquent l’exode des Français qui ne peuvent plus supporter de cohabiter avec des populations qui ont refusé toute perspective d’intégration et qui veulent vivre en France, comme s’ils étaient encore chez eux, dans leur pays d’origine, en mettant à profit un savoir-faire, une expertise même, dans l’art d’utiliser toutes les combines leur permettant de bénéficier des largesses de notre « modèle social ».
Le Socialiste, traité par l’extrême-gauche, et par une fraction importante des Verts, de social-traître, cherche à échapper à une culpabilisation et à une étiquette qui lui colle à la peau. Celle d’un privilégié habitant « les beaux quartiers », bénéficiant d’une sécurité d’emploi et d’une assurance de revenus qui lui permet, avec une certaine forme d’arrogance, d’ignorer les malheurs du Peuple qui souffre.
Il y a des lectures qui aident à passer le temps, et qui incitent à la réflexion, quand on est confronté, pendant tout un voyage, à une misère indescriptible, et où « le Peuple » n’existe pas en tant que « classe sociale », car il est remplacé par « les intouchables », dans un système de castes dont on ne voit pas comment il pourrait y mettre fin.
Cela donne à réfléchir.