Repentance ???


Lavisse bouquins

Il fut un temps, dans ma période parisienne, où j’écumais les bouquinistes à la recherche de ce que je considérais comme de vieilles pépites.

Ma passion pour l’Histoire orientait alors ma curiosité vers les vieux bouquins de l’époque coloniale consacrés le plus souvent, à l’exaltation de « l’œuvre civilisatrice de la France » ou vers de vieux livres scolaires consacrés à l’enseignement de l’Histoire de France.

J’ai acquis ainsi, petit à petit, une collection de Manuels d’Histoire de Lavisse, un historien qui connut son heure de gloire scolaire, ainsi que bon nombre de Manuels, recouvrant pratiquement tous les parcours des études secondaires, que les anciens reconnaîtront assurément, dûs au talent pédagogique du « binôme » Mallet et Isaac.

Feuilleter de temps à autres ces ouvrages constitue pour moi la source d’un vrai bonheur mélangé à un brin de nostalgie: ceux de mon âge ont connu, sans doute, cette génération d’enseignants en voie de disparition que l’on a parfois considérés comme « les Hussards de la République »qui avaient sur notre Histoire une vision infiniment moins culpabilisatrice que celle des enseignants d’aujourd’hui !!!

Il est clair que la façon dont on raconte aujourd’hui l’Histoire a beaucoup évolué depuis la fin du XIXème siècle et le début du XXème.

Entre-temps, la meule du « politiquement correct » est passée par là, et l’on trouve dans ces vieux manuels des formulations, voire des évocations qui ne seraient plus tolérées aujourd’hui au risque de transformer certains cours d’Histoire en Foires d’empoigne….

C’est ainsi qu’au détour du Tome II d’un Lavisse en 9 Tomes intitulé « Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution, » Paris, Hachette, 19001911Tallandier), (1re éd. 1900) , je tombe sur une série de chapitres consacrés à une période de notre Histoire sur laquelle les Manuels d’aujourd’hui sont devenus silencieux….Ce tome est intitulé : « Tome II/1: Charles Bayet, Arthur Kleinclausz et Christian Pfister, Le Christianisme, les Barbares ; Mérovingiens et Carolingiens, 1903, 444 p. »

Au chapitre des « Barbares »( 1 ) je tombe en arrêt sur un long texte, en annexe, consacré aux Maures dont je reproduis ici quelques extraits:

« Les musulmans sont entrés pour la première fois en 714 dans ce qui était la France de l’époque. Ils se sont emparés de Narbonne, qui est devenue leur base pour les 40 années suivantes, et ont pratiqué des razzias méthodiques.

Ils ont ravagé le Languedoc de 714 à 725, détruit Nîmes en 725 et ravagé la rive droite du Rhône jusqu’à Sens. En 721, une armée musulmane de 100.000 soldats mit le siège devant Toulouse, défendue par Eudes, le duc d’Aquitaine.

Charles Martel envoya des troupes pour aider Eudes. Après six mois de siège, ce dernier fit une sortie et écrasa l’armée musulmane, qui se replia en désordre sur l’Espagne et perdit 80.000 soldats dans la campagne.

On parle peu de cette bataille de Toulouse parce qu’Eudes était mérovingien. Les Capétiens étaient en train de devenir rois de France et ne souhaitaient pas reconnaître une victoire mérovingienne.( ! )

Les musulmans ont conclu alors qu’il était dangereux d’attaquer la France en contournant les Pyrénées par l’est, et ils ont mené leurs nouvelles attaques en passant à l’ouest des Pyrénées :15.000 cavaliers musulmans ont pris et détruit Bordeaux, puis les Pays de la Loire, et mis le siège devant Poitiers, pour être finalement arrêtés par Charles Martel et Eudes à vingt kilomètres au nord de Poitiers, en 732.

Les musulmans survivants se sont dispersés en petites bandes et ont continué à ravager l’Aquitaine. De nouveaux soldats les rejoignaient de temps en temps pour participer aux pillages.

Ces bandes n’ont finalement été éliminées qu’en 808, par Charlemagne.

Les ravages à l’est ont continué jusqu’à ce qu’en 737 Charles Martel descende, au sud, avec une armée puissante, et reprenne successivement Avignon, Nîmes,  Maguelone, Agde, Béziers et mette le siège devant Narbonne.

