ô Méditerranée… ( suite ).


Tipaza

J’aurais pu évoquer bien d’autres rencontres, tout aussi  inattendues : chacune d’elles est inscrite, dans ma mémoire, comme un moment chaleureux d’échange de souvenirs partagés, qui font revivre, sans amertume, les moments forts de notre jeunesse….

Ainsi, j’ai rencontré, au cours d’une mission, au Liban, un compatriote algérois membre du Corps Consulaire, avec lequel j’ai sympathisé, et qui m’a fait découvrir Beyrouth, encore en ruine après des années d’une guerre civile intercommunautaire atroce. Beyrouth et ses restaurants populaires…. Je me souviens de l’évocation, devant un plat de rougets et de langoustines, de nos souvenirs de pêche sous-marine en Algérie….

Julien avait connu, comme moi, les nuits passées avec quelques copains, à la belle étoile,  sur le sable de la plage du Chenoua, (qui sera plus tard ensanglantée par un cruel attentat),  afin d’être fin prêt  pour être à l’eau  dès l’aube, vêtus de notre combinaison sous-marine, à la recherche du mérou mythique dont tous les pêcheurs qui connaissaient le coin parlaient sans l’avoir jamais vu.

Nous évoquions les parages de ces lieux mythiques qu’Albert Camus a  immortalisés. Car à l’époque dont je parle,  il fallait transpirer pour arriver jusqu’aux ruines romaines de Tipaza, non loin de la plage du Chenoua : il fallait crapahuter entre des éboulis de rocaille, sous une chaleur estivale, parmi les ronces, les touffes de câpriers en fleurs, mais aussi, entre deux lignes de figuiers de barbarie aux épines menaçantes, en respirant le parfum enivrant des bouquets de lavande et de thym sauvage.

Au fur et à mesure de l’évocation de ces souvenirs, d’autres détails nous reviennent en mémoire : mon interlocuteur évoque le chant strident des cigales qui déchire le silence des lieux. Je lui réponds en évoquant le souvenir des lézards minuscules et fragiles,  immobiles sur les pierres romaines,  sous un soleil brûlant, dont les lourdes  paupières battent au rythme du petit cœur que l’on devine sous la peau du ventre…..

Puis nous nous souvenons avec la même émotion du moment où, après une dernière course, entre deux rangées de ruines, nous plongeons, enfin dans la mer, si bleue, pour jouir du plaisir de la fraîcheur bienfaisante, et du privilège de nager seuls, en ces lieux  sauvages, sans même songer un instant à célébrer l’antique présence de ces pierres, témoins d’une civilisation romaine dont les traces sont partout autour de notre Méditerranée.

Car de Mycènes, en passant par Thèbes, partout des pierres massives sur lesquelles le Temps a inscrit sa marque, sont là pour témoigner de ce que notre Méditerranée a souvent divisé ses riverains, mais ne les a jamais séparés à jamais. Et l’Histoire, la solennelle Histoire, celle que l’on n’enseigne plus que parcimonieusement aujourd’hui, est là, partout, pour nous rappeler que les rivages de notre Méditerranée n’ont jamais cessé de changer de domination. Que si l’Italie du Sud fut espagnole, n’oublions pas que les Aragonais régnèrent sur le Languedoc, sur la Sicile, Naples, la Sardaigne et la Corse. Que le roi d’Aragon a repris plusieurs fois les Baléares aux Maures, et que ceux-ci avant d’être colonisés, furent des colonisateurs….

Plonger dans ces eaux chargées d’Histoire, en des lieux demeurés sauvages, procure à celui qui en a eu le privilège, et qui en a gardé le souvenir, des émotions intenses. Nager parmi les pierres romaines, en observant les girelles aux couleurs vives, les sards étincelants, les bancs d’oublades et de « tchelbines » et les corbs aux couleurs brunes se glissant entre deux roches où des colonies d’oursins s’étalent à leur aise, c’est un spectacle qui a émerveillé ma jeunesse et que je conserve comme un souvenir précieux et intact.

Car la Méditerranée, si on la respecte, ce qui est de moins en moins le cas, est capable d’offrir à ceux qui l’aiment des trésors de souvenirs sous-marins….

( à suivre )

3 réflexions au sujet de « ô Méditerranée… ( suite ). »

  1. Les souvenirs que je croyais enfouis, avec cet article ont ressurgi, j’ai regardé avec nostalgie des vieilles photos…
    Le cabanon et la petite plage du Chenoua, où les jeunes se baignaient sans idéologie, ses oursins, Monsieur Ahmed, le facteur, qui sortait ses médailles militaires françaises sous sa veste le 14 juillet, des méchouis accompagnés de Lismara, des cigales de mer, les pieuvres pêchées et les tortues qui se promenaient dans le Chenoua avec ses quelques grottes préhistoriques, la route côtière de Cherchell…
    Fini tout ça…

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  2. OUI…j’adore vous lire ,j’aime mon ESPAGNE , VALENCIA ,ou un jours je reposerais ,avec tout ceux que j’aime ,le plus tard possible ,Mon épouse ,aime CLAMART ,TOULON ,VALENCIA , pour ce qui me concerne, je serais bien rester a Valencia ,Remarquer, sur le plan politique, c’est pas mieux qu » en FRANCE mais nous……somme heureux , et c’est cela qui compte

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