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 Monsieur le Chancelier,
Au moment où approche l'époque de la réunion de la Conférence à Constantinople, je crois de mon devoir de soumettre à Votre Altesse un aperçu des impressions que je suis à même de recueillir à Berlin. J’ai principalement en vue celles de mes collègues des Grandes Puis­ sances.
Ils témoignent en général peu de confiance dans cette tentative suprême de conciliation. En énonçant cette opinion, dans des termes plus ou moins positifs, ils s’inspirent principalement des onze points publiés par la »Correspondance politique« de Vienne et auxquels on se plait à prêter une valeur officielle.
A leur avis ces propositions doivent conduire, soit à une rupture de la Conférence, soit à des complications encore plus grandes par l’oc­ cupation de la Bulgarie, qui ne serait, à son tour, que le prélude ou le prétexte de notre entrée en campagne.
Sans s'énoncer d’une manière aussi formelle sur ce dernier point, le Cte Karolyi m’observait dernièrement qu’il avait lieu de croire à l’authenticité des onze points; qu'il y en avait de discutables, mais aussi d’autres de parfaitement inexécutables; que leur existence n’en semblait pas moins dangereuse, parcequ'il croyait savoir que notre Plénipotentiaire poserait ces points à la Conférence et se retirerait dans le cas où ils ne seraient pas admis.
Cela équivalait à un ultimatum tacite qui réduisait à l’avance à néant les travaux de la Conférence.
J’ai répondu à mon collègue austro-hongrois, que j’ingnorais le ca­ ractère officiel de ce programme, ainsi que les intentions qu’il venait de mentionner.
Il m’assura en avoir connaissance par des correspondances of­ ficielles de St Pétersbourg, qu’il avait lieu de croire bien informées. Le Vtc de Gontaut Biron, dont l’attitude actuelle parait satisfesante (sic!), m’a énoncé l’apréhension, tout en ne mentionnant qu’incidentel-
lement les onze points du programme Ignatiew, que le principe de l’oc­ cupation deviendrait la cause d’une guerre, dont on ne pouvait encore prévoir les développements ultérieurs. Le danger serait d’autant plus grand, à son avis, que ni l’Angleterre, ni l’Autriche ne voulaient de cette occupation.
Mon collègue d’Italie, revenu ces jours-ci d’une excursion à Stutt- gardt et Darmstadt où il a remis les lettres de créance qui l’accréditent auprès des Cours de ces deux pays, m’a énoncé l’opinion qu’un désarmé- ment qui fait partie de notre programme, lui semblait inéxécutable (sic!) sans occupation. Or, cette dernière lui paraissait récéler de grands dangers pour l’avenir.
Je n’ai pas eu l’occasion ces derniers jours de voir Lord Odo Rus­ sell qui semble m'éviter depuis les récentes manifestations de Londres. Quant à Edhem-Pacha, que je n’avais pas rencontré depuis long- tems (sic!), il m’a fait hier, sans demander du reste à me voir, sa visite d’adieu. Il vient en effet d’être nommé second Plénipotentiaire aux
Conférences de Constantinople.
Ce résumé succinct suffira pour donner à Votre Altesse une idée
des impressions qui prévalent ici parmi mes collègues.
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