(Suite de mon précédent billet).
Sur le conflit Syrien, les analyses de Poutine et celles des Occidentaux, notamment celles des Européens sont totalement divergentes, ce qui ne laisse pas présager, à court terme, une synergie et une convergence dans l’action sur le terrain pour combattre l’expansion de l’Etat Islamique.
En effet, la Russie a explicitement choisi la force comme préalable de la résolution de la crise syrienne, alors que les Européens continuent à préconiser une approche avant tout politique. Les Russes entendent imposer une solution par les armes pour ensuite mener des négociations en position de force.
C’est « la méthode Poutine »: prendre l’initiative, et par les armes, occuper des positions qui lui permettent de négocier en position de force, en spéculant sur les réticences adverses à combattre: c’est la tactique employée dans « l’affaire Ukrainienne » et l’épisode de la reconquête de la Crimée.
Il y a un lien étroit entre l’épisode de la Crimée et la position Russe dans l’affaire syrienne ; la Russie qui ambitionne de devenir une puissance méditerranéenne à un moment de l’Histoire où le réveil de l’Islam, celui de puissances telles que l’Iran et la Turquie qui rêvent de restaurer leur emprise sur cette parie du monde, ne lâchera rien de ses positions en Méditerranée.
Ses choix tactiques actuels découlent de l’analyse que la Russie fait de la situation syrienne, car si, pour les Européens, la situation actuelle est avant tout une guerre civile, – dans la continuité des « printemps arabes » aux quels Poutine n’a jamais cru -, pour Poutine il s’agit d’une insurrection djihadiste d’ampleur géopolitique.
Poutine, qui a déjà dû combattre, en Russie même, une révolte islamique en Tchétchénie, qu’il a matée par la force sous les critiques des Occidentaux, sait qu’il ne peut se permettre aucune faiblesse face à cette perspective, car la Russie compte sur son sol, environ 50 millions de musulmans….ce qui n’est pas encore le cas de l’Europe, même si ça en prend le chemin….
Poutine n’a jamais cru à la victoire possible des « modérés », soutenus par l’Europe, et plus particulièrement par les Etats unis et par la France qui les ont imprudemment dotés d’un armement qui a abouti en majeure partie, entre les mains des « djihadistes »de Daech.
Comme l’explique fort bien Bernard Lugan, fin connaisseur de l’Afrique, sur son blog, ( je cite ) » en Syrie, si le président Poutine n’avait pas sifflé la fin de la récréation, le Quai d’Orsay voulait faire remplacer le président Assad par de « gentils démocrates » salafistes. En Libye, ce serait au profit des Frères musulmans et d’Al-Qaïda (ou de ses diverticules) que nos forces pourraient être engagées. Comme elles le furent hier à l’avantage des musulmans de Bosnie et du Kosovo… ». ( Fin de citation ).
( http://bernardlugan.blogspot.com.es).
Car en la matière, nous n’en sommes pas à notre première bévue sur un monde musulman, idéalisé par nos ‘stratèges élyséens »….
Or, après quelques mois d’une intervention militaire fort contestée en Occident, que constate-t-on ???
La Russie s’est donné les moyens d’avancer ses pions de manière significative, au prix d’un effort de guerre manifestement destiné à impressionner les opinions : à la différence des Européens et des Américains, la Russie n’hésite pas à utiliser les moyens militaires les plus sophistiqués au service de ses intérêts. Poutine n’a pas hésité à conduire des opérations au sol, sans lesquelles chacun s’accorde à admettre qu’aucune perspective d’abattre Daech n’est envisageable, obligeant les Occidentaux à revoir leur copie…
Or, la Russie remporte actuellement une victoire tactique essentielle . Elle a restructuré le champ de bataille: alors que, avant août 2015, il opposait de multiples insurrections entre elles et avec le gouvernement central, il apparaît désormais comme un duel entre la Russie et le terrorisme international. Alors qu’il était éclaté entre de multiples forces au sein de coalitions hétéroclites, il est désormais unifié dans un combat où la Russie tient la tête d’affiche et où l’opposition modérée est discréditée ou oubliée.
L’insurrection issue des printemps arabes est définitivement transformée en conflit global entre un Bachar El Assad soutenu par les Russes, et le chaos islamiste. Les Etats-Unis et la France sont relégués au second plan et ont été contraints par la Russie de s’ajuster aux réalités comme en atteste la conclusion, le 22 octobre 2015, d’un protocole entre forces russes et forces américaines pour éviter les accidents aériens.
Tactiquement, on peut conclure que Poutine a bien joué. Reste à savoir si, au-delà du court terme, sa stratégie sera efficace. Car la Russie peut « sauver la peau » de Bachar El Assad, mais elle ne parviendra pas à abattre Daech seule….
Une fois de plus, la France, piégée par son engagement au sein de l’OTAN, et drapée dans ses habituelles postures à prétentions morales, aveuglée par ses dénis de réalité compulsifs, risque d’apparaître comme la grande perdante de cet embroglio géopolitique.
