La virilité en crise….


Homo, de plus en plus « sapiens » et de moins en moins « virilus »….

Homo

FIGAROVOX/TRIBUNE de ce jour.

« Pour Arnaud Benedetti, l’épisode «Je ne suis pas un homme» ayant fait le tour des réseaux sociaux est l’expression absurde et tragicomique de la fin de course d’un certain conformisme idéologique.


« Arnaud Benedetti est professeur associé à l’Université Paris-Sorbonne. Il vient de publier Le coup de com’ permanent (éd. du Cerf, 2018) dans lequel il détaille avec lucidité les stratégies de communication d’Emmanuel Macron.

https://youtu.be/47osJWlxWzM


« Virale, la vidéo d’un responsable Inter-LGBT refusant d’être assimilé à sa masculinité fonctionne comme une formidable métaphore d’une fin d’époque. Sur le fond, la séquence dans sa drôlerie involontaire nous raconte l’effondrement d’une théorie dont le moteur poussé jusqu’à bout de chevaux engage son véhicule dans une spectaculaire sortie de route.

Cette théorie n’est pas tant dans ses fondements celle du genre, pavillon désormais épouvantail de bien des revendications sociétales, que celle des tenants de la fameuse «construction sociale de la réalité», du titre éponyme de l’ouvrage désormais classique paru voici plus d’un demi-siècle sous la plume de Peter L. Berger et Thomas Luckmann, deux sociologues de la connaissance pour lesquels les stéréotypes, entre autres, contribuent au façonnage du monde, des identités, de tout ce qui relève à un degré ou un autre de ce que Durkheim appelait le «fait social».

Cette thèse «constructiviste» qui voit in fine dans le regard des autres un puissant vecteur d’ordonnancement des sociétés fonctionnera très vite comme la boîte de Pandore de tous les apôtres de la déconstruction. Ces derniers verront dans l’analyse de Berger et Luckmann, non sans la surinterpréter voire la détourner, la porte étroite intellectuelle pour saper, subvertir, démonter les principes d’un «vieux monde» abhorré auquel ils veulent s’opposer et échapper. À partir du moment où ce sont les représentations sociales qui fondent le réel, il suffit de démonter celles-ci pour changer la société.

Les soixante-huitards feront leur miel de ce parti pris! Ils dénonceront alors les mœurs de leurs pères à leurs yeux «aliénantes», «réactionnaires», «petite bourgeoises», autant de greniers poussiéreux dont ils rêveront de se débarrasser, accrochés qu’ils seront à leur imaginaire postadolescent nourri tout à la fois de Rimbaud et de Marcuse.

Au fur et à mesure des décennies, cette révolte libertaire s’est fait dogme, catéchisme, inquisition. Elle a alimenté un nouveau bréviaire, celui du «politiquement correct» qui, de manière inégale mais continue, a conditionné à son tour les réflexes de nombre des élites politiques, économiques, culturelles des sociétés occidentales, avec plus ou moins d’intensité selon les pays, mais avec cette même injonction à reconnaître pour inévitablement inéluctable la force irrésistiblement «progressiste» du sociétal, de ses groupes de pression et de ses revendications.

La «contre-société» s’est muée en carcan sémantique d’abord, en sommation historiographique ensuite, en mise en demeure normative… Elle est devenue de facto le pouvoir. On ne compte plus les effets de cette nouvelle idéologie dominante sur le vocabulaire, les mémoires, les lois. Les dictionnaires, les livres d’histoire, les législations sont littéralement révisés pour faire stricto sensu droit aux exigences de cet agrégat de minorités rassemblées dans la même volonté d’imposer leur doxa à l’ensemble de l’espace public.

Ainsi les mentions «père» et «mère» disparaissent au profit des neutralités lexicales «parent 1» et «parent 2» ; ainsi Jacques Chirac et Dominique de Villepin ne célèbrent pas Austerlitz en 2005 pour ne pas heurter les quelques activistes de la répression mémorielle et de l’anachronisme historique ; ainsi le législateur se fait traqueur de toutes les phobies réelles ou … supposées!

Tout se passe comme si un aggiornamento « sociétalement » libertaire, inclusif, communautaire délimitait les termes du dicible et de l’indicible, du permis et de l’interdit, de l’acceptable et de l’inacceptable, du correct et de l’incorrect. La com’ et la publicité, dont le visionnaire Jacques Ellul avait compris la fonction éminemment propagandiste au service de l’hubris technicienne, ont balisé le terrain au quotidien, conditionnant, imprégnant, infusant une certaine idée de la mise au pas du verbe et de ses aspérités, du passé et de son irréductible altérité, de l’homme et de son aspiration au sacré.

L’emballement sociétal se radicalise à proportion que des résistances commencent à se faire jour, y compris parmi certains tenants prudents du «politiquement correct» .

Cette radicalisation a ses icônes politiques dont la mairie de Paris, en France, constitue à sa façon le foyer. Elle s’incarne avec virulence dans l’obsession de la chasse symbolique au «mâle blanc cinquantenaire» , victime propitiatoire désignée de toutes les élites du postmodernisme.

Elle se naufrage dans un excès de dénégation dont l’extrait de l’échange entre Daniel Schneidermann, producteur de l’émission d’Arrêts sur images et son interlocuteur autoproclamé «non-binaire (sic)» constitue en soi une expression anthologique de l’absurde, non pas d’un absurde existentiel, mais d’un absurde sociétal, stade ultime de l’infantilisme du politiquement correct qui achève ainsi sa course dans une tragi-comédie…. » ( Fin de citation ).

PS : Je me suis contenté de reproduire in extenso, cet article paru dans le Figaro Vox, car il reflète, grâce au talent de son auteur, l’opinion de ceux qui, considérés comme des « conservateurs » ringards, regardent, comme moi, ces « progrès » de la Société avec un mélange de suspicion et d’inquiétude.

Il n’y a pas qu’en France ou en Europe que ces « dérives sociétales » provoquent des réactions mitigée,- c’est le moins que l’on puisse dire -, car aux États -Unis, « l’intelligentsia »jusqu’ici dominante est aussi en crise….

« Ce militantisme émotionnel, fondé sur le fantasme d’une société malfaisante dissimulant des structures de domination visant au contrôle et à l’oppression des dominés, a contribué à une bipolarisation aiguë du champ politique. Un telle situation isole de plus en plus ces militants de toute référence commune à leurs concitoyens qui ne se reconnaissent pas dans le portrait monstrueux que l’on fait d’eux. »

Post-Scriptum: Lire aussi, sur le même sujet :

http://www.lepoint.fr/invites-du-point/aux-etats-unis-la-gauche-contre-elle-meme-09-07-2018-2234344_420.php

http://premium.lefigaro.fr/vox/societe/2018/06/27/31003-20180627ARTFIG00259-crise-de-la-masculinite-ce-nouveau-phenomene-qui-traverse-l-occident.php