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 Dans ma communication à notre Consul Général, j’ai cru devoir appuyer à dessein sur les conséquences dangereuses de la tactique mon­ ténégrine à Belgrade parce qu'il m'avait paru qu'il n’en n’était (sic!) pas suffisamment pénétré. En effet, rien qu’à lire les feuilles slaves de l’Autriche, surtout la Zastava de Neusatz, on voit clair dans le jeu des agitateurs. Depuis des mois ils prodiguent de l’encens au Prince Nicolas, seul apte, selon eux, à présider aux destinées du monde slave, depuis que le Prince Milan, par sa conduite obséquieuse envers les Puissances, s’est rendu indigne de ce glorieux rôle. Aussi, non contents de proclamer l'urgence d’une annexion de l’Herzégovine au Monténégro, font-ils déjà miroiter l'idée d’une confédération yougo-slave dont le Souverain de la Montagne Noire pourrait être le chef avec Séraïewo pour résidence.
Je ne dis pas que le Prince Nicolas nourrisse lui-même des arrière- pensées de cette nature, mais je crains qu'en faisant valoir son patrio­ tisme slave au dépens du Prince de Serbie et en l’affirmant à Belgrade, il ne se rende inconsciemment l’organe de l’Omladina.
Que veulent en réalité ces adeptes de la grande idée serbe? Ren­ verser le Prince Milan par la popularité du Prince Nicolas pour établir une république au profit de Miletics, voire même du fameux Pélagitch, cet ex-archimandrite qui a déposé spontanément le froc pour se jeter dans tous les extrêmes des doctrines communistes. Et si la révolution triomphante faisait son entrée à Belgrade, la question d’Orient ne tour­ nerait-eile pas subitement en Europe contre le monde slave? Pourrait-on empêcher l’Autriche et la Turquie même, s’étayant de l'article 29. du traité de Paris, de préconiser une intervention armée en Serbie?
Et qu’y gagnerait le Prince Nicolas?
Le fait seul que l'organe des vieux Czechs, la »Politik«, s’échauffe, lui aussi, pour l’unification de la race serbe sous le drapeau monténégrin, devrait suffrir pour ouvrir les yeux aux trop crédules enfants de la Montagne Noire. Ces mêmes Czechs qui en 1871. au moment de saisir le sceptre en Cislithanie, escomptaient l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine au groupe d’Agram, pourraient-ils aujourd’hui désirer de bonne foi la solution inverse transportant au dehors de l’Autriche le centre de gravité des Slaves méridionaux? Ce serait un suicide qui, avec le démembrement de la Monarchie dont ils font partie, préparerait leur propre absorption par la grande Allemagne.
S’ils affectent aujourd’hui une tendresse hypocrite pour le Monté­ négro, c’est uniquement pour brouiller les cartes et chercher à ren­ verser le système intérieur de ГAutriche-Hongrie en introduisant les autonomies slaves comme pierre d’achoppement entre nous et le Comte Andrâssy. Qu’il me soit permis de me référer à mon rapport du 16./28. Novembre 1875 No 153. où je mettais en scène un des agents provoca­ teurs servant d’intermédiaire entre Raguse et l’insurrection. »Vous ne nous empêcherez pas, m’a-t-il dit, de travailler de toutes nos forces à une solution qui, étant favorable au Monténégro, pourrait compter sur les sympathies russes et entraîner dans ce sens l’action de Votre Gou­ vernement«.
АВПР, К.-Г26. Novikow 52




























































































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