Zemmour, Houellebecq, avec ou Sansal ???


BoualemBoualem Sansal est un écrivain algérien,  romancier et essayiste, censuré dans son pays d’origine à cause de ses positions très critiques envers le pouvoir en place. Il vit néanmoins toujours en Algérie, considérant que son pays a besoin de la présence des artistes pour ouvrir la voie à la paix et à la démocratie.

Boualem Sansal fait partie des écrivains algériens dont j’ai toujours suivi le travail d’écriture, et ce, depuis de nombreuses années. C’est un écrivain courageux, – ils ne sont pas légion à l’époque où, partout, le « politiquement correct » envahit l’édition -,et ses prises de positions lui ont valu d’être limogé du poste de Haut Fonctionnaire au Ministère de l’Industrie algérien.

Ce diplômé de l’Ecole Nationale Polytechnique d’Alger, titulaire d’un Doctorat en économie, s’est consacré depuis à l’écriture et on lui doit une oeuvre abondante, et de nombreux ouvrages, interdits de publication en Algérie, ont été sanctionnés par des Prix Littéraires, en France et en Europe.(1)

Le dernier ouvrage que j’ai lu de lui m’avait passionné. J’y retrouvais l’expression de sentiments, des révoltes que j’avais moi-même éprouvés, de l’autre côté de la barrière qui s’était dressée entre nous, depuis que la terreur dressait nos deux communautés l’une contre l’autre…. « Rue Darwin », pour lequel il avait reçu le Prix du Roman Arabe, est l’histoire d’une famille prise dans la guerre d’Algérie. Dans ce livre, le personnage de Yaz est, en fait, une projection de Boualem Sansal lui-même. A noter que la rue Darwin, à deux pas de chez moi, dans un quartier populaire, est une rue où l’auteur a vécu dans son enfance, tout près de la maison où a vécu la famille d’Albert Camus.

Boualem Sansal

Ce petit rappel destiné à « situer » Boualem Sansal, l’un des meilleurs écrivains algériens de langue française de sa génération, permet de mesurer l’impact qu’aura le brûlot qu’il vient de publier, et dont je doute qu’il reçoive un accueil chaleureux des médias français.

Car dans ce livre, il développe exactement la même thèse que celle qu’on défendue  Zemmour et Houellebecq : selon lui, l’Europe, tétanisée par la peur, ligotée par ses propres « valeurs », passera sous contrôle islamique autour de 2084 !!!

Je n’ai pas encore lu cet ouvrage, qui vient de sortir et que je vais tenter de me procurer. Mais d’ores et déjà, on trouve, dans la Presse algérienne, les premières réactions qu’il suscite. Je vous en laisse juge:

http://www.elwatan.com/culture/nouveau-roman-de-boualem-sansal-l-islamisme-prendra-le-pouvoir-en-europe-en-2084-20-08-2015-301903_113.php

Je cite:

