Chinoiseries.


En ce Dimanche après-midi ensoleillé, j’hésitais entre une sieste à l’ombre, bercée par le chant des cigales, et un petit tour télévisé à Londres, pour jeter un oeil sur ce qui se passe, en direct aux Jeux Olympiques.

Au moment même où j’allume mon poste, un Chinois vient de remporter la médaille d’or du badminton saluée par un public tout de jaune vêtu, et en délire, qui avait envahi les tribunes. Le journaliste de France 2, de service à cet instant, récapitule pour nous le palmarès des médailles, et dans ce tableau, la Chine occupe la seconde place, après les Etats Unis.

Je ne sais s’il est permis de tirer des conclusions, à partir des performances de chaque nation dans cette compétition mondiale que sont les J.O. On est tenté de voir une corrélation entre la place qu’occupe chaque pays dans le palmarès des médailles, et la place qu’il occupe dans le concert des nations. 

S’agissant de la Chine, la tentation est forte, de voir dans ses succès sportifs un signe de sa vitalité et une expression de sa puissance.

Cette réflexion que je faisais à moi-même, fit remonter dans ma mémoire le souvenir d’un livre qui figure encore dans ma bibliothèque, qui est l’oeuvre d’Alain Peyrefitte, « Normalien, Enarque et ancien Ministre du Général de Gaulle » que Pompidou avait envoyé en mission d’étude en Chine.

Le titre de ce livre en dit long sur son contenu:  » Quand la Chine s’éveillera…le monde tremblera ».

Je n’ai pas eu le courage de me replonger dans la lecture de ce pavé de plus de 400 pages, mais je l’ai feuilleté pendant un instant. Tous mes livres sont annotés, et les passages qui m’ont « interpellé » au moment de la lecture sont soulignés, et parfois commentés, en marge.

J’avais particulièrement souligné une phrase mentionnée dans l’Introduction du livre. Je cite:  » Quand votre interprète vous paraît spécialement hilare, c’est peut-être qu’il a perdu son père« . (!!!).

J’en avais souligné bien d’autres, telles que: «  La Révolution culturelle a été pendant quatre ans la grande lessive de la société, le grand décapage des cerveaux. Puisqu’on ne pouvait pas changer les choses, il fallait changer la façon dont les Chinois les voyaient ». Excellente manière de définir ce qu’a été le Communisme, dans beaucoup de pays….

Peyrefitte précise, dans une note qui figure au début de son livre que la phrase qui sert de titre à l’ouvrage est attribuée à Napoléon. Je cite:  » L’Empereur l’aurait prononcée en 1816, après avoir lu la relation, dont il sera souvent question dans ces pages du Voyage en Chine et en Tartarie de Lord Macartney, premier Ambassadeur du roi d’Angleterre en Chine; à moins que ce fût à l’occasion de la visite de Lord Amherst- successeur malchanceux de Lord Macartney- qui au retour de Pékin, avait fait escale à Saint Hélène. Lénine a repris ce pronostic à son compte dans son dernier texte, dicté le 2 Mars 1923, Moins nombreux mais meilleurs. »

Je relève, plus loin, page 365, le passage suivant. Je cite:  » L’avenir est suspendu à la démographie. Si la Chine n’arrive pas à la maîtriser, tous ses efforts seront vains: la consommation mordra sur l’investissement et, de plus, diminuera: la Chine redeviendra la nation la plus pauvre et la plus débile.( sic).

Si, en revanche, elle y parvient, elle s’engagera dans la spirale du développement et pourra construire en quelques décennies une industrie puissante. A partir de quoi elle pourra libérer à nouveau sa croissance démographique. C’est alors que le monde pourrait trembler » ( Fin de citation).

Prémonitoire, non ???

Je me suis souvenu, alors de l’un des nombreux entretiens que Peyrefitte avait accordé, dans l’accompagnement de la sortie de son livre. Une coupure de journal, jaunie, était restée dans mon bouquin qui relatait une interview d’Alain Peyrefitte. Au cours cet entretien, l’auteur tentait de convaincre son interlocuteur apparemment sceptique, de l’imminence des signes d’émergence de la Chine en tant que puissance mondiale. Nous étions alors en 1975.

