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dants militaires de la Dalmatie et de la Croatie qui pouvaient agir sur les réfugiés et, par l’entremise de ceux-ci, sur les insurgés.
On ferait comprendre aux familles chrétiennes, en les préparant d’avance à ce dénouement, qu’aussitôt que le temps le rendrait possible, elles devront se résigner à rentrer dans leurs foyers; qu’à cet effet leurs maisons seront reconstruites et leur sécurité personnelle sauvegardée sous l’égide des agents européens. Et quand le moment serait venu, on supprimerait la paie journalière qu’elles touchent aujourd’hui du Gou vernement et l’on y substituerait une petite subvention destinée aux premiers besoins de leur déménagement.
Le Comte Andrâssy me dit confidentiellement qu’il avait eu à ce sujet à Pesth une altercation assez vive avec le Général Commandant en chef à Agram, Bn de Mollinary. Celui-ci, très porté pour les intérêts slaves, avait tâché de iui démontrer que les réfugiés ne s’en iraient pas et qu’il faudrait un déploiement de forces militaires pour les y con traindre. Andrâssy lui avait riposté que cela dépendait de la manière de s’y prendre et qu’il se faisait fort d’y réussir sans y employer un seul caporal. Il fallait agir par la persuasion en faisant comprendre aux ré fugiés que la subvention journalière ne saurait leur être conservée au deià d’un certain délai. Sinon, ils préféreraient évidemment continuer leurs immigrations avec la perspective de vivre en Autriche aux dépens d’autrui et sans travailler. Quant à lui, Andrâssy, responsable devant les délégations, il ne saurait prendre sur lui de grever ainsi indéfiniment le budget de l’Etat.
Du reste, selon ses nouvelles, le nombre des réfugiés tant de l’Her- zégovine que de ia Bosnie ne dépassait pas en Autriche 60. à 70.000. âmes. Il avait été fortement exagéré ici, tout comme, d’autre part, les relevés dressés à Constantinople en avaient déprécié à dessein le chiffre pour diminuer aux yeux de l'Europe l’importance de l’insurrection.
Prenant acte de ces confidences, je fis observer au Ministre que nos Délégués, s’ils n’étaient pas aptes à faire agréer aux insurgés les dé cisions de l’Europe, l’étaient en revanche à surveiller l’application des réformes sur place. C’était également, lui dis-je, l’opinion de Votre Altesse qui avait approuvé les démarches de Mr le Général Ignatiew pour em pêcher le rappel de nos consuls de Mostar. La Porte en ayant eu l’idée à l’occasion du retour de Server Pacha, j’ajoutai que la continuation du mandat de nos Commissaires rentrait entièrement dans les principes du Comte Andrâssy aux termes desquels tout ce qui déplairait aux Turcs avait d’autant plus de chances de convenir aux Chrétiens.
Mon interlocuteur passa ensuite à une autre phase éventuelle de l’action autricihenne contre les insurgés, celle qui comprendrait les mesures de surveillance sur la frontière.
Dans cet ordre d’idées, me dit-il, l’Empereur François-Joseph aurait voulu renforcer le nombre des troupes destinées au cordon militaire, mais lui, Andrâssy, tâchait de l'en dissuader pour des raisons d’écono mie. Peut-être serait on obligé d’y recourir plus tard, mais, en attendant en quoi se résumerait l’exercice d’un contrôle plus sévère?
Jusqu’ici les autorités frontières avaient eu l’ordre de faire respec ter la neutralité du territoire autrichien sous la réserve suivante. Elles ne devaient point perdre de vue que les insurgés en Herzégovine ne se
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