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 S’ajoutant à ses confidences de l’autre jour sur le jeu d’intrigues qui se faisait à propos du renouvedement du pacte dualiste, les données récentes du Ministre des Affaires Etrangères complétaient le tableau de sa position dans le moment actuel.
Il m’a dit que les fractions adverses, les cléricaux, les fédéralistes et un groupe militaire travaillaient depuis quelque temps sur l’esprit de l’Empereur au moyen de lettres et d’audiences personnelles. Or, les demandes d’audiences, passant en majeure partie par le Cabinet de Sa Majesté, n’obtenaient une réponse affirmative qu’après avoir été soumises au triage de la Chancellerie d'Etat; mais, loin d’y mettre des empêche­ ments, le Ministre des Affaires Etrangères favorisait au contraire ies entrevues des membres de l'opposition avec le Souverain pour leur faire comprendre combien sa politique s’inspirait des vues de l’Empereur. Ces vues, il les connaissait et les pressentait si bien, se trouvant admis de quatre à cinq fois par semaine à l’honneur d'entretiens prolongés avec Sa Majesté Impériale et Royale, qu’il savait d’avance l’opinion qu’Elle allait émettre sur tel ou tel autre sujet.
L'Empereur avait également la bonté de lui communiquer les lettres qu’ii recevait de ces dissidents. Ils s’y posaient en avocats de l’annexion des provinces insurgées à la Monarchie, afin, disaient-ils, de contrecarrer l’influence de la Russie. Et si néanmoins leurs organes dans la presse travaillaient ostensiblement pour des autonomies ou des solutions fa­ vorables aux Principautés serbes ce n’était, selon eux, qu’un masque d’opportunité pour empêcher que la Russie ne prît à l'égard du mouve­ ment slave une attitude hostile qui ferait du même coup échouer leurs combinaisons.
Pour ne citer qu'un exemple des machinations de ce parti, l’Evêque Strossmayer avait durant son séjour récent à Rome intrigué tant au Vatican qu’au Quirinal contre la démarche des Puissances à Constanti­ nople dont il avait cherché à faire ressortir de toute manière l’insuffisance et l’inefficacité.
Ces détails entièrement conformes aux appréciations que m’avait déjà suggérées l'attitude des journaux de Prague, démontrent une fois de plus le peu de confiance que méritent de notre part les avances ami­ cales des organes de l’opposition.
Il résuite de ce qui précède que, bien que battu en brèche par de nombreux ennemis, le crédit du C,e Andrâssy serait plus fort que jamais près de l’Empereur. Le Ministre ne se fait guère d’illusions sur les senti­ ments dont ses adversaires politiques sont animés à son égard en af­ fectant de le considérer comme le principal obstacle à l’accomplis­ sement des voeux des populations slaves de l’Autriche; mais il s'en con­ sole par l’identité d’action heureusement établie entre St. Pétersbourg et Vienne. Aussi ne se lasse-t-ii pas de me répéter que c’est uniquement l’accord si complet entre les deux Puissances qui leur a permis de réunir les suffrages de l'Europe entière sur une politique de vues larges en faveur des chrétiens d’Orient, politique que jadis la Russie soutenait isolément contre cette même Europe coulissée.
АВПР, K-126. Novikow 63




























































































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