…Vous avez dit crise ???
On peut en effet s’interroger sur la perception , dans les peuples des différents pays concernés, de la réalité de cette crise.
Et pourtant….
Interrogez l’Espagnol de la rue, vous constaterez que derrière une apparente désinvolture, un besoin persistant de « poursuivre la fête », une inquiétude profonde et même, une certaine forme de désarroi habite chacun de vos interlocuteurs….
Les Espagnols ressentent les mesures de rigueur qui leur sont imposées pour leur permettre de demeurer dans le système monétaire européen et dans l’Euro, comme une injuste punition dont ils rendent les Allemands responsables.
Chroniqueuse d’El País et romancière à succès, Almudena Grandes, dans une longue interview donnée à Courrier international, porte un regard critique sur les politiques d’austérité en vigueur en Espagne et en Europe. Et appelle les citoyens à vaincre leur peur.
Almudena Grandes est proche de la gauche alternative.
Elle a été, avec Pedro Almodovar notamment, l’un des plus grands soutiens du juge Garzón dans son combat contre l’impunité des crimes commis par le régime franquiste.
Inutile de préciser qu’elle ne se situe pas dans le camp de ceux qui prônent des solutions à la fois radicales et « libérales »….
Voici quelques extraits significatifs de l’interview qu’elle donne à Courrier International:
Comment définiriez-vous l’Espagne d’aujourd’hui ?
Un pays stupéfait, abasourdi. On ne croit pas à ce qui nous arrive. On ne comprend pas ce qui se passe. Nous n’avons pas eu la même histoire que les autres pays d’Europe : ou nous avons été lentement, ou alors très vite, mais jamais au bon rythme.
Nous avons eu une histoire très dure, très difficile avec beaucoup de pauvreté. Et, au XXe siècle, nous avons oublié très vite que nous avions été pauvres. Nous sommes devenus un pays de « nouveaux riches appauvris ». Il faut retrouver la mémoire, sortir de la crise avec dignité, comme nous avons déjà réussi à le faire par le passé.
Le point positif, c’est qu’il n’y a pas de discours xénophobe au niveau national, même s’il existe quelques groupes d’extrême droite marginaux. Et ce malgré la crise, le chômage ou encore le nombre d’immigrés.
Beaucoup d’Espagnols angoissés par le sombre avenir qui les attend, ont vu dans l’accession de François Hollande à la Présidence de la République française, une raison d’espérer un assouplissement des mesures de rigueur qui leur sont imposées.
Quel regard portez-vous sur la victoire de la gauche en France ?
Le succès de la gauche est important pour l’Europe et permet de rompre avec la politique de Merkel et l’hégémonie néolibérale. La démocratie reprend ses droits, car les marchés ont imposé leur loi à la Grèce, à l’Italie.
Hollande devra gouverner en ayant à l’esprit les échecs de Zapatero et de Papandréou. J’espère qu’il ne décevra pas les Français et les Européens. J’ai été séduite également par Mélenchon, notamment par le fait qu’il affronte réellement l’ennemi avec un discours nouveau à la hauteur de l’enjeu et un programme réaliste, pragmatique.
La gauche n’a pas beaucoup de marge du fait des conséquences perverses de la mondialisation, de l’attitude des médias, qui soutiennent le capital. C’est important pour la gauche d’autant qu’elle avait même perdu la bataille de la créativité, de l’imagination.
La réponse à la question posée dénote un mélange d’espoir et de scepticisme quand à l’éventualité de voir « des solutions de Gauche » permettre une sortie de crise. Car, malgré son discours ambigu, cette intellectuelle nous laisse entendre clairement que pour Hollande, et donc pour Rajoy, la solution ne se trouve pas dans une politique inspirée par un Zapatero ou un Papandreou…..c’est à dire par des Socialistes….
« Qui n’entend qu’une cloche, n’entend qu’un son… »disait ma grand mère.
Pour se faire une idée plus objective des données du problème il faut écouter ceux qui, en Allemagne, résistent à l’idée de mettre la main à la poche, afin de permettre aux pays qui se sont habitués à vivre au-dessus de leurs moyens, de » poursuivre la fête »…
Demain, nous donnerons la parole à un économiste allemand, peu suspect de s’exprimer dans une approche « politicienne » des données de la crise, et qui se livre à une analyse factuelle et objective de la situation critique qui se trouve devant nous, en Europe, même si par un mélange d’inconscience et de démagogie, certains gouvernements s’efforcent d’occulter la gravité des problèmes à résoudre.