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L’ambassadeur d'Autriche-Hongrie s’associa à son Collègue Britan nique pour relever l’étendue de ce plan de réformes et exprimer l’avis que l’extension des concessions à toutes les parties de la Turquie ne pouvait en aucun cas en invalider la valeur pour les Puissances qui ne les avaient demandées que pour trois provinces. La Porte ne pouvait pas donner de prime d’encouragement à la révolte en ne récompensant que les provinces où des insurrections ont eu lieu. Ce nouveau système appliqué dans son ensemble pouvait même faciliter la mise en pratique des améliorations décrétées. Il ne s’agissait donc pour la Porte que d’exécuter le premier point des propositions de Lord Derby pour les avoir épuisées — et la conclusion de la paix semblait proche.
Tel était, en résumé, le raisonnement du Comte Zichy et de Sir H. Elliot, partagé en partie par les autres Représentants.
Ne connaissant pas les intentions du Gouvernement Impérial au sujet de la portée des autonomies à obtenir, et voulant avant tout éviter de rien compromettre par une trop prompte adhésion aux idées émises, je crus devoir envisager notre situation à un autre point de vue. A part la méfiance que devait inspirer aux Chrétiens et à l'Europe un nouveau programme de réformes succédant à tant d’autres et de date récente, non encore exécutés, je relevai le peu de valeur que présentait pour nous la décision du Conseil Turc. Notre tâche était circonscrite par l’instruction de Lord Derby. Nous devions avant tout obtenir une adhé sion pure et simple de la Porte aux bases qui y étaient renfermées. Il appartiendrait à nos Gouvernements de juger en combien les réformes nouvelles pouvaient s’accorder avec les intentions qui leur ont dicté leurs demandes en faveur des trois provinces. Il me paraissait toutefois — et j’exprimai ici une idée personnelle — que des réformes qui seraient élaborées sans la participation des Puissances, et mises à exécution sans leur surveillance directe, ne sauraient offrir des garanties sérieuses aux Chrétiens et leur inspirer une confiance suffisante pour faire rentrer l’Orient dans le calme.
»C'est donc la spontanéité que Vous reprochez aux nouvelles ré formes«, interjecta Sir H. Elliot.
»Nullement, repliquai-je, je m’incline devant les intentions du Sul tan et de ses Ministres, si elles sont sincères, mais je ne saurais m'em pêcher de voir dans leur dernière manifestation, le désir d'éconduire les Puissances, de les déjouer en jetant au public Européen un nouveau programme fait du jour au lendemain, pour éviter la nécessité de céder à la demande des Cabinets garants«.
On commença à discuter ensuite, sans que je me crusse autorisé à y prendre part, le mode dont les nouvelles réformes pourraient, dans leur application au trois provinces, être communiquées aux Puissances ou officiellement acceptées par elles, l'Ambassadeur d’Angleterre ayant déclaré que, selon ses informations, la Porte se refuserait à signer un protocole, mais préférerait adresser aux Représentants des notes iden tiques. L’Ambassadeur d'Allemagne exprima aussitôt l’avis qu’il faudrait l’obliger puisqu’il était question de protocole dans nos instructions, et le Ministre d’Italie insista sur la nécessité de ne point nous éloigner des termes de ces instructions.
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