La dernière audience, celle qui a mis sur le gril l’ineffable Gergorin, a surtout été commentée , dans la presse, à partir des réponses du « prévenu » au Procureur Jean-Claude Marin.
Petit échantillon:
« – Monsieur Gergorin, vous êtes bien polytechnicien ???
– Oui, Monsieur le Procureur.
– Vous êtes bien énarque ??
-Oui.
– Ancien numéro trois d’EADS ???
– Oui.
– Les problèmes financiers ne vous sont pas étrangers ? Vous savez ce qu’est une chambre de compensation ?
– Je ne le savais pas. Je prenais pour argent comptant les informations que me donnait Imad Lahoud…
– Donc, vous, l’un des principaux cadres de l’un des premiers groupes industriels, ne savez pas ce qu’est une chambre de compensation ? Pourtant, autour de vous, on détermine assez vite que cette affaire ne tient pas debout… »
Cet interrogatoire met en évidence l’ignorance crasse de cadres de haut niveau, en ce qui concerne l’organisation du système bancaire et de ses organes de compensation internationaux.
Jean-Louis Gergorin ajoute:
« – à l’époque, je ne le savais pas. J’ai pris pour argent comptant les synthèses d’Imad Lahoud, jusqu’en Août 2004. »
Ainsi, donc, l’un des principaux acteurs de cette « bande dessinée », ignorait que Clearstream, organe de compensation interbancaire international, ne tenait pas de comptes de particuliers.
Les comptes gérés par cette institution sont ceux de Banques et autres organismes financiers, entre lesquels s’opérent des compensations, ce qui en clair veut dire que lorsqu’une banque devient débitrice d’une autre banque, elle même créditrice de la première, une compensation s’opère entre les comptes qu’elles ont ouvert au sein de Clearstream, sans transfert de fonds d’une banque à l’autre.
Le système est le même que celui qui permet, entre banques française, d’effectuer , en « chambre de compensation » placée sous la responsabilité et le contrôle de la Banque de France, des règlements en limitant les transferts de fonds entre elles.
Mais, il apparaît clairement que l’ignorance invraisemblable de la part d’un cadre de haut niveau d’une des premières entreprises industrielles européennes, mélée à l’incroyable propension aux fantasmes entretenus dans certains milieux, ignorants des règles élémentaires du fonctionnement du monde financier, fantasme accentué par le fait que Clearstream a son siège social au Luxembourg – un paradis aux portes de l’enfer -, a permis de faire « monter la mayonnaise » dans cette affaire rocambolesque.
On découvre à la lumière de cet interrogatoire surréaliste, que ceux qui se prenaient pour des corbeaux d’envergure n’étaient en fait que des pigeons de basse-cour…
Mais l’importance donnée par la Presse , à cet affrontement entre l’accusation et le « prévenu » Gergorin, a permis d’ecclipser un autre interrogatoire tout aussi important, celui de Dominique Baudis, entendu comme témoin, car il figurait, lui aussi sur la liste des personnes mentionnées, sans raison, dans le fameux « listing ».
En effet, Mr Baudis n’a pas manqué de relever des similitudes entre l’affaire Alègre montée de toutes pièces pour le « salir », et l’affaire Cleastream. Dans les deux affaires, des documents contenant des informations « fabriquées », contenues dans le dossier des juges d’instruction, parviennent mystérieusement dans certaines rédactions.
Ainsi, la Presse, dite « d’investigation », qui aurait dû avant « d’accomplir son devoir d’information », accomplir son « devoir d’authentification et de vérification de ses sources », avant de devenir » au motif de ne pas étouffer les affaires »( Baudis dixit ), un véhicule lancé à une vitesse incontrôlable, sur le chemin de la « calomnie », se transforme en une redoutable « machine à détruire ».
Ce « journalisme d’investigation » des caniveaux de la République, déja évoqué dans un de mes précédents billets, qui cherche souvent à s’ériger en contre-pouvoir, fonctionne lui-même sans « contre-pouvoir », avec comme seul frein, une déontologie qui a tendance à s’effriter en raison de la fureur des prises de positions partisanes.