Peyrefitte déclarait, à don interlocuteur dubitatif: « l’Occident, l’Europe, prendront réellement conscience du fait que le monde a changé, le jour où une escadre de navires chinois croisera en Méditerranée ».

Un peu moins de trente ans plus tard, nous y sommes.

Nos journaleux, trop occupés à suivre à la trace, notre « Grand Président »afin de mettre en valeur les signes répétitifs de « normalité » qu’il donne au peuple français complètement ébahi, ont laissé échapper cette information que l’on peut vérifier sur le site internet de l’OTAN: une escadre chinoise vient de pénétrer en Méditerranée, sans doute pour bien marquer sa détermination à s’opposer à tout « coup de force » des occidentaux en Syrie.

A l’époque du livre de Peyrefitte, c’était la 7ème flotte américaine qui faisait la Loi en Méditerranée. Aujourd’hui, signe des temps, c’est la Chine qui nous signifie qu’il serait imprudent de se placer en travers de ses intérêts stratégiques.

http://www.acus.org/natosource/why-china%E2%80%99s-navy-mediterranean

Alors qu’au Moyen Orient, et notamment en Egypte, qui accordé le passage de la flotte chinoise par le canal de Suez, la Presse en fait de gros titres, – car le monde Arabe a bien compris que « la puissance » était en train de changer de mains -, la Presse occidentale, et particulièrement la nôtre, sont restés silencieux sur cet évènement à portée historique.

Sans doute parce que nos « radars » ne sont pas tournés dans la bonne direction….

Journalisme d’été…

 

L’Algérie « victime » de chinoiseries….


C’est la blague de l’arroseur arrosé ….

 

Depuis plusieurs semaines, la presse algérienne fait écho aux tensions entre la communauté chinoise installée en Algérie et la population locale.

A lire absolument et intégralement, y compris les « Commentaires » qui valent leur pesant de couscouss:

http://algerie.actudz.com/article1552.html

 Ces tensions ont donné lieu cet été à de graves agressions à l’encontre de ces immigrés.

Leur violence a même poussé les autorités chinoises à intervenir auprès du Gouvernement algérien pour lui demander de mettre fin à ces affrontements qui ont opposé, dans plusieurs willayas, les habitants autochtones aux minorités chinoises, qui pour la plupart sont des ouvriers venus travailler sur des chantiers de construction, ou sur les plates-formes pétrolières, ou des commerçants arrivés dans le sillage des précédents, dont les restaurants à bas prix prolifèrent, de même que les boutiques qui proposent des produits « made-in-China » à bon marché.

Du côté algérien on estime que « les Chinois ont abusé de « l’hospitalité » que l’Algérie leur a offerte. On les a acceptés malgré leurs défauts, aujourd’hui ils se comportent comme chez eux »,  déclare un Algérien à l’ A..F.P. « Ils boivent de l’alcool devant leurs boutiques au vu et au su des Algériens et s’exhibent parfois en short dans le quartier. Ce sont des comportements contraires à notre religion et notre culture » ajoute Abdellah, un autre habitant du quartier. 

Des critiques que les Chinois expliquent par »un sentiment de concurrence et de jalousie ».

A Bab Ezzouar, à Alger, plus de 200 commerces appartiennent à des Chinois. « Leurs produits sont vendus à des prix très compétitifs, ils sont ouverts tous les jours, donc ils gagnent de l’argent. Ce qui déplaît aux Algériens », observe-t-il.

Etonnant, non ?

Tout d’abord, l’Algérie dont la jeunesse ne rêve que de visas pour émigrer en France, ou en Europe, devient une terre d’immigration pour les Chinois. Ces mêmes chinois, qui sont implantés en France depuis des lustres et qui n’ont que rarement attisé le ressentiment des Français, contrairement à d’autres communautés…..
Mais que les Algériens se rassurent, les immigrés chinois ne brûlent pas encore le drapeau algérien au moindre prétexte. Ils n’imposent pas leurs coutumes alimentaires dans les écoles, n’exigent pas la construction de grands temples bouddhistes ou taoïstes, ne réclament pas d’horaires de piscine aménagés, ne contredisent pas l’enseignement des sciences, se satisfont de médecins masculins pour leurs épouses, et ne risquent pas de profiter indûment d’une « protection sociale » généreuse…..

Curieusement, les innombrables associations qui luttent, dans le monde, contre le racisme sont restées jusqu’ici silencieuses devant ces démonstrations de »sinophobie »…..

