Je ne crois pas en l’effet de la Providence, en politique.
Et encore moins à l’effet miraculeux d’un « homme providentiel » qui surgit de l’obscurité, et qui par sa seule apparition illumine un ciel noir, comme le soleil qui perce derrière un ciel d’orage.
L’expression à la mode, depuis que Sarkozy est sorti du bois, est celle de « l’homme-providentiel ». Je crois pour ma part que si Sarkozy souhaite revenir dans le jeu politique, il ne doit surtout pas compter sur la « Providence » pour lui ouvrir la route.
Sarkozy a déçu ceux qui, en 2007, ont cru qu’avec son éloquence, avec son énergie, avec sa manière d’appeler « un chat, un chat », et venant après dix années d’un « chiraquisme » catastrophique pour la France, enfumée par un « radical-socialisme » qui se faisait passer, à coups de menton, pour « la Droite », il serait l’homme capable de faire bouger une France qui ronronnait au bord du gouffre.
Je suis, on le sait ici, de ceux qui reprochent à Sarkozy, non pas tant ce qu’il a accompli, mais surtout ce qu’il n’a pas eu le courage de faire, dès le lendemain de son élection alors qu’il disposait, dans le pays, d’une large majorité et d’une popularité, qui, hélas, se sont effritées au fil du temps, érodées par l’acharnement d’une « classe médiatique » épouvantée par cet homme , imprévisible, il faut bien le dire…..
Si Sarkozy veut mettre de son côté, quelques chances de pouvoir revenir dans le jeu, il doit changer de « logiciel ». Il lui faut donc trouver le bon logiciel. Ce ne sera pas chose facile.
J’entends bien le discours de tout ceux qui, dès qu’il s’agit de la Droite, expliquent qu’il n’y a pas de chemin vers la conquête du pouvoir sans le « Rassemblement ». Un terme qui signifie, en clair, un rapprochement avec le Centre, qui a toujours été « le ventre mou » de la Droite. Le même terme signifiant qu’il faut exclure tout dialogue avec les « extrêmes » de la Droite, qui aujourd’hui représentent plus d’un Français sur quatre….
A Gauche, le « rassemblement » signifie l’accord avec « l’extrême-gauche » que pudiquement on nomme la « gauche de la gauche », et avec les Verts qui, dès qu’on gratte un peu sont des « rouges » déguisés…
Or, on le voit bien, le « rassemblement » est chose difficile dans un pays éclaté. Autant à droite qu’à gauche : Hollande en aura fait la triste expérience. Son successeur, quel qu’il soit, de gauche comme de droite, sera confronté aux mêmes obstacles….
Alors, Sarkozy doit-il tout changer, ne rien changer ou, surtout, a-t-il changé changé lui-même?
Il n’y a pas de réponse simple à cette question qui agite les commentateurs, au moment de son retour.
L’institut OpinionWay a réalisée pour Le Figaro, une étude sur la ligne politique que l’ancien président doit défendre selon les Français et les sympathisants de droite. Cette étude apporte quelques enseignements.
Il en ressort que 49 % des sympathisants de droite souhaitent qu’il se positionne de la même façon qu’il y a deux ans, même si à l’époque certains à l’UMP avaient jugé sa ligne trop «droitière». En outre, 31 % souhaitent même que Nicolas Sarkozy se positionne plus à droite qu’au printemps 2012, contre 20 % qui le souhaitent «moins à droite».
«La demande d’un recentrage est très minoritaire alors même que beaucoup d’observateurs avaient jugé son positionnement très à droite au moment de la campagne, explique Bruno Jeanbart, directeur général adjoint d’OpinionWay. La part des sympathisants de droite qui attendent de lui une ligne “ au moins aussi à droite ” atteint ainsi 80 %.»
Or, la première question qui se pose à Sarkozy est: doit-il s’adresser en priorité à l’électorat de droite ??? Ou doit-il noyer le poisson en tenant un discours mi-chèvre, mi-chou, à la Chirac, pour « rassembler ». Le discours que les gaullistes mettent en avant, comme si de Gaulle, s’il revenait aujourd’hui, tiendrait le même discours que celui qui fut le sien, notamment sur l’immigration et l’identité française…..Beaucoup d’entre eux, dont la mémoire est bien trop sélective, ont oublié ce que de Gaulle pensait à propos de « l’intégration » notamment.
Les observateurs sérieux, ceux qui, avec recul, analysent l’évolution de la société française, s’accordent sur un constat: la société française est une société éclatée, et les lignes de clivage entre catégories de citoyens ne correspondent plus aux critères passés.
C’est pourtant ce paramètre essentiel qui doit être introduit dans le « nouveau logiciel » politique de Sarkozy.
Dans un débat organisé par le Figaro, deux auteurs s’affrontaient il y a quelques jours, dans une analyse intéressante de ce qu’est devenue la société française.
