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 Le voyageur qui traverserait les deux provinces rie pourrait que' rester frappé à la vue des richesses incalculables que la nature leur a pro­ diguées. Pour mémoire, je citerai les mines de fer, de charbon, de graphite, de mercure et d’argent même, les immenses forêts où se trou­ vent les plus beaux chênes, les pâturages, les rivières innombrables et très poissonneuses, un sol fertile; je mentionnerai, enfin, une population nombreuse, aimant le travail, douée d’un tempérament doux et calme.
Malgré ces bienfaits naturels, la Bosnie, qui était si florissante lorsqu’elle faisait partie de la Pannonie sous les Romains, de l’Es- clavonie au moyen âge et, plus tard, de la Hongrie et de la Serbie — car cette province n’a pu profiter de son entière indépendance qu’au
XIVe siècle — si florissante, dis-je, se trouve depuis la prise de posses­ sion par les Turcs dans une complète décadence. Les causes d’un état si pitoyable, comme je me suis efforcé de les mettre en évidence dans mes rapports adressés à l’Ambassade Impériale durant mon séjour de bientôt dix ans en Bosnie, ne peuvent être imputées qu’au Gouvernement Ottoman. Quiconque se donnerait la peine d’étudier sur les lieux mêmes l’état social et économique de notre province serait amené à cette con­ clusion que l’administration turque a tout fait pour transformer ici la richesse en misère et que le bien être et la tranquillité des populations ont été sacrifiées à la rapine, aux abus de toute sorte, à la défectuosité du système administratif et à d’autres éléments dissolvants qui se trouvent spécialement groupés dans l’antagonisme très regrettable de populations appartenant à la même langue, mais professant des cultes différents.
Voulant éviter des raisonnements trop étendus, je laisserai la pa­ role aux faits qui traceront, je l’espère du moins, le tableau de la vie réelle des populations chrétiennes de Bosnie-Herzégovine, leur situation économique et sociale, l’absence complète de sécurité et de justice, le fonctionnement étemel de l’arbitraire dans la perception des impôts et, enfin, la non exécution des réformes.
V(otre) E(xcellence) daignera me permettre de développer, égale­ ment, quelques considérations sur la nécessité absolue de changements radicaux dans l’administration, changements qui auraient pour but de préserver ces deux belles provinces d’une ruine inévitable, de nouvelles perturbations à l’avenir, et d’assurer aux populations une ère de tran­ quillité et de bien être qu’elles attendent avec autant de droit que d’im­ patience.
Pour servir de base de renseignements aux faits que je vais avoir l’honneur d’exposer à V(otre) E(xcellence), je crois devoir lui soumettre dans un mémoire supplémentaire — ci joint — quelques données qui se rapportent aux systèmes administratif, judicaire et financier ap­ pliqués à la province conformément aux lois de l’Empire.
Les données de ce mémoire supplémentaire — d’ailleurs connues de V(otre) E(xcellence) et qui sont loin de représenter un travail com­ plet — n’ont pour but que de déterminer les catégories sur lesquelles devront porter les critiques basées sur les faits authentiques et les ré­ formes radicales à accomplir.
Je suis amené à parler tout d’abord du fonctionnement de l’admi­ nistration et de la justice. Les Conseils supérieurs ou »Idaré Medjilis« sont chargés de discuter les questions d’intérêt concernant la province
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