« La mondialisation va conduire l’islamisme au pouvoir dans une cinquantaine d’années, notamment en Europe, prédit l’écrivain algérien Boualem Sansal qui publie 2084, un roman terrifiant inspiré du chef-d’œuvre de George Orwell 1984.
Orwell a fait une très bonne prédiction et on y est toujours», observe dans un entretien à l’AFP l’écrivain de 66 ans qui réside dans la petite ville côtière de Boumerdès, à une cinquantaine de kilomètres à l’est d’Alger.
Selon lui, «les trois totalitarismes imaginés par Orwell (l’Océania, l’Eurasia et l’Estasia) se confondent aujourd’hui dans un seul système totalitaire qu’on peut appeler la mondialisation».
«Nous sommes gouvernés par Wall Street», résume Boualem Sansal. Mais «ce système totalitaire qui a écrasé toutes les cultures sur son chemin a rencontré quelque chose de totalement inattendu : la résurrection de l’islam», analyse l’écrivain qui se dit «non croyant».
«Dans mon analyse, c’est le totalitarisme islamique qui va l’emporter parce qu’il s’appuie sur une divinité et une jeunesse qui n’a pas peur de la mort, alors que la mondialisation s’appuie sur l’argent, le confort, des choses futiles et périssables», juge le créateur de Abi (Père), le «Big Brother» islamique, délégué de «Yölah» sur Terre.
Si 2084, un roman écrit en français qui sort jeudi en France chez Gallimard, est une œuvre de pure invention, Boualem Sansal estime que «la dynamique de la mondialisation musulmane se met en place». « Le terrain à observer est l’Europe ».
Après le monde arabe et l’Afrique, l’islamisme se propage aussi en Occident avec une présence physique de plus en plus visible de barbus, de femmes voilées et de commerces halal», décrit-il. L’écrivain Michel Houellebecq, souligne-t-il, a «fait» la même analyse dans son roman Soumission, où il imagine la France de 2022 gouvernée par un parti musulman.
«Les Européens se trompent»
Dans 2084, Sansal imagine un pays, l’Abistan, soumis à la cruelle loi divine d’un dieu qu’on prie neuf fois par jour et où les principales activités sont d’interminables pèlerinages et le spectacle de châtiments publics. «La peur de Dieu sera plus forte que celle des armes» et «les gens pourront vivre de peu. Ils auront juste besoin de mosquées pour prier, par conviction ou par peur», résume l’écrivain, dont les propos rappellent le projet mis en œuvre par le groupe djihadiste Etat islamique en Irak et en Syrie.
Pour l’auteur du Serment des barbares, les Européens «se trompent sur l’islamisme comme ils se sont trompés sur le communisme» et sous-estiment la menace. Notamment à cause de l’autocensure sur la montée de l’islamisme, qui «tue le débat» alors que «le débat c’est comme une plante : si on ne l’arrose pas par la contradiction il disparaît».
M. Sansal laisse cependant poindre une note d’espoir en soulignant que «tous les systèmes totalitaires s’effondrent». «Après le règne de l’islamisme, il y aura une nouvelle mondialisation mais je ne sais pas sous quelle forme», présume-t-il. Imaginant le sort de son propre pays en 2084, il reste sombre. «Je ne sais même pas si l’Algérie existera en 2084 sous la forme d’un pays moderne relativement administré» car «la fin du pétrole va la conduire dans une situation indescriptible».
L’écrivain, honni tant par les islamistes que par le régime, juge par ailleurs «terrifiant» le flux des migrants algériens vers l’Europe et l’Amérique du Nord. «L’émigration est un vrai drame. Elle touche les riches, les hyper-diplômés.
Quand elle atteint un certain seuil en volume, cela veut dire que le pays ne peut être sauvé». Boualem Sansal est jusqu’à présent resté en Algérie, où cet économiste a mené une longue carrière de fonctionnaire, en se souvenant que son pays «était très agréable à vivre» lorsqu’il avait lui-même «entre 20 et 30 ans». «Après, je n’ai jamais ressenti un besoin suffisamment fort pour me dire : ‘‘Je fais mes valises, je m’en vais’’. J’ai toujours eu la possibilité de voyager. Je peux émigrer à n’importe quel moment». AFP

On ne peut rester indifférent ou traiter par le mépris la thèse d’un Boualem Sansal. Certes, ceux qui ont déchaîné leurs critiques, parfois très en dessous de la ceinture, contre le succès « nauséabond » et « rance » des oeuvres récentes de Zemmour et de Houellebecq, vont être alertés.

Mais ce livre est écrit par un Arabe, un Musulman algérien. Il échappe aux soupçons de parti pris plus ou moins raciste dont on a accusé les deux auteurs français. Le « Padamalgam » va probablement être appelé en renfort….

Il sera intéressant de suivre l’accueil que lui réservera la critique française, particulièrement partisane, dont les minables petites lâchetés se cachent derrière des pseudo-sentiments « humanistes », et qui déteste les oeuvres qui vont à l’encontre de la doxa médiatique actuelle….

 (1).- Distinctions reçues par l’oeuvre de Boualem Sansal.

prix du premier roman
prix Tropiques
prix Michel-Dard
grand prix RTL-Lire
grand prix de la francophonie
prix Nessim-Habif
prix Louis-Guilloux
prix Édouard-Glissant
prix de la paix des libraires allemands
prix du Roman arabe
chevalier des Arts et des Lettres (2012), Grand prix de la francophonie de l’Académie française (2013), Grand prix du roman de la Société des Gens de Lettres (2008), Médaille d’Or de la Renaissance française (2014),

Docteur Honoris Causa de l’Ecole normale supérieure de Lyon (2013)