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 Effendi, qui, ayant voulu faire rendre justice et faire respecter la loi, échoua complètement, car, d’abord, les domestiques du bey rouèrent de coups le pauvre paysan et, ensuite, voyant qu’il perdait peut-être gain de cause, le bey s’aboucha avec un autre propriétaire qui engagea sur le champ le colon et l’installa dans sa propriété. Sur ma demande si justice avait été rendue, on me répondit que le chrétien s’était désisté spontanément de ses droits de continuer à résider chez son maître et qu’il avait de plein gré changé le bey. On comprend aisément, que ce plein gré et cette spontanéité avaient été imposés au chrétien qui n’avait pu réussir pendant deux ou trois mois à se faire rendre justice et qu’il avait préféré s’installer ailleurs, en hiver, avec sa famille plutôt que d’être poursuivi et en butte aux vengeances de ses maîtres.
J’insiste sur le fait que le Commissaire Impérial, venu en Bosnie avec la mission d’exécuter les réformes du dernier firman de feu le sultan Abdul Aziz, n'a point réussi, dans cette circonstance, à faire tri­ ompher la loi et la justice.
De pareils cas sont très nombreux dans la province et celui que je viens de relater est une preuve palpable tant de la faiblesse du Gou­ vernement et de l’impossibilité de rendre justice à un chrétien que de l'arbitraire et de la tyrannie des beys et de l’absence de garanties au profit des agriculteurs quand il s’agit de leurs existences et de leur avoir.
Quatrième catégorie: cas d’injustice dans les, tribunaux — faiblesse du Gouvernement pour faire respecter l’exécution des lois.
Si les musulmans bosniaques affirment que la distribution de la justice par devant les Tribunaux se fait d’une manière régulière et sa­ tisfaisante, je pense qu’ils sont dans le vrai car la plûpart (sic!) des sentences leur sont favorables. Quant aux chrétiens, ils sont de l’avis contraire et je crois qu’ils ont plus de raison d’être mécontents que leurs compatriotes musulmans de paraître satisfaits. On connait, d’ailleurs, le véritable état dans lequel se trouvent les différents tribunaux de justice en Bosnie et les organes du Gouvernement turc ont, eux-mêmes, pro­ noncé dernièrement la plus écrasante condamnation en proclamant dans leurs colonnes ce qui suit: »nos tribunaux de justice n’offrent que de faux témoins, des enquêtes plus fausses encore, des archives irrégulières et des sentences aussi injustes que déplorables«.
Je passe aux faits:
1) Un propriétaire turc, employé dans une des chancelleries de l’administration à Saraïevo, avait fait construire une maisonnette sur le chausée de Saraïevo—Mostar. Il chargea un de ses colons de la surveil­ lance de cette maisonnette dans les temps de loisir que lui laissaient ses occupations. On comprend que le chrétien ne pouvait, certes, surveiller nuit et jour la maison. Il était, en effet, cultivateur des terrains de son maître et passait la plûpart (sic!) du temps à labourer, semer, mois­ sonner, fourcher, battre le blé, etc. Au bout de quelque temps la baraque de l’Effendi, grâce aux voyageurs peu scrupuleux qui la fréquentaient pour boire, manger et fumer, était tombé (sic!) presque en état de ruine. Le maître intenta un procès à son colon et demanda mille piastres d’in­ demnité. Ici commence, précisément, l'histoire édifiante de la présence de tous ces maux qui entourent la vie du Raya.
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