Jean-Jacques Rousseau et le « totalitarisme snob »….


Jean-Jacques_Rousseau

L’irruption soudaine de Macron sur la scène politique, son affirmation d’une volonté de pouvoir d’inspiration « jupitérienne », m’a incité à revenir à la lecture des œuvres de J-J Rousseau. Ce penseur qui fut, à mes yeux, l’un des grands inspirateurs du mouvement révolutionnaire, est, si on le lit attentivement, un auteur aux idées corrosives véhiculées sous une fausse naïveté, dans des œuvres au caractère « bucolique »dont la postérité ne semble avoir retenu que les pages « qui font rêver »….

Une lecture attentive du « Contrat Social », de « La Nouvelle Héloïse », des « Rêveries du Promeneur solitaire »  – ou même de « l’Émile » qui donne à l’éducateur un pouvoir immense sur la construction intellectuelle de son élève – , ne tarde pas à révéler l’idée qui traverse toute l’œuvre de Rousseau, à savoir que « l’Homme est bon, naturellement bon, mais que c’est la Société qui le corrompt », idée qui est à la racine de toute inspiration révolutionnaire et du désir permanent des « socialistes » de réformer la « société » pour la rendre conforma à leur conception de « l’Homme nouveau »….

J’ai évoqué dans un billet déjà ancien, les difficultés auxquelles j’ai été confronté, jeune lycéen, pour avoir dans une dissertation traitant du classique sujet littéraire auquel des générations d’élèves ont été confrontées : la comparaison entre l’oeuvre de Voltaire et celle de Rousseau est une source inépuisable de controverses auxquelles je n’ai pas échappé, au Lycée, en classe de Littérature.

https://berdepas.com/2009/03/18/voltairien-je-suis/

Encore bien jeune, et à cette époque, éloigné de toute conviction politique, j’avais commis, aux yeux d’un excellent professeur de littérature, qui ne cachait pas, lui, son engagement au Parti Communiste et ses idées marxisantes, – ( c’était l’époque où les Communistes régnaient sans partage sur la vie intellectuelle du pays ) – l’invraisemblable erreur de suspecter Rousseau de véhiculer des idées de nature à inspirer une forme « d’autoritarisme populaire » qui sera désigné plus tard sous le vocable de « totalitarisme ».

La place que Rousseau donne aux antagonismes sociaux créés par la division des tâches dans le monde moderne, et, selon lui, par la propriété privée, en fait également un précurseur du marxisme. Pourtant, Marx ne cite que très peu Rousseau. Quand il se réfère à la partie du chapitre 7 du livre II du Contrat social, c’est de façon négative pour noter que c’est « un excellent tableau de l’abstraction bourgeoise ».

En fait, Karl Marx reproche à Rousseau de ne pas assez valoriser l’antagonisme des rapports sociaux.

Pour éviter que le choc de nos libertés ne nous place à chaque instant sous la menace d’autrui, Marx considère que la  fatalité irréversible des antagonismes sociaux nous contraint à  apprendre à « vivre ensemble »et à « accepter l’autre comme nous-mêmes ». Rousseau propose, lui, une autre définition du contrat social: il faut que chacun d’entre nous reconnaisse la décision publique comme sa propre décision. Ainsi, en obéissant à la loi commune, nous n’obéirons qu’à nous-mêmes, et nous pourrons continuer de nous trouver aussi libres qu’avant !!!

Nous nous interdisons ainsi de contester, et encore plus de combattre, toute décision collective ce qui, en soi, est un renoncement à nos libertés individuelles …

Par là, Rousseau se montre, bien sûr, tel un précurseur de la Révolution française, dont il est, à n’en pas douter, l’un des plus grands inspirateurs.

En découle, selon moi,  le fait que cette conception de la Société asservit l’Homme. Une fois qu’il s’est fondu dans le tout, il n’existe plus en tant que personne. Le tout, c’est à dire le Parti ou l’État quand celui ci est « confisqué » par un Parti unique,, peut tout sur l’individu, qui lui a délégué ses pouvoirs. Toute désobéissance au Parti ou à la loi, est punie de mort civile quand ça n’est pas de mort tout court dans les pires régimes totalitaires. C’est la fin du « libre arbitre »cher à toute conception libérale de la société.

Ainsi, la voie est ouverte aux Saint-Just, aux Robespierre, et à tous les idéologues révolutionnaires qui leur ont succédé dans d’utopiques et sanglantes entreprises .

C’est par ce chemin que l’on peut, sans voir venir le danger, glisser soudain de la conception « jupitérienne » du pouvoir « macronique », qui tend à ressembler à un nouveau totalitarisme « soft », d’inspiration bourgeoise, un tantinet élitiste et snobinard, vers la conception « mélenchonienne »du pouvoir, d’inspiration rousseauiste, foncièrement « populiste », qui se rapproche de la « dictature du prolétariat » chère aux marxistes et dont Rousseau fut, sans aucun doute, l’un des inspirateurs naïfs et « généreux »….

La « Grande Aventure », quoi !!!

C’est pourquoi je continue à croire qu’une une société a besoin de structures qui rassurent par leur stabilité : famille, commune, région ou nation pour assurer sa survie. De même que toute société a besoin de repères identitaires solides pour assurer sa stabilité et maintenir sa cohésion.

Dans un monde devenu incertain, où pèsent de lourdes menaces, l’homme européen se sent vulnérable face à des dangers que ni Rousseau, ni Marx n’ont imaginés: les menaces climatiques, la perspectives de grandes migrations dont nul ne sait comment elles pourront être maîtrisées, la montée des risques de conflits armés qui se multiplient, le sentiment d’inquiétude, qui fait douter de la capacité de nos dirigeants à les maîtriser, tout cela n’incite pas à faire confiance , à terme, à ceux qui se bercent de l’idée salvatrice d’une fuite en avant au nom de ce qu’ils croient être « le nouveau monde », à la recherche désespérée de « l’Homme nouveau ».

Refusant de savoir d’où ils viennent, ils partent à la recherche d’un monde dont ils ignorent s’il peut encore laisser une petite place aux « bisounours »….

Sous Mitterrand circulait une blague qui le comparaît à Christophe Colomb qui lorsqu’il s’est embarqué pour les Amériques, ne savait pas où il allait. Lorsqu’il est arrivé, il ne savait pas où il était, pas plus qu’il ne savait quand ni comment il reviendrait. Mais tout cela n’avait pas d’importance, puisque le voyage ne lui avait personnellement rien coûté !!!

J’ai refermé, ce soir, ma vieille édition du « Contrat Social », avant d’aller me coucher, convaincu, une fois encore, que seul un libéralisme équilibré, respectant à la fois le besoin de Justice et la nécessaire défense des structures sociales héritées d’un long passé et qui seules ont su résister aux épreuves, peut permettre de calmer les angoisses justifiées de ceux qui doutent.

Le Conservatisme a encore un bel avenir face à un monde troublé et qui doute de son avenir.