La diplomatie française semble isolée, voir « manipulée »: absente du règlement du conflit avec l’Iran, espionnée par ses propres « alliés », conduite par un Ministre affaibli par les poursuites judiciaires qui concernent son fils aux Etats-Unis, la France n’est plus en mesure de jouer un rôle déterminant dans la conjoncture actuelle.
Une diplomatie qui a du plomb dans l’aile, une armée à bout de souffle, il ne reste plus à la France du « Parti du Bien »que l’esbrouffe verbale de son Président normal pour tenter d’impressionner Poutine : http://www.medias-presse.info/general-vincent-desportes-dans-nos-armees-un-avion-sur-deux-ne-peut-pas-decoller-un-navire-sur-deux-ne-peut-prendre-la-mer-et-un-char-sur-deux-ne-peut-plus-rouler/43217
Il n’est pas nécessaire de recourir à Machiavel pour comprendre qu’au Moyen-Orient, la naïveté et les bons sentiments ne sont pas des armes efficaces: dans le monde arabe, seule la force est respectée….
Ping : Poutiniâtrie ??? | Tempus Fugit….
Ping : Les « Primaires …. | «Tempus Fugit….
Dont acte, mais l’engagement reste celui de forces spéciales, comme le font les américains, avec il est vrai des hélicoptères. Rien à voir avec l’engagement français au Mali, ou américain en Irak.
L’objectif semble surtout de sauver le régime syrien et les positions russes et il semble bien qu’on s’en prend d’abord au opposants d’Assad. Comme indiqué, la Russie répugne toujours à participer à la coalition anti-ISIS.
La guerre en ce moment est à Sinjar, du fait des peshmergas, contre ISIS et avec des forces spéciales et des conseillers américains. Les russes et les américains sont donc en compétition…
J'aimeJ'aime
@ François :
Vous dites : « D’abord à ma connaissance, les russes n’ont pas engagé de troupes au sol. »
Source » La Revue de Géopolitique ». http://www.diploweb.com/Un-mois-d-intervention-russe-en.html
« Le choix du traitement militaire par la Russie s’est traduit dans les chiffres. A ce jour, les différentes sources ouvertes font état d’une montée en puissance des capacités russes sur les théâtres syriens : environ 5 000 militaires, essentiellement issus de la 810ème brigade d’infanterie de marine de la Mer Noire, sont engagés pour opérer des frappes aériennes, pour apporter un soutien logistique aux troupes du gouvernement central ou encore pour assurer la sécurité des infrastructures militaires russes à Tartous et Lattaquié. Un groupement naval commandé par deux croiseurs intervient depuis la Méditerranée et une flottille de quatre navires opérant depuis la Caspienne a rejoint l’effort de guerre russe en frappant Rakka, Idlib et Alep. Dans la dimension aérienne, une trentaine d’avions de combats réalise les frappes que le gouvernement de Damas n’était plus en mesure de réaliser depuis longtemps. Dans la dimension terrestre, les engagements directs de troupes régulières et de forces spéciales russes ainsi que d’une trentaine de blindés sont avérés : ils permettent de guider les bombardements, de remporter des avantages décisifs notamment à Homs, Hama et Alep. L’engagement au sol est renforcé par le contingent d’une vingtaine d’hélicoptères qui permettent de donner un avantage décisif aux troupes syriennes dans les poches insurrectionnelles.
J'aimeJ'aime
D’abord à ma connaissance, les russes n’ont pas engagé de troupes au sol. Ensuite, il semble bien que quelque soit son énergie, une action aérienne est toujours à elle seule insuffisante. Il faut donc des troupes et pour l’instant, il n’y a guère qu’un Hezbollah qui bien qu’aidé par l’Iran, est tout de même bien seul à participer aux combats d’Assad, toujours exclusivement ou presque dirigé contre sa population civile.
Ce sont les kurdes qu’il faut aider pour vaincre ISIS et d’abord reprendre Mossul !
Les russes ont des intérêts qu’il faudrait respecter, voilà la solution et si c’est ce que voulez dire, vous avez raison. On pourrait tout à fait s’entendre avec eux et ils proposent (hélas on les ignore) de remplacer Assad, ou de trouver un moyen de, pourvu qu’on ne les ignore pas. C’est ça qu’il faut faire, mais sans illusion aucune: ce sera l’alliance des kurdes, des tribus plus ou moins islamisées et des syriens libres qui viendront à bout de ISIS. Cela se paiera par l’indépendance du Kurdistan et la scission de l’Irak.
La question de la Syrie est donc posée: il faudra un successeur à l’Etat Islamique, et il n’est pas sur que ses frontières potentielles actuelles ne subsistent pas.
Ne parlons pas des chiites irakiens, ils ont montré qu’ils ne comptent pour rien, et l’erreur d’Obama à leur sujet est impardonnable, bien pire que celle de Bush !
J'aimeJ'aime