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Quelle serait enfin la situation des Grandes Puissances, surtout limitrophes de la Turquie, si la conférence venait à échouer bien avant le terme de l'armistice ou si de nouveaux massacres allaient ensanglanter les provinces Chrétiennes.
Lord Derby me répondit à toutes ces objections par des considé ration (sic!) générales qu'il m’exprima avec la plus grande bienveillance et dans le désir sincère de voir la Russie se rallier à la nouvelle propo sition. Pourquoi douter de la paix, me dit-il, tandis que les termes de la réponse turque semblaient l’assurer. Quel danger pouvaient courir la Serbie et le Monténégro puisque, si contre toute attente, la lutte devait se renouveler dans six mois ce ne serait évidemment plus en faveur des Serbes que se trouveraient les Turcs, mais en présence de grandes armées étrangères.
L'armistice enfin ne se concluait qu’entre bélligérans (sic!) et ne pouvait priver aucune des Grandes Puissances de sa liberté d’action.
Lord Derby s’appliqua au contraire à me démontrer les conséquences bien graves qui pourraient résulter du désaccord des Puissances dans le moment présent.
Permettez moi, Sire, de reproduire textuellement ce qui m’a été dit à ce sujet.
»Vous ne m’avez pas communiqué, mon cher Comte, de décision de Votre Gouvernement. Je n'ai donc pas de réponse officielle à donner à l’Ambassadeur de Russie, mais la situation est si grave que Vous ne sauriez l’exprimer avec assez d’insistance à l’Empereur. Examinons la entre nous d'une manière privée et dans un esprit d’entière franchise.
»Nous avons un Gouvernement national. Nous pouvons résister pendant quelque temps à l’opinion publique, mais nous devons toujours finir par nous y soumettre.
»Cette opinion — Vous avez été à même de l’observer, tout ré cemment encore elle était favorable à la politique russe et contraire à celle que nous suivions.
»Le projet d’une occupation de la Bulgarie a occasionné un sensible revirement et Vous voyez tous même ce qu’a produit la simple supposi tion que la Russie refusait l’armistice de six mois. Que serait ce donc si cette supposition devenait une certitude, La note officielle remise par la Porte aux Représentants des Puissances à Constantinople dépasse nos meilleures prévisions. La Turquie accepte non seulement un armistice, mais elle déclare à l’avance se soumettre aux conditions de la paix convenues entre les Puissances, et c'est dans un moment aussi décisif, quand l’Empereur tient entre Ses mains la paix ou la guerre, que Vous refuseriez de Vous joindre à nous. Votre refus serait, je le crains, consi déré en Angleterre comme équivalent à une déclaration de guerre. Je ne saurais Vous dire à quoi nous nous déciderions en ce cas. Il est évident que la guerre entre Turcs et Serbes continuerait et nous nous verrions obligés de convoquer immédiatement le Parlement afin qu’il avise aux éventualités de la situation nouvelle.
»Laissez moi aussi porter Votre attention sur les Russes qui se trouvent actuellement dans l’armée de Tchemiaeff. Ils Vous préparent peut-être des complications sérieuses. Savez Vous à quel point ils sont
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