« Oh ! Regardez le ciel! Cent nuages mouvants
Amoncelés là-haut sous le souffle des vents…. »
(Victor Hugo ).
Lorsque l’orage menace, à la tombée du soir, et qu’au loin, sur la mer, les nuages d’un gris sombre s’accumulent, les derniers rayons du soleil se font plus brûlants, et agressifs, ils nous infligent une morsure dont il faut se méfier.
Sur la plage, les baigneurs attardés s’ébrouent, entre deux baignades, puis retournent s’allonger sur le sable encore chaud. Il y a ceux qui ne songent qu’à se sécher avant de retourner à l’eau.
Mais il y a ceux qui doivent absolument repartir « bronzés »: on les reconnaît à leur couleur « pain d’épices ». Il s’exposent, consciencieusement, car ils sont venus ici avec un but : repartir avec cette couleur brune qui fait que, curieusement, lorsqu’ils reviendront à Paris, leurs amis, avec une pointe d’envie, leur infligeront ce compliment qui les dédommage de tout ce mal qu’ils se sont donné pendant leur vacances: « quelle belle mine !!! où as-tu passé tes vacances ??? »….
Soudain, alors que les nuages noirs se sont rapprochés, un éclair déchire le ciel, suivi en quelques secondes, d’un grondement menaçant.
Soudain, la mer a changé de couleur. Car il y a toujours eu, entre le ciel et la mer, une complicité qui confine au mimétisme. D’un bleu profond, aux accents d’indigo, la mer a viré au vert de gris, pendant que le souffle du vent qui pousse les nuages vers la terre, soulève les premières vagues qui déferlent vers la plage désertée…
Une lumière crépusculaire s’est abattue sur la côte. Le ciel s’est brusquement assombri, alors qu’un quart d’heure plus tôt le soleil parvenait encore à percer les nuages de ses rayons.
Nous n’aurons pas le temps de contempler les « moutons » qui se multiplient sur la crête des vagues que fouette furieusement le vent violent qui s’est levé et qui pousse l’orage vers nous.
La pluie s’abat bruyamment sur la côte, en grosses gouttes, qui en peu de temps, vont réveiller les parfums endormis par la chaleur: un cocktail d’odeurs bienfaisantes envahit l’atmosphère et remplis nos poumons d’aise. Les romarins, les jasmins, les ibiscus, les lauriers, les roses et toutes ces plantes, aux arômes puissants et singuliers qui font que l’on sait qu’ici, on est au bord de la Méditerranée, toutes ces plantes s’en donnent à coeur joie. Elles embaument l’air et leurs parfums se mélangent à l’odeur de terre mouillée qui accompagne la pluie dans une symphonie qui s’empare de nos narines et qui semble obéir à la baguette d’un génial parfumeur….
Un baigneur, courageux s’est mis à courir sur le sable déjà mouillé et s’est jeté à l’eau, dans un plongeon spectaculaire, en poussant un cri jubilatoire: la mer, malgré l’orage, est encore chaude en cette fin de Septembre. Irrésistiblement je pense au « Gribouille » de nos livres de lectures enfantines, qui se jetait à l’eau pour échapper à la pluie…
Mais cela devient sérieux . Il faut battre en retraite et s’abriter. Une table de bistrot nous tend les bras, sous un toit rassurant : de là, en savourant une bière bien fraîche, nous allons pouvoir contempler le spectacle de cette nature qui, ce soir, a choisi ce bord de mer pour « faire son numéro ». Le tonnerre, les éclairs, la pluie qui tombe à verse, tout cela n’est pas si fréquent ici.
Cela mérite un moment de contemplation, face à cette nature menaçante.
Une nature qui, après tant de mois de calme ensoleillé, se déchaîne ce soir, et se défoule, dans une grisaille qui ne durera pas…..
Car ici, « le maître du Temps qu’il fera », c’est « le Vent ».
Dans un instant, il se lèvera et remettra les choses en bon ordre. Les gros nuages noirs l’ont compris, qui s’enfuient déjà, abandonnant derrière eux des traînées de gouttes de plus en plus éparses.
Sur la plage déserte, les mouettes et les goélands ont reconquis leur territoire sur les baigneurs. Leurs cris couvriraient presque le bruit des vagues. Ce bruit familier qui donne envie de fermer les yeux et de se laisser bercer…
Au loin, le tonnerre gronde. Mais l’orage est passé…. C’est un nouvel Automne qui s’annonce.