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 Je me suis empressé de résumer succinctement ce langage dans le télégramme que je viens d'adresser au Chancelier de l’Empire et dont je place ci-joint une copie.
Il était évident que la première impression produite sur Mr le Duc Decazes par la réponse Turque s’était depuis la veille sensiblement calmée.
Le Ministre avait vu l’Ambassadeur d’Angleterre, il aura conféré avec le Maréchal et avec ses collègues et subi l’influence délétère du courant de l’opinion publique qui domine actuellement en France.
Les Ministres, Collègues du Duc Decazes, auront pu se rendre les organes de ce courant d’opinion.
La France veut avant tout rester en dehors de toute complication extériure et croit qu’une telle abstention répond le mieux au désir de paix qui la domine.
Le mouvement favorable aux Chrétiens d’Orient et l’émotion pro­ duite par les atrocités des Turques qui se manifeste avec tant de force en Angleterre et en Russie, qui pénètre même en Italie et en Allemagne, n’a qu’un écho relativement faible en France. Aucune manifestation publique pareille au meetings Anglais ou Italiens ne se produit ici et les organes de la publicité insistent avait tout sur la nécessité du main­ tien de la paix et sur la nécessité pour la France de résister à tout en­ trainement — eût-il pour source un sentiment généreux — qui pourrait l’engager dans des complications politiques.
L’abstention et la réserve — tels sont les mots d’ordre que l’opi­ nion continue à imposer à la politique extérieure de la France.
Les Français — tel est au résumé le langage de la presse — se sont déjà trop souvent fait les champions d’idées humanitaires et géné­ reuses. L’expérience leur a démontré que c'était peut-être chevaleresque, mais peu profitable. Les complications Orientales regardent avant tout l’Angleterre et la Russie. La France n’a qu’à appuyer l’intérêt général du maintien de la paix qu’elle désire avant tout.
Quelles que puissent être les combinaisons politiques qui se pré­ senteraient à l’esprit du Duc Decazes — aussi vivement qu'il puisse ressentir l’échec essuyé par l’Europe et dont une part revient à la France, il se verra constamment obligé de se soumettre aux exigences de la ligne politique générale que la France veut suivre depuis ses derniers désastres.
Le fond de cette politique que le Duc Decazes est tenu à représen­ ter — sans toujours y sympathiser absolument dans les cas isolés — me paraîtrait être celui-ci:
Tâcher autant qu’il peut dépendre de la France, de tenir en équi­ libre les balances de l’Europe. Eviter toute occasion d'appuyer d’un côté ou d'un autre pour ne pas rompre cet équilibré et s’assurer ainsi les bénéfices de la paix jusqu’à ce qu'elle soit redevenue assez forte et jusqu’à ce que le moment favorable se serait présenté pour revendiquer le point vers lequel ses regards ne cessent de se tourner lors même üue ses yeux ne paraissent fixés que sur les affaires intérieures.
Il n’en resuite pas que la France resterait neutre en cas de confla­ gration Européenne. Le cas échéant elle se jetterait aussi dans la mêlée mais pas avant que cette mêlée générale ne se soit produite et pas avant
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