Page 752 - index

di vilaïet, le Président se sert du »cheriat« qui admet le témoignage de deux musulmans. Il est vrai qu’une disposition défend de se servir de ce témoignage contre les chrétiens, lorsque des preuves écrites existent, mais les juges ne se donnent pas la peine d’étudier les nouvelles ordon­ nances et préfèrent se servir de la routine, d’autant plus que leurs con­ victions religieuses les absolvent de cette manière de juger et de voir.
On observera, en outre, que les chrétiens ne peuvent jamais — dans aucun cas, espérer aux grades de Président ou de Vice Président: l’infériorité et l’humiliation sont trop manifestes pour eux, aussi le système des injustices flagrantes peut fonctionner sans entrave aucune.
Avec l'assentiment de V(otre) E(xcellence), je vais exposer un certain nombre de faits qui se sont passés dans la province de ma rési­ dence depuis une dizaine d’années. — Pour éviter toute confusion, je classerai ces faits par catégories suivant qu’ils se rapportent, d’une ma­ nière spéciale, au fanatisme religieux, aux cas d’injustice dans les tribu­ naux, à la rapine et aux dépossessions, à la non exécution des réformes, aux violences commises par les zabtiés ... les faits, Mr l’ambassadeur, sont authentiques et, le plus souvent, j’ai pu moi-même en vérifier l’exac­ titude.
Première catégorie: — Faits se rapportant au fanatisme religieux, à la jalousie — violences — cruautés.
1) En me promenant dans le bazar, il y a quelques années environ, je m’approchais de la boutique d’un musulman et j’aperçus dans un cadre d’or une belle inscription en arabe: »Selamei-oul insan fi hawz oui lissan« — »le salut de l’homme est dans la conservation de la parole«. Tels étaient les mots inscrits. Je demandais le prix de ce cadre voulant en faire l’acquisition. Le musulman, qui me reconnaissait bien, me tourna le dos en disant: »Je te vendrai cela quand tu te seras fait musulman«.
2) Il y a quelque temps, sur la place du marché de Saraïëvo, un chrétien fut roué de coups de poing et de bâton par plusieurs musulmans, uniquement parce que ceux-ci avaient trouvé que le prix du mouton que le chrétien revendiquait était trop élevé.
3) Tout dernièrement, à une distance d’une heure et demie de notre ville, une femme chrétienne avait été ignominieusement maltraitée par deux soldats qui lui en voulaient pour le piteux avoir qu'elle possédait dans une petite ville. Elle a reçu à cette occasion plusieurs blessures aux bras et aux mains. Les zabtiés qui se trouvaient sur les lieux malgré les exhortations des témoins chrétiens ont refusé de procéder à l’ar­ restation de ces agresseurs.
4) Le beau frère du caïmakam de Birtcha, un certain Ahmed Bey, viola une jeune fille, appelée Mara Dervintha. Après avoir assouvé la brutale passion, il mit la malheureuse fille en pièces, lui taillant les deux jambes, la tête, lui arrachant les entrailles et faisant passer les deux mains de la victime à travers les mamelles. Les musulmans ont fait passer l’assassin pour un peu fou et il en a été quitte pour quelques jours de prison.
5) Au mois de Juillet de l’année courante, dans le village Magne- vitchi, du district de Bélina, des soldats entrèrent dans la demeure du prêtre orthodoxe Izvétine (sic!) et le massacrèrent après un repas qu’ils avaient réclamé.
750