« La vision de d’Aymeric Patricot, auteur d’un essai audacieux « Les petits Blancs » , était opposée à celle de Thomas Legrand, dont « La République Bobo » vient de paraître. Les deux livres, qui présentent deux visages opposés de la France, semblent se répondre », selon le Figaro.
De ces deux ouvrages, il ressort que « depuis 1992 et le référendum sur le traité de Maastricht, il y a d’un côté un monde urbain qui voit la construction européenne, la mondialisation et l’immigration comme une chance et de l’autre côté une France périurbaine qui se sent broyée par cette même globalisation. Ce n’est pas un hasard si durant la campagne présidentielle de 1995, Jacques Chirac, inspiré par le démographe Emanuel Todd évoquait déjà la «Fracture sociale ».
Cette fracture sociale s’est aggravée et se double aujourd’hui d’une fracture territoriale et probablement ethnique.
La démographe Michèle Tribalat, – dont les travaux sont le plus souvent ignorés par les médias, car ils tendent à démonter scientifiquement les discours lénifiants de ceux qui se font, par entêtement idéologique, les défenseurs d’une immigration débridée -, enfonce le clou: ( Je cite ) «les dynamiques migratoires montrent que le processus d’ethnicisation des territoires va se poursuivre et qu’il s’accompagnera de plus en plus d’une substitution de population.»
« En Seine-Saint-Denis, entre 1968 et 2005, la part des jeunes d’origine étrangère est passée de 18,8 % à 50,1 %. Dans certaines villes, le phénomène est encore plus spectaculaire. A Clichy-sous-Bois, ville d’où sont nées les émeutes de 2005, la part des jeunes d’origine étrangère est passée de 22 à 76 %. Dans le même temps, toujours en Seine-Saint-Denis, la part des enfants dont les deux parents sont nés en France n’a cessé de décroître: la déperdition totale a été de 41 % contre 13,5 % au niveau national. » ( Fin de citation).
Cet effet du « grand remplacement » pour reprendre l’expression de Renaud Camus, – encore un auteur détesté de ceux qui cherchent à nous enfumer -, est vécu comme un déclassement par les classes populaires qui se tournent de plus en plus vers le Front National en qui elles voient un rempart à une submersion générale et prochaine.
Dans « la France profonde », le citoyen laisse peu à peu, la place à un individu qui se définit d’abord par ses origines ethniques et de plus en plus par ses convictions religieuses. « Le sentiment minoritaire exacerbe la question ethnique ». C’était vrai au départ, pour « les minorités visibles » . Le « djihadisme » est un (grave) symptôme d’une dérive que les plus lucides d’entre nous prévoyaient depuis longtemps.
« C’est désormais une perception répandue chez les « blancs », les « souchiens » qui vivent dans des quartiers où ils sont devenus minoritaires. Dans les quartiers et villes multiculturels, les «Blancs», hier «Français» ou «Gaulois», sont de plus en plus désignés comme «blancs», parfois comme «colons». »
Hervé Algalarrondo , rédacteur en chef adjoint au Nouvel Observateur, a sorti, il y a quelques années, aux éditions Plon, un livre qui s’intitule “La gauche et la préférence immigrée” : dans cette publication il avait le mérite de jeter un gros pavé dans la marre aux « bobos-gauchos », en pleine primaire du Parti Socialiste . J’en ai rendu compte dans un billet que l’on retrouvera sous: https://berdepas.wordpress.com/2011/11/28/les-socialistes-et-le-peuple/
En effet, le point central de son essai est que la gauche, au chevet des ouvriers depuis toujours, tend aujourd’hui a s’éloigner des “prolos de souche”, au profit d’une nouvelle “caste” : les immigrés, sous l’influence de ses « penseurs » et notamment du « Think-Thank » « Terra Nova » auteur d’un rapport célèbre sur ce sujet qu’il est facile de se procurer sur internet.(1)
Il en résulte une désertion des syndicats et des partis de gauche par le prolétariat des “petits blancs” au profit du Front National, alors que, dans le même temps, la gauche “bobo” se refuse à ouvrir les yeux sur la réalité de la France d’aujourd’hui.
La gauche a toujours rêvé de changer le peuple !!! La sphère médiatique, dont le Nouvel Observateur fait partie, a largement contribué à cette stigmatisation des petits blancs au profit des immigrés . Ce faisant, elle a contribué à creuser le fossé qui s’est créé entre les « communautés »devenues incapables de « vivre ensemble ».
Cette montée des communautarismes s’accompagne d’un ressentiment à l’égard des classes aisées des centres villes qu’Aymeric Patricot résume bien, «Le petit Blanc ne se sent pas aimé des autres blancs plus aisés. Il se dit: «En face de moi, il y a des minorités soudées et défendues par une multitude d’associations, de ligues agressives, tandis que moi je ne suis pas soutenu par le bourgeois ou le bobo.»
