Il m’arrive souvent de pester contre ceux que je désigne, par dérision, sous le vocable de « journaleux »: j’entends par là montrer du doigt la cohorte de journalistes dont l’éthique, le professionnalisme, l’indépendance d’esprit et le degré d’engagement politique font obstacle au devoir d’information complète, objective et « non formatée » par la soumission aux règles du « politiquement correct ».
Je me sens néanmoins obligé de rendre hommage à Véronique Grousset, journaliste au Figaro, qui dans un article paru ce 22 Février, rend compte d’une enquête en Guadeloupe, en pleine pèriode de troubles, sous le titre de « Guadeloupe: ces vérités qui dérangent ».http://http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2009/02/21/01006-20090221ARTFIG00004–ces-verites-qui-derangent-.php
Car il faut un certain courage journalistique pour écrire un article signé, sur un sujet brûlant, en soulignant des réalités que la plupart des gens qui sont allés dans cette île des Caraïbes, savent depuis toujours.Et en soulevant le voile pudique que les médias les plus populaires jettent sur certaines réalités de la crise que traverse la France dans les Caraïbes.
Ainsi, on apprend à la lecture de ce reportage, que le LKP, ce collectif syndical « contre l’exploitation des Antillais », « regroupe 43 organisations syndicales et culturelles », et qu’il existait bien avant le déclenchement du mouvement de protestation contre la vie chère. Que « son organisation », – dont l’efficacité a fait ses preuves dans les moments de tension les plus extrêmes de la grêve générale -, »est copiée sur celle des comités de surveillance révolutionnaires cubains »: » au moins un groupe par commune, sinon par quartier, composé de militants connaissant parfaitement leur voisinage » . Ainsi « sur un simple coup de téléphone » on mobilise instantanément une vingtaine de volontaires qui iront bloquer une route ou l’accès d’une hôtel, ou obliger un commerçant récalcitrant à fermer boutique pour donner à la grêve générale un impact déterminant.
Nul doute que les visites des Besancenot et autres José Bové contribueront par des échanges de conseils pertinents, à conforter dans leur efficacité, les méthodes pratiquées par le LKP.
Sur les barrages, les groupes sont organisés en tenant compte de la présence des médias télévisés: devant les caméras, ceux qui sont filmés lèvent les bras en l’air en signe de « pacifisme », pendant que ceux qui sont derrière lancent des pavés sur les gendarmes….
On apprend également que le leader du mouvement protestataire, Elie Domota n’est rien moins que le Directeur Adjoint de l’ANPE en Guadeloupe, et que ses proches lieutenants, tout comme le gros de ses troupes font partie de la fonction publique, et qu’ils bénéficient de la majoration de 40% de leur salaires qu’ils dénoncent par ailleurs s’agissant des fonctionnaires venus de la métropole, qu’ils accusent de provoquer le renchérissement de la vie en raison de leur pouvoir d’achat élevé.Que ces mêmes « fonctionnaires de la grêve » sont bien décidés à négocier, que dis-je, à exiger le paiement des jours de grêve avant de mettre fin au conflit…..
On apprend aussi, que la majoration de salaire de 200 euros, réclamée pour les bas salaires qui était, semble-t-il, la dernière des revendications à satisfaire pour aboutir à l’accord global sur les 131 revendications négocié avec le Secrétaire d’Etat Jego avant son retour en France,n’était qu’un pretexte pour reculer les limites de la négociation . Car la vraie motivation d’Elie Domota c’est d’imposer peu à peu l’idée du « libre droit des Guadeloupéens à disposer d’eux-mêmes ». En outre, les plus pauvres, parmi les Guadeloupéens, n’en ont hélas, rien à cirer de cette augmentation des bas salaires de 200 euros , car ils sont près de 40% de la population à ne pas être salariés puisqu’ils ne vivent que d’allocations chômage, ou de RMI.
Mais on apprend aussi, grâce à ce reportage, que les excès, les violences, les pillages qui ont ruiné une bonne partie du commerce local, commencent à lasser le gros de la population de l’île. Et que dans les conversations, on parle de moins en moins de « grêvistes » et de plus en plus de « voyous ». Car la majorité des populations de l’île sait que l’économie locale vit sous perfusion, et que sans l’aide de la « métropole » la misère serait encore plus répandue.
Il ne restera, au fond, de cette poussée insurrectionnelle qu’un sentiment de fin de parcours, pour les relations entre la France métropolitaine et se anciènnes colonies. Les routes vont devoir se séparer: une réforme radicale du statut de ces îles s’impose, et les réformes « structurelles », ne devraient pas s’arrêter en chemin. Pour une fois , nos gouvernants feraient preuve de lucidité, de courage et de sens de l’anticipation en orientant les discussions à venir, non pas vers de nouvelles concessions financières pour tenter de remplir le « tonneau des Danaïdes », mais vers une sorte de « plan de Pointe à Pître » ( par analogie avec le plan de Constantine) et vers des « accords d’Evian », négociés à froid de manière à préparer ces anciènnes colonies à affronter le vent du large.
Et que l’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit de territoires qui font partie de la République française « une et indivisible », car ce sont des Départements français qui sont concernés. Et que de nombreux Guadeloupéens souhaitent rester français. On connait la musique. On nous avait déja fait le coup avec l’Algérie. Cela n’a pas empêché la France de larguer les trois Départements français.
Ainsi, cessera, enfin, « le mépris » dont souffrent ces populations, et seront « rétablis » ( !!!) « les droits légitimes des Noirs en tant que peuple majoritaire sur cette île ».