Angélisme sportif…..


Selon Jacques Rogger, Président du CIO:« Nous avons fait preuve d’idéalisme en pensant que [l’accès illimité à internet] serait possible , alors, bien sûr, quand on est idéaliste, on peut être naïf ».

C’est vrai, mais les difficultés du CIO, face à l’attitude de la Chine, en ce qui concerne le liberté de l’information pendant le déroulement de Jeux, devraient faire réfléchir « les naïfs ».

Les « Occidentaux » font, à l’occasion de ces Jeux l’apprentissage de ce que seront les nouvelles relations entre des « nations démocratiques » porteuses d’un idéal issu d’une longue, – et parfois sanglante – Histoire, et la Chine, nouvelle méga-puissance, bien décidée à ne recevoir de leçons de personne, que ce soit dans le domaine des Droits de l’Homme, ou dans tout autre domaine.

La France, vient,elle, de prendre une leçon,- presque humiliante – pour avoir voulu, à l’occasion du passage de la Flamme Olympique à Paris, prendre la tête d’une croisade qui a fait long feu, sous l’action de quelques professionnels de la protestation, croisade qui met en péril les résultats d’un demi-siècle d’efforts pour se rapprocher de l’Empire du Milieu et pour établir des relations dépassionnées avec cet immense pays.

Il ne faut pas s’illusionner. Plus la Chine s’affirmera comme une des premières puissances économiques mondiales, plus elle ambitionnera de devenir une invincible puissance militaire, et moins elle acceptera de recevoir des leçons de l’Occident. Ses réactions deviendront de plus en plus cinglantes et vexatoires à l’égard de nos civilisations dont elle n’acceptera jamais de reconnaître la supériorité.

                                  

Il est bon de se pénétrer de la lecture, longue, difficile et parfois fastidieuse d’un Livre fort décrié dans certaines démocraties occidentale : « le choc des civilisations » de Samuel P. Huntington ( ¹ )qui devrait être reçu comme un avertissement et un appel au ressaisissement de la culture occidentale, au lieu d’être brandi comme un dangereux brûlot par ceux qui préfèrent opposer l’angélisme au courage et à la lucidité.

 Car ce livre, fortement documenté, contient des passages édifiants.

Beaucoup en ont fait un message de Cassandre qui aurait pour effet de dresser l’une contre l’autre, les civilisations judéo-chrétiennes et Islamiques, et ont fait l’impasse sur les pages qui traitent de l’éveil inquiétant de l’Asie et des bouleversements géopolitiques qui s’annoncent.

Page 152 , au paragraphe « Economie et Démographie » , Huntington évoque et cite les déclarations de dirigeants asiatiques évoquant « avec mépris le déclin de l’Occident et attribuent leurs succès ainsi que les échecs de l’Occident à la supériorité de leur culture et à la décadence de la culture occidentale. »

Déjà, au début des années quatre-vingt-dix, le triomphalisme asiatique s’exprimait, par la bouche des dirigeants de Singapour, proclamant « la montée de l’Asie dans les relations avec l’Occident, et proclamant les vertus de la culture asiatique, fondamentalement confucéenne qui serait responsable de sa réussite – l’ordre, la discipline, la responsabilité familiale, le goût du travail, le collectivisme, la sobriété – opposés à la complaisance, la paresse, l’individualisme, la violence, la sous-éducation, le manque de respect pour l’autorité et « l’ossification mentale » qui seraient responsables du déclin de l’occident. »

Pour ses habitants, la réussite de l’Extrême Orient est en particulier, le résultat de l’importance culturelle accordée en Asie, à la collectivité plutôt qu’à l’individu, et aux valeurs confucéennes partagées par la plupart des pays de la région.

L’Occident devrait se méfier et faire preuve de prudence afin de ne pas ajouter à la menace islamique que les mêmes angélistes se refusent à reconnaître, une nouvelle menace qui découlerait de la réaction de peuples fiers qui ne considèrent pas nos civilisations comme un modèle méritant un respect absolu, et qui, en tout état de cause, n’accepteront jamais de se plier à des exigences dont nous sommes les seuls à ressentir et à défendre la légitimité.

(1)-(Samuel Huntington. Le Choc des Civilisations. Odile Jacob. Poche)