Ainsi, alors que l’adjectif « républicain », et que le mot « rassemblement » n’ont jamais été aussi omniprésents dans le débat politique, la « République indivisible » n’a jamais été aussi morcelée.
Quoi qu’en disent ceux qui vont chercher, une fois de plus, à truquer les débats de la prochaine élection présidentielle, cette élection se jouera autour d’une donnée nouvelle dans le jeu politique .
Elle devra prendre en compte le désarroi des plus humbles qui souffrent des méfaits de la mondialisation, de la désindustrialisation des territoires, de l’insécurité réelle qui gangrène les banlieues et pourrit la vie des petites gens.
Les politiques ont préféré enterrer ces questions, jusqu’ici. Et on a parfois reproché à Sarkozy de mettre son doigt sur ces plaies, en l’accusant d’être « clivant ». Or « rassembler » ne signifie pas cacher ces fractures françaises, et les indignations effarouchées ne suffiront plus pour dissiper la lassitude , voire l’écoeurement des électeurs, et à atténuer leur révolte.
Les Français se sont jetés sur le livre de Valérie Trierveiller. Il y avait mieux à lire….
Les « politiques », eux, devraient lire, absolument, » La France périphérique « , du géographe Christophe Guilluy, ou comment on a sacrifié les classes populaires, qui nous raconte autre chose que « l’histoire d’une séparation » digne d’une pièce de Feydau.
On espère que Sarkozy a lu ce livre.
Car, ce que nous montrent les sondages, jour après jour, et ce que décrit ce livre, c’est la séparation du peuple et de la classe politique, celle des bobos des beaux quartiers et des «petits blancs» des territoires ruraux, celle de la majorité silencieuse et des minorités visibles devenues envahissantes. La France est devenue communautariste et inégalitaire.
Une France où la vieille dame qui vit en banlieue, (et qui a peur de sortir de son HLM de crainte de se voir agressée pour lui voler son sac), et exprime sa crainte devant le changement de son environnement, celle-là est traitée de raciste. Tandis que le bobo qui vit dans son loft dans les beaux quartiers de Paris, et tient des discours hypocrites sur le multiculturalisme tout en envoyant ses enfants dans des écoles « bien fréquentées » est porté au pinacle pour sa clairvoyance et sa « générosité ».
Or, la France des « sans-dents », celle des « illettrés », a le sentiment que jusqu’ici, le discours politique ne s’adresse qu’à la France des « bobos ». Depuis le « rapport Terra Nova », la gauche socialiste ne s’adresse plus au peuple, et la sanction du peuple est sans appel : il s’est tourné durablement vers le Front National qui lui donne le sentiment d’exprimer à haute voix des angoisses aux quelles la Gauche ne répond plus.
Les Français sont un vieux peuple, adulte, qui a intériorisé son Histoire, qui n’entend plus – parce qu’il ne l’écoute même plus – , le discours de ceux qui croient faire de la politique en faisant de la « com », ceux qui confondent les « effets d’annonce » avec des résultats, ceux qui croient encore que « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », ceux qui les prennent pour des billes en se servant des médias pour les enfumer, alors que la source préférée des Français qui veulent s’informer, est devenue internet et les réseaux sociaux.
Sarkozy trouvera tout ces obstacles sur sa route. Sur ce plan-là, la Providence ne lui sera d’aucun secours…..
Il doit prendre garde de ne pas céder aux sirènes de la « bobocratie »parisienne, et il doit, avant de parler et de se découvrir, tendre l’oreille du côté du peuple à la rencontre du quel il doit revenir. Il n’y a rien de honteux à écouter la « voix du peuple »et le « populisme » n’est pas une insulte à la Démocratie.
Pour l’auteur de ces lignes, le contraire du « populisme », aujourd’hui, c’est « l’autisme ».
PS: à lire ou à relire:
https://berdepas.wordpress.com/2008/10/31/la-pedaledans-le-caviar/
https://berdepas.wordpress.com/2010/11/19/a-gauche-toute/
https://berdepas.wordpress.com/2013/10/13/les-mensonges-et-les-malentendus/
A méditer:
« Quand la moitié d’un peuple croit qu’il ne sert à rien de faire des efforts car l’autre moitié les fera pour elle, et quand cette dernière moitié se dit qu’il ne sert à rien d’en faire car ils bénéficieront à d’autres, cela mes amis, s’appelle le déclin et la fin d’une nation. On n’accroît pas les biens en les divisant. »
Dr. Adrian Rogers, 1931
(1).-http://www.tnova.fr/sites/default/files/Rapport%20Terra%20Nova%20Strat%C3%A9gie%20%C3%A9lectorale.pdf