Je suis, et je l’assume, depuis ma plus lointaine jeunesse, un réactionnaire. Même pas un « néo-réac, car mon « déviationisme » ne date pas d’hier: je n’ai jamais, aussi loin que je m’en souvienne, appartenu à la meute de ceux qui, comme des « Mutins de Panurge » hurlent avec les loups….
Cet « état », je ne le dois pas plus à l’appartenance à un Parti Politique, quel qu’il soit, qu’à l’influence d’une éducation familiale qui fut la plus républicaine et la plus conformiste qui soit.
Le début de cette attitude, et sa source, remontent très certainement à l’époque où j’étais élève en classe de « Math-Elem » au Lycée Bugeaud d’Alger.C’était en 1948. J’avais donc quinze ans, à peine….Un âge où l’on est vierge de toute influence politique, mais où l’on commence à réfléchir sur ce que l’on croit percevoir autour de soi, à la lumière de l’enseignement des professeurs qui jalonnent notre parcours studieux.
J’ai eu la chance, avec beaucoup d’autres, d’avoir eu d’excellents professeurs, dont certains possédaient un charisme et un talent pédagogique à un degré qui semble se raréfier aujourd’hui. Je leur voue un respect et une reconnaissance infinie, aujourd’hui encore…
J’ai raconté dans de précédents billets, quelques épisodes de ma vie de Lycéen, dans ces années où Alger était une ville superbe, recherchée, pour y résider, par les meilleurs produits de notre Education Nationale.
Le Lycée Bugeaud d’Alger, « le Grand Lycée » comme on l’appelait alors était réputé et sa côte était comparable aux Lycées parisiens les plus recherchés….
J’ai raconté,- il y a déjà quelques années- mes rapports difficiles avec un excellent professeur de Lettres, en classe de Seconde, dont l’enseignement a su nous passionner pour la Littérature, mais qui, communiste militant, n’a jamais pu faire abstraction de ses engagements politiques, tant dans son enseignement que dans ses rapports avec ses élèves :
https://berdepas.wordpress.com/2009/03/18/voltairien-je-suis/
J’ai raconté également ce que je devais à un Professeur de Philosophie, en Classe de « Math-Elèm. », dont le nom, inoubliable, était un sujet de plaisanteries de cour de récréation. Il s’appelait Alavoine, « Monsieur Alavoine » !!! Et nos camarades qui préparaient le Bac Philo se moquaient de nous, les « matheux » sur le thème de : « vous les ânes de Math-Elèm, vous êtes condamnés à l’avoine »…
Grâce à Monsieur Alavoine, que je vénère, j’ai su, très jeune, quelle était la différence entre un Homme de Gauche et un Homme de Droite, ce qui m’a permis de disposer, jusqu’à ce jour, de la grille de lecture du discours politique et d’en décrypter la signification parfois habilement cachée.
Mais de l’enseignement du Professeur Alavoine, j’ai retenu la ferme recommandation de me défier des idéologies, c’est-à-dire des idées imposées, celles qui, lorsque vous les contestez vous classent, encore aujourd’hui, dans la catégorie des « mécréants », ou des « fachos »…. Il faut dire qu’à l’époque où j’étais Lycéen, l’idéologie communiste dominait tous les domaines de la pensée. La Presse, la Radio, le Cinéma ( la Télévision n’existait pas encore), la Littérature, la Peinture, tout était sous influence communiste….
Grâce à ce Professeur, j’ai appris à lire, muni d’un solide esprit critique, en prenant le recul nécessaire pour éviter de tomber dans les pièges de la mode littéraire, ou les dictats de la « pensée correcte »…
Cela a contribué à nourrir mon scepticisme à l’égard des « lendemains qui chantent » et à exciter ma curiosité envers tout ce qui était proscrit, voire interdit par les courants de la pensée dominante. C’est ainsi que, le « dévoreur de livres » que j’étais déjà, s’est pris, très jeune, d’une passion secrète pour les « écrivains maudits ».
Je me suis plongé dans les oeuvres d’Henri Béraud, Alphonse de Châteaubriant, Robert Brasillach, Henry de Monfreid, Lucien Rebatet, Pierre Drieu la Rochelle, et même celles, parfois à « l’eau de rose » de Jacques Chardonne.
Cela ne m’a pas empêché, plus tard, de nourrir une passion pour Albert Camus qui habitait à deux pas de chez mes parents, et pour Braudel qui reste pour moi « la référence » dès que s’ouvre le débat sur « l’Identité de la France »….
Camus dont je lisais les premières oeuvres, alors que j’étais soldat, en pleine guerre d’Algérie : une lecture considérée alors comme sulfureuse, en raison des idées progressistes que ces oeuvres véhiculaient. Cela ne m’a pourtant pas empêché de « faire mon devoir »….
J’ai pris, depuis, quelques distances avec certains de ces écrivains.
Mais les écrivains qui sont, aujourd’hui encore, présents dans mes lectures – car il m’arrive souvent de relire, à plusieurs d’années d’intervalle, plusieurs fois le même livre – sont de Monfreid, Benoît-Méchin pour sa profonde connaissance du monde arabe et du proche-Orient, et surtout, Louis-Ferdinand Céline.
Grâce au professeur Alavoine, je sais, depuis toujours, faire la distinction entre l’écrivain et l’homme, entre les faiblesses de l’homme et le talent de l’écrivain. Ce qui m’a protégé contre la tentation de « jeter le bébé avec l’eau du bain » en littérature…
J’ai encore parcouru, dernièrement, le « Voyage au bout de la nuit ».
J’aurais beaucoup à dire sur Céline. Ce sera l’objet de mon prochain billet….