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 demandes qui lui sont adressées. Cependant, le fait le plus important à noter consiste dans ce que les chrétiens se trouvent dans l’impossibilité tant morale que matérielle d’obtenir gain de cause dans leurs réclama­ tions si justes qu’elles puissent être. Leurs défenseurs naturels, les membres chrétiens aux Conseils et aux Tribunaux, outre qu’ils sont in­ capables de discuter, faute de connaissance suffisante de la langue offici­ elle, sont parallysés (sic!) par la crainte, par l’impression que leur cause la dominateur musulman, ce dominateur fût-il dans une position de for­ tune ou sociale inférieure à la sienne.
Je ne veux pas laisser passer sous silence la tenue des tribunaux en Bosnie, Cette tenue n’est rien moins que digne — Saraïevo, siège du Gouverneur Général, une salle de tribunal a l’aspect d’une salle de réu­ nion privée. On y fume, on y rit, on y prend du café en pleine audience, même lorsqu’il s’agit d’affaires criminelles; on reçoit des visites, la cireur public arrive avec des assortiments de toute sorte et fait le tour de la salle en mentionnant les prix à haute voix. Quant aux archives, elles se trouvent reléguées dans des sacs sans aucun ordre et il est, naturelle­ ment, impossible de retrouver une pièce d’une certaine date. Si les tribu­ naux de la ville principale du Vilayet présentent un tel aspect, on peut se figurer quelle doit être la tenue de ces mêmes tribunaux dans les Sandjaks et les Kazas.
En poursuivant cet exposé, j’appellerai la haute attention de V(otre) E(xcellence) sur l’état si misérable des cultivateurs chrétiens en Bosnie. Le sol de ce pays est très fertile, mais, malheureusement, il n’est pas partout cultivé. Cet abandon injustifiable d'excellentes terres, qui, en d’autres mains, pourraient être utilisées si avantageusement, est dû à plusieurs courses (sic!); aux abus excessifs auxquels se livrent presqu’ impunément les propriétaires à l’égard de leurs tenanciers, abus qui paralysent tout développement de l’agriculture, à l’indifférente insou­ ciance de l’autorité locale qui ni peut ou ni veut comprendre que là, seul, se trouve l’élément de prospérité et de richesse du pays, à la pauvreté de la classe agricole, enfin à cette conviction des paysans fermiers qui plus ils mettent de terre en culture et plus les charges qui en résultent pour eux sont lourdes et onéreuses.
La propriété foncière appartient en Bosnie soit à l’Etat, soit à des Aghas, Beys et anciens Sipahis, car il faut se rappeler que la conquête turque dépouilla les habitants de la contrée restés chrétiens de toutes les terres qui furent dévolues, comme une sorte de prime, à leurs com­ patriotes, devenus musulmans ou dont ceux-ci s'emparent, eux-mêmes, de vive force. Les chrétiens qui, seuls, constituent, a bien dire, la classe agricole ne sont donc que les prolétaires, jadis propriétaires fonciers, mais obligés, par les misérables vicissitudes de leur destinée, de se con­ tenter aujourd’hui de la mise en culture des terres soit pour le compte spécial des Aghas, soit en participation de produits avec eux. Dans le 1er cas, ce ne sont que de simples paysans, des journaliers travaillant au mois ou à la tâche, dans le second des associés, forcés de supporter la plus grande charge des frais de l’association. II est au su de tous que le droit du tiers (la tretnica) fut introduite en Bosnie en 1848. Ce tiers de la récolte fut partout établi en faveur des propriétaires des terrses.
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