Page 759 - index
P. 759

 3) Il y a un an et demi environ, Dervish Pacha, alors Vali de Bosnie, me relatait que pour un cas de viol — il s’agissait d'une petite chrétienne de sept ans, le coupable était un musulman — le Cadi ne voulait imposer que six mois de prison et que, se trouvant présent à l’audience, il avait usé de son influence pour faire infliger un an de peine,
4) Le cawas du Consulat de France, un certain Ibrahim, avait volé l’année passée (au mois de Juillet) à un ingénieur français, Mr Pion, une somme de huit mille francs. Un serviteur du même Consulat, un chrétien congédié par le Consul, avait emporté avec lui, vers la même époque, une cuillère en ruoltz. Le premier fut condamné à un an de prison; le second à trois ans. Lorsqu’on questionna l’autorité judiciaire sur ces sentences injustes et grotesques, on reçut en réponse que le chrétien était servi­ teur du maître, tandis que le musulman n’en était que son employé.
Cinquième catégorie: Cas d’injustice dans les nominations.
Il avait été décrété que les emplois des Caïmakams et Mudirs ainsi que des juges seraient dévolus, dorénavant, à des hommes recomman­ dables par l’instruction et la solidité de la morale. Or, peu de temps après la promulgation de ce décret, voilà ce qui arriva.
1)L’ex-cawas du Consulat de Russie, Akhmét Agha d’Erzéroum que j'avais renvoyé pour cause d’incapacité et d’absence complète d’intel­ ligence, fut nommé Mudir de Koussovatz.
2) Un faussaire des documents, Fehim (?) Effendi, avait été nommé président de la cour criminelle à Saraïevo. Il est vrai que sur les rapports que firent à leurs ambassades respectives les Agents des grandes puis­ sances, ce président, exilé il y a quelques années de la Bosnie pour falsi­ fication d’un document, fut destitué, mais il ne faut pas perdre de vue que sa nomination à ce haut poste a eu lieu bientôt après la promulga­ tion du firman di 1er Septembre 1875.
3) Le Gouvernement avait fait promettre, aussi, un meilleur choix pour la gendarmerie. Cette promesse, autant qu’il m’est permis de le supposer, n’a point été accomplie. En revenant de Brood à Saraïevo, il y a à peine quelques jours, on avait pris des mesures pour préparer aux différentes stations une chambre chauffée. Arrivé à Doboy, j’entre dans la pièce qui m’était réservée et y trouve le gendarme qui devait ac­ compagner le courrier autrichien et moi, étendu sur le plancher et dor­ mant. A ses côtés se trouvaient une bouteille de Raki et un verre. On le secoua et l’on parvint à grand peine à le réveiller. S'étant levé il me re­ garda et se recoucha. Enfin, on lui fit comprendre qu’il devait se pré­ parer à nous accompagner. Les habitants du han, tous musulmans, se sont plaints de ce Zabtié qui ne fait que s’enivrer et jurer. A l’observa­ tion du courrier qu’il fallait porter plainte au chef du district, ces braves gens répondirent: »II faut souffrir, car ses deux soeurs sont mariées à des employés et il n’a peur de personne«. Je m’imagine ce que doivent souffrir les chrétiens si le hasard amène ce gendarme dans leurs villages.
Tels sont les faits, M1 l'Ambassadeur, que les souvenirs m’ont permis de grouper dans ce rapport suivant l’ordre chronologique et dont il m’est permis de constater l’authenticité. J'ajouterai que, naturellement, un grand nombre de cas injustes et cruels se sont passés à mon insu, car il est très difficile au corps consulaire de recevoir des renseigne­ ments. L'autorité a intérêt à les lui cacher et oppose des dénégations aux
757


























































































   757   758   759   760   761