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 qu’Ahmed-Moukhtar-Pacha, en se remettant en campagne, avait déclaré n’avoir pas l’intention d’attaquer les insurgés, mais seulement d'appro­ visionner la ville de Nikchitch.
D’ailleurs la fermeture de Klek serait une mesure fort grave dans ses conséquences. Elle raviverait l’insurrection par son effet moral sur les combattants chrétiens, stimulerait la Serbie à entrer en lice, impli­ querait la reconnaissance des insurgés comme belligérants, — bref, ce serait une entrée en matière de la question d’Orient.
Il y a plus: en bouchant cette seule voie réelle de communication que les troupes ottomanes possèdent avec le terrain de l’insurrection, on les pousserait pour ainsi dire à attaquer le Monténégro du côté de Scu- tari pour se frayer un passage en Herzégovine, afin de combattre les progrès du mouvement chrétien qui seraient résultés de la fermeture.
L’importance de Klek était si notoire que la menace d’en fermer l’accès constituait la meilleure sauvegarde contre les projets d’invasion des Turcs. C'était, entre les mains de l’Autriche, une carte précieuse mais qu’il fallait tenir en réserve pour des cas d’urgence, car si on la jouait prématurément, il ne resterait plus, au dire du Comte Andrâssy, d’autre moyen de pression sur la Porte que de faire marcher des bataillons.
Ces considérations, Votre Altesse voudra bien S’en souvenir, je les avais prévues dans ma lettre du 17. Avril. Mais, de pair avec elles mar­ chait l’argument contraire que je fis valoir avec force auprès de mon interlocuteur.
J’admettais, lui dis-je, que la crainte de perdre ce précieux dé­ bouché pouvait empêcher lés Turcs d’envahir momentanément le Monté­ négro; mais ne s’empresseraient-ils pas, en revanche, de profiter du répit pour amasser en Herzégovine, par un dernier effort, toutes leurs res­ sources militaires disponibles? Lorsqu’ils y auraient fait passer des trou­ pes et des munitions pour plusieurs mois, la fermeture de Klek leur deviendrait à peu près indifférente, et jetant le masque, ils pourraient ré­ péter leurs opérations de 1862., c. a. d. (sic!) entrer dans la Montagne Noire par la valléè de la Zêta et seconder ce mouvement par une diver­ sion du côté de Nikchitch. Il y aurait même lieu de se demander si ce plan ne germait pas déjà dans la tête du nouveau Ministre de la guerre, Dervisch Pacha, qui avait été l’un de ses exécuteurs il y a quatorze ans.
Le Comte Andrâssy me répliqua que la fermeture de Klek ne sau­ rait perdre son efficacité sous aucune condition et à aucun moment de la lutte; que les Turcs en dépendraient toujours quant à leurs approvision- nemens (sic!), que, moyennant cette mesure, ils se verraient pris en Herzégovine et que, dussent-ils entrer dans le Monténégro, ils se verraient forcés d’en sortir aussitôt.
Il me pria de soumettre tous ces argumens (sic!) par le télégraphe à la bienveillante appréciation de Votre Altesse qui les estimerait à leur juste valeur.
Je lui répondis que j’aimais à croire qu’ils ne représentaient pas son dernier mot. J’attendais pour le lendemain une expédition de St Pé- tersbourg et je me réservais en tout cas de revenir à la charge fort des aperçus que j’y aurais puisés.
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