Crimée, châtiment….


crime chatiment

Ce billet n’est pas un plaidoyer en faveur de Poutine dont le regard de serpent me glace, mais plutôt une charge contre l’angélisme de la diplomatie occidentale.

Car l’issue de la confrontation entre Obama, Merkel et Hollande d’une part, et Poutine de l’autre, était prévisible : déroute en rase campagne de nos « diplomates » derrière un rideau de rodomontades sans effet, face à la détermination de Poutine.

On dit que Roosevelt, fort de son expérience de Yalta, où, malade et affaibli, il dut affronter un Staline au sommet de son art de dictateur soviétique, avait coutume de dire à peu près ceci: « en diplomatie il faut parler à voix basse, avec un gros bâton caché derrière son dos ».

Nos diplomates ont fait le contraire: ils ont parlé fort, et menacé un Poutine impavide, alors qu’ils n’avaient qu’un tout petit bâton caché derrière leur dos….

Car nos technocrates européens, poussés par la boulimie qui les pousse à repousser sans cesse les frontières de l’Europe,- sans jamais consulter le peuple européen sur leurs intentions –  ont joué avec le feu.

Forts de l’expérience de l’adhésion des pays Baltes à l’Europe, accéptée bon an, mal an par Poutine, ils ont cru pouvoir recommencer avec l’Ukraine, sans mesurer les enjeux d’une telle tentative.

Car il n’était pas nécessaire de sortir de « Sciences Po » pour anticiper la réaction de la Russie, face à la perspective de voir l’ombre de l’OTAN s’approcher dangereusement de ses frontières.

Il suffisait de feuilleter le vieux « Mallet et Isaac », qui fut le manuel d’Histoire de ma génération, et de relire le chapitre sur « l’Histoire de la Russie des Tsars », pour se remémorer ce que peu de médias ont eu le mérite de rappeler:

– L’Ukraine a toujours fait partie de l’Empire des Tsars, et la Crimée appartenait à la Russie depuis plus de quatre siècles.

– La presqu’île de Crimée et le port de Sébastopol sont depuis 150 ans la porte ouverte de la Russie vers les mers chaudes via la Méditerranée et le canal de Suez. C’est dire l’importance stratégique de ce morceau d’Ukraine pour une Russie qui n’a pas renoncé à sa place parmi les grandes puissances, dans ce monde multipolaire dont la « mondialisation » a enfanté.

La Crimée est donc russe depuis toujours, et on peut comprendre le désir de ses habitants, profondément attachés à leurs racines, de ne pas se voir séparés, à jamais, d’une Russie qu’ils considèrent comme leur « mère-Patrie ».

Notre culture d’Européens attachés au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, devrait nous inciter à accepter le droit à « l’autodétermination » des habitants de Crimée. Au nom de ces mêmes principes, et de la tolérance dont bénéficient, chez-nous, les horreurs de l’époque stalinienne, personne, parmi tous ceux qui, au cours des dernières semaines, se sont exprimés sur le destin de la Crimée, n’a osé dénoncer le scandale qui a abouti à la séparation entre la Crimée et la Russie.

« Les Russes auraient juridiquement donné la Crimée à l’Ukraine, disent nos Tartuffe. Russe, la Crimée l’est, depuis quatre siècles. Majoritairement fière d’être l’enfant du tsar Pierre le Grand. De ce tsar, passionnément européen, qui avait contraint les Russes à s’habiller à la française et sa cour à parler français. De ce tsar qui avait défait les Tatars sunnites de Crimée pour trouver l’indépendance stratégique que ni la mer Blanche, ni la mer d’Azov, ni la mer Noire ne pouvaient lui donner. Et sa capitale Sébastopol, fondée par la tsarine Catherine II, bat d’un cœur russe. » (Yves Roucaute (Philosophe, écrivain, professeur à l’université Paris-X Ouest, auteur d' »Eloge du mode de vie à la française » (Ed. du Rocher ).Fin de citation.

Le don de la Crimée à l’Ukraine décidé dans l’euphorie d’un abus de vodka par Nikita Kroutchev, sans consultation des populations intéressées, fut un scandale qui n’a rien à envier aux découpages géographiques de notre période coloniale, lorsque les soviétiques dénonçaient « l’impérialisme occidental »….

Ce « don » qui, à l’époque, n’a soulevé aucune réaction dans une Europe où le Communisme n’était pas encore discrédité, et où, à partir de la Russie soviétique, le Kremlin régnait sur un empire sans frontières, serait dénoncé aujourd’hui par toutes les « belles âmes » de la planète, et la France, dans ce domaine, n’est pas trop mal pourvue…

Au fond, tout s’est passé comme si de Gaulle avait décidé de « rendre » la Corse à l’talie…..

C’était, rappelons le, l’époque où l’on considérait, au Kremlin, que tout ce qui appartient à l’empire soviétique est intouchable par l’Occident. Par contre, tout le reste est « négociable »….

J’ai eu plus d’une fois l’occasion  de rappeler à tous ceux dont la mémoire de cette époque est défaillante que les Communistes français, obéissant aux « ordres de Moscou », combattaient la politique coloniale de la France, et ce faisant, masquaient derrière un rideau de fumée ce qui se passait derrière le rideau de fer, dans « l’Empire Colonial Soviétique »dont ils étaient intellectuellement les complices…..

Tout cela, nos « diplomates » auraient dû le savoir avant de se laisser embarquer sur le bateau ivre d’un Obama naviguant dans un brouillard d’incohérences, ces incohérences aux quelles les Américains nous ont accoutumés, dès lors qu’il s’agit des affaires de l’Europe ou de l’Afrique aux quels ils ne comprennent pas grand chose….

Car, après avoir bombardé la Serbie pour la mettre à genoux et l’obliger à accepter de se séparer du Kosovo peuplé en majorité de musulmans, un Kosovo considéré par les Serbes comme le berçeau de la Serbie, après que seul le peuple Kosovar ait été consulté par référendum, en ignorant les sentiments du peuple serbe, et après avoir répété la même opération pour la Macédoine, comment refuser à la Crimée ce qui a été voulu par la « Communauté Internationale » dans des situations comparables, et ce malgré le véto Russe au Conseil de Sécurité ???

Lire, ou relire à ce sujet, mon billet intitulé: https://berdepas.wordpress.com/2009/05/28/kosovo-limposture/

Il est plus qu’évident que Poutine ne manquera pas une occasion de rappeler aux occidentaux cet épisode peu glorieux de l’Histoire européenne récente. L’annexion de la Crimée, est, à ses yeux, le châtiment de nos « erreurs » passées, et du sort que nous avons fait subir, sous Mitterrand, à nos vieux alliés serbes, qui sont, rappelons-le, pour les Russes, un peuple-frère de religion orthodoxe.