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ports. Je ne lui ai laissé aucun doute sur nos sentimens (sic!) et nos intentions. Je lui ai fait entendre que nous désirions ménager tous nos amis, et la position géographique de la Prusse l'oblige à en avoir beau coup, mais que nous ne pourrions jamais sacrifier l'amitié de la Russie, qui s’était constamment avérée. Les Anglais ont cherché a nous faire tirer leur char. Je lui ai fait comprendre, que ce rôle ne saurait nous convenir et qu’ils n’avaient qu’à s’y atteler eux mêmes. C’est leur affaire. J’ai fait allusion à un mot que l’on me prêtait déjà en 1857 et par lequel j’avais insinué alors, que l’on se permettait parfois a Londres de nous traiter en Princes vassaux indiens«.
Lord Salisbury a énoncé l’avis que la Conférence de Constantinople n’aboutirait probablement pas.
Le Prince de Bismarck ne l'a pas contredit d’une manière positive. Il a même admis la possibilité de ce résultat négatif. Il a insinué en même tems (sic!) que, si une pareille éventualité se présentait, l’Angle terre ne serait pas directement engagée. Il a conseillé à Lord Salisbury, de ne prendre dans ce cas aucune résolution violente ni précipitée; de ne pas charger son fusil trop tôt, pour me servir de ses propres expres sions; de pareilles décisions seraient irrévocables et gratuites en pré sence des assurances données par notre Auguste Maître. Il a émis l’avis que le Gouvernement anglais devrait même laisser faire, dans le cas où la Russie croirait devoir passer le Pruth. Elle agirait alors en vertu d’un mandat européen que l'Allemagne ne lui contesterait pas pour sa part.
»Sans toutefois en supporter les frais«, m’a observé en souriant le Prince Bismarck; notre bénédiction ne Vous en serait pas moins ac quise«, a-t-il ajouté. Je cite textuellement, Monsieur le Chancelier, pour rendre aussi exactement que possible la pensée du Chancelier.
Mais si la Russie prenait Constantinople, a observé Lord Salisbury, il serait difficile de le lui enlever et préférable sans doute de l’y prévenir.
L’Empereur Alexandre ne le veut pas, a observé e Chancelier al lemand, mais si même la Russie prenait Constantinople pour des raisons stratégiques ou autres, soyez sûr que l’Empereur Alexandre l’abandon nerait et en ressortirait. Le Prince de Bismarck m’a dit avoir énoncé cette opinion avec confiance et conviction.
Lord Salisbury lui a fait en général une bonne impression. Il l’a trouvé objectif, sérieux, beaucoup plus calme qu’il ne s’y attendait d'après tout ce qu’on lui avait mandé sur son compte, très anglais, mais pas turc. Un caractère entier, mais ouvert et nullement intriguant.
Au point de vue des formes extérieures, c’est cm homme d’une belle figure, de beaucoup de prestance, qui rappelle les portraits des vieux chevaliers anglais. Grand de taille, mais constamment courbé et la tête appuyée dans sa main, il offre l’emblème d’une méditation réfléchie.
L’Empereur et Roi devait recevoir Lord Salisbury dans la journée. Sa Majesté avait promis au Chancelier de s’énoncer vis à vis du Marquis sur le compte de l’intimité de nos rapports, dans les mêmes termes dont il s’était servi vis à vis de lui.
АВПР, K-19. d’Oubril 741