Page 763 - index
P. 763

 Bosnie pour protester contre toute amélioration à venir, car cette amé­ lioration menace d’ébranler la force brutale et la suprématie de l’élé­ ment mahometan. Des adresses sont signées dans tous les coins de la province et les chrétiens sont obligés à la suite des démarches des mu­ sulmans — démarches revêtent un caractère impérieux — d’apposer leurs signatures sur ces documents.
Loin de s’arrêter dans cette ligne de conduite en faveur de l'élé­ ment musulman, la Sublime Porte ne peut que se laisser gagner par le courant qui l’entraîne. Elle doit forcément s'aider des musulmans sur lesquels elle compte et, en conséquence, les vices que je me suis efforcé de signaler ne feront que s’accroître et la situation deviendra intolé­ rable. Les réformes, je l’affirme, Mr l’Ambassadeur, n’ont jamais été exécutées et ne peuvent l’être si la législation actuelle est maintenue. D’ailleurs, les systèmes proposés par le dernier firman n’approchent pas du libéralisme qu’inspirait le Hatti Humayoun de 1855 qui, lui-même, empruntait quelques unes de ses maximes au Hatti Chérif de 1839 ampli­ fié par les lois du Tanzimat de 1844. On y proclamait, par exemple, le service des chrétiens dans l’armée et l'égalité absolue des sujets de l’Em- pire. Rien, ou presque rien, n'a été fait, et il en sera de même de tous les firmans qui paraîtront. Les musulmans de cette province ont depuis bien longtemps compris que leur Gouvernement n'avait en vue, en publiant des décrets, que de calmer l'opinion générale en Europe et ne
les regardent, en conséquence, que comme lettre morte. Un hatti chérif publié en 1827 par le sultan Mahmoud débutait par ces mots: »tous les hommes raisonnables savent que tout musulman, de sa nature, est l'en­ nemi mortel des incrédules, de même que ceux-ci sont les ennemies nés des musulmans«. Ces paroles que Turquie n’est plus en mesure de pro­ noncer si ouvertement existent dans la pensée de tout disciple de Maho­ met et forment son palladium.
Je dois achever ce rapport déjà si surchargé de détails par les projets de réformes à accomplir. Je ne veux pas parler des réformes que la Sublime Porte proposerait, car on n’obtiendrait aucun résultat si ce n'est peut-être pour une période de trois ou quatre mois afin de donner satisfaction aux voeux de l’Europe, mais de changements radicaux et établis sur des garanties sérieuses. Pour atteindre ce but, l’autonomie administrative dans l'acception la plus large du mot devrait être intro­ duite pour la Bosnie et l’Herzégovine. Par cette autonomie, Mr l’ambas­ sadeur, j’entends un Gouverneur Général chrétien, puisque la population chrétienne est la plus nombreuse, — dans les sandjaks, kazas, kassabas
et nahiés; des mutessarifs, caïmakams, mudirs et mouktars appartenant à la religion de la majorité — les comptables, les présidents des tribu­ naux soit chrétiens, soit musulmans sans distinction, — le droit poul­ ies Européens de posséder mise à exécution, — l’obligation pour les chrétiens de servir dans l’armée et dans la police, car on obtiendrait de cette manière, le jour où les chrétiens participeraient aux mêmes charges envers la Patrie, l’égalité civile si ardemment désirée, — j’entends aussi l’établissement d'un impôt foncier pour remplacer la dîme, — la sup­ pression pour les paysans du payement de l'impôt sur les métiers envers l’Etat et de la »Trétina« envers le maître, — un renouvellement du ca­ dastre, — l’institution des receveurs d’impôts; — le budget des deux
761





























































































   761   762   763   764   765