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rue par le musulman Boïtch qui l’attaqua parce que c’était son bon plaisir et lui porta de tels coups que le chrétien fut transporté dans la maison à demi mort. A la suite de ces violences quinze chrétiens s’en fuirent de la ville, les uns — prenant refuge dans les montagnes de Ko- zara où se tiennent des bandes d’insurgés —, les autres émigrant en Autriche.
9) L’archiprêtre orthodoxe de Technia (?) Théodore Ilitch fut ap pelé dans un village à l’effet de baptiser un nouveau né. A peine venait-on de commencer l'acte religieux que des musulmans arrivèrent dans la maison et accusant le prêtre d'avoir été avec les insurgés lui déclarèrent qu’ils n’avaient point le temps d’attendre la fin de la cérémonie lui liè rent les mains et l'emmenèrent en ville. Après deux jours de détention, l’archiprêtre fut relâché mais contre remise d’une certaine somme d’ar gent.
10) Depuis plus de dix ans, à Banialouka, deux célèbres Beys Féïm Effendi et Hadji Teski (?), étaient la terreur des chrétiens. Le Gouverne ment, après avoir toléré pendant si longtemps leurs exploits, se vit toute fois amené, tout dernièrement, à les faire éloigner de la ville et à les appeler à Saraïevo où le Vali avait l’intention de les garder. Je me rap pelle qu’à cette occasion l’Agent d’Autriche-Hongrie à Banialouka, té légraphia à son chef, Mr Théodorovich, en annonçant qu’avec le départ de ces deux tyrans, le pays jetait un véritable cri de joie et d'allegresse. Or, après une semaine de séjour à Saraïevo, les deux Beys sont rentrés chez eux en triomphe et plus fiers que jamais. Grâce à leur présence, le terrorisme continue par le passé (sic!).
11) La district de Techna, selon les rapports du caïmakam, est par couru par des bandes d’insurgés. Des colonnes volantes de musulmans sous les ordres d’Achine Ibrahimbegovich et de Dervich Bey Djoulagich parcourent dans tous les sens le district en prélevant des villages chré tiens le blé, le maïs, la farine, les légumes, le fourrage pour les chevaux et en exigeant le gros et le petit bétail sans payer un para pour ces ré quisitions. Ne trouvant pas d’insurgés, ils s’attaquent aux innocents paysans qu’ils calomnient de les cacher et d’avoir avec eux des conni vences. Tout dernièrement, au village Ostroujia, ils mirent la main sur le cousin de Marco Batchich et le soumirent à la torture. Ce malheureux eut à endurer le traitement suivant: on introduisit dans les ongles du supplicié des morceaux de bois que les paysans allument d’habitude au lieu de chandelle, on y mit le feu et on vit le malheureux bientôt mourir.
Là où les chrétiens se trouvent dans l'état de l’indigence la plus complète, les musulmans leur en veulent beaucoup moins. La jalousie n’a point lieu de se manifester et la haine sait à se comprimer. Mais là où les chrétiens, grâce à leur labeur et à l’activité des transactions commer ciales, se créent des capitaux et entourent d’une certaine aise leurs existences, les passions de leurs compatriotes musulmans sont perpétuel lement en état d’ébullition. Ainsi à Banialouka et à Gradiska beaucoup de chrétiens ont été obligés d’émigrer en Autriche en 1873. Depuis lors et jusqu’à ce jour ces sentiments de jalousie n’ont fait qu’augmenter jetant une perturbation tant parmi le corps des négociants que parmi la classe des cultivateurs. Dans les villages on a eu mainte fois à constater le même fait. Par exemple, dans la petite ville de Konitza, sise sur la
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