Cependant, une attaque des Saxons sur le nord de la France obligea Charles Martel à quitter la région.

En 759 enfin, Pépin le Bref reprit Narbonne et écrasa définitivement les envahisseurs musulmans. Ces derniers se dispersèrent en petites bandes, comme à l’ouest, et continuèrent à ravager le pays, notamment en déportant les hommes pour en faire des esclaves castrés, et les femmes pour les introduire dans les harems d’Afrique du Nord, où elles étaient utilisées pour engendrer des musulmans.

La place forte des bandes se situait à Fraxinetum, l’actuelle Garde-Freinet (le massif des Maures). Une zone d’environ 10.000 kilomètres-carrés, dans les Maures, fut totalement dépeuplée.

En 972, les bandes musulmanes capturèrent Mayeul, Abbé de Cluny, sur la route du Mont Genèvre. Le retentissement fut immense. Guillaume II, comte de Provence, passa 9 ans à faire une sorte de campagne électorale pour motiver tous les Provençaux, puis, à partir de 983, chassa méthodiquement toutes les bandes musulmanes, petites ou grandes. En 990, les dernières furent détruites. Elles avaient ravagé la France pendant DEUX SIÈCLES.

La pression musulmane ne cessa pas pour autant. Elle s’exerça pendant les 250 années suivantes par des razzias effectuées à partir de la mer.

Les hommes capturés étaient emmenés dans des camps de castration en Corse, puis déportés dans les bagnes du Dar al islam, et les femmes d’âge nubile dans les harems. Les repaires des pirates musulmans se trouvaient en Corse, Sardaigne, Sicile, sur les côtes d’Espagne et celles de l’Afrique du Nord.

 Toulon a été totalement détruite par les musulmans en 1178 et 1197, les populations massacrées ou déportées, la ville laissée déserte.

Finalement, les musulmans ayant été expulsés de Corse, Sicile, Sardaigne, du sud de l’Italie et de la partie nord de l’Espagne, les attaques sur les terres françaises cessèrent mais elles continuèrent sur mer par des actions de pirateries.

Ce n’est qu’en 1830 que la France, exaspérée par ces exactions, se décidera à aller en Algérie détruire définitivement les dernières bases des pirates musulmans.

Ce fut l’origine de notre implantation en Afrique du Nord .« 

( Fin de citation ).

On est bien loin de la version édulcorée qui nous sera enseignée plus tard, selon laquelle l’origine de la conquête de l’Algérie se trouvait dans une ridicule histoire de « coup d’éventail » asséné par le Bey d’Alger de l’époque à notre Ambassadeur !!!

Il est clair, à mes yeux, que si la France devait un jour faire acte de repentance pour avoir sorti l’Algérie de l’obscurité de son Histoire, il ne serait pas inutile de rappeler – et de comptabiliser – les épisodes ci-dessus de notre Histoire commune, au sujet desquels les « Historiens officiels » de notre épisode algérien sont bien discrets….

Djamel Debouze, – l’inénarrable humoriste pour « les Nuls » – a coutume de dire dans quelques uns de ses sketches que l’Islam est présent en France depuis 3.000 ans !!!

Au fond, il ne se trompe que de quelques 2.000 ans, et se garde bien d’évoquer « l’œuvre civilisatrice » de l’Islam dans nos provinces….

On ne nous dit pas tout ….

Car évoquer les pages sombres de nos rapports avec cette religion de conquête qu’est l’Islam, … cela n’est pas correct, « politiquement » !!! N’est-ce pas ???

( 1 ).- « Les Barbares » sont le nom dont dont « les anciens » avaient affublé les populations vivant en Afrique du Nord. Ce nom provient de la déformation du mot « Berbères », alors que les invasions dont il est question dans ce livre concernent principalement « les Arabes », qu’il ne faut pas confondre avec les Berbères.

PS : Le Christianisme, les Barbares, Mérovingiens et Carolingiens, en collaboration avec Charles Bayet et Christian Pfister, dans : Ernest Lavisse, Histoire de France des origines à la Révolution, tome II, 1re partie, coll. « Monumenta historiae », Paris, 1903 (réimpression : Tallandier, Paris, 1981, 466 p.