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 exaltés? Ils crient bien haut que l’armée russe viendra à leur aide soit par ordre de l’Empereur soit contre son gré«.
Tout cela, Sire, a été dit du ton le plus amical, mais avec une profonde angoisse de voir Votre Majesté rejeter la proposition turque.
Le point de vue anglais étant partagé par la France et le Comte Andrâssy ayant fait déclarer aujourd’hui que l’Autriche acceptait l’ar­ mistice, qu'il était désirable de le conclure au plus vite et qu’on exerçait à cet effet une pression énergique à Belgrade et à Cettinié, j’ai jugé la situation assez grave pour adresser à Mr le Chancelier de l’Empire des télégrammes dont l'instance n’aura pas déplu, je l’espère, à Votre Ma­ jesté.
Je considère l’Angleterre, la France et même l’Autriche-Hongrie comme engagées dans cette nouvelle voie. L’Italie qui fait déjà valoir à Londres certaines prétentions à des compensations territoriales l’adop­ tera peut être aussi.
L’Allemagne se tait jusqu’à présent. Si, donc, Votre Majesté ne consentait pas à la proposition turque, l’accord des Puissances serait rompu et nous aurions contre nous, si non la majorité de la force, au moins celle du nombre des Puissances.
En quittant le Principal Secrétaire d’Etat, je lui adressai une der­ nière question.
»Que diriez Vous si nous acceptions l’armistice sous certaines ré­ serves, si nous déclarions, par exemple, que nous ne pourrons plus to­ lérer une agression de la Serbie et du Monténégro après l’expiration des six mois. Que nous réservons notre pleine liberté d’action pour le cas où la conférence n'aboutirait pas ou que les massacres se renouvelerait. C’est une idée qui m’est personnelle, ajoutai-je et que j’adresse non au Ministre mais à Lord Derby.
— »II Vous dirait, me répondit-il,« qu’une acceptation pure et simple est préférable, mais que ces réserves valent mieux qu'un refus. En tout cas formulez cela aux cinq Puissances, mais pas à Constantinople où cela jeterait (sic!) l’effroi. Les Turcs l’apprendront plus tard«.
Ce qui a été. Sire, l’objet principal de mes préoccupations et de mes craintes, c’est la démarche faite par le Comte Andrâssy qui équi­ valait à un consentement définitif à l’armistice de cinq mois et hatait (sic!) même sa conclusion.
J’aurais suspecté la bonne fois (sic!) du Comte de Beust si je n’avais lu le texte du télégramme remis à Lord Derby.
Il accusait à mes yeux un dissentiment total entre les Cabinets de St. Pétersbourg et de Vienne et ce dissentiment se manifestait quel­ ques jours à peine après le plein succès de la mission du Comte Sou- marokow«.
C’était en même tems (sic!) un succès pour la politique anglaise. Elle parvenait ainsi à introduire une bien large fissure dans l’accord des trois Empires du Nord.
Ces considérations ont motivé, Sire, les télégrammes alarmants que j’ai adressés au Prince Gortchacow.
АВПР, К-76, II.
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