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 Mon Prince,
Ayant eu l’honneur de recevoir le télégramme de Votre Altese du 16./28. Avril qui recommande la fermeture immédiate de Klek, je me suis empressé de demander une entrevue au Ministre des Affaires Etran­ gères d’Autriche.
Il lui a été matériellement impossible de me l’accorder avant le 18./30., encore n’a-t-il pu dérober que quelques instants à ses conférences avec les Ministres pour venir me voir chez moi au lieu de m’assigner un rendez-vous à la Chancellerie d’Etat.
J’ai de suite abordé la question et l'ai discuté vis à vis de lui avec la plus grande franchise.
Je ne lui ai laissé ignorer ni les considérations de dignité invoquées par nous, ni celles empruntées au besoin d'affirmer notre entente à Con­ stantinople ni la recommandation personnelle qui m’était faite de plai­ der chaudement pour le voeu du Cabinet Impérial.
Malheureusement, je me trouvais d’avance devant une conviction mûrie et irrévocable.
Le Comte Andrâssy me répondit qu'aux premières nouvelles signa­ lant des dispositions belliqueuses de la Turquie contre le Monténégro, il s’était demandé lui-même s’il ne conviendrait pas de recourir à la me­ sure suggérée par Votre Altesse et que c’est après mûre réflexion qu’il avait pris le parti de ne la faire entrevoir à la Porte que d’une manière conditionnelle.
Voulait-on chez nous dissiper les doutes surgis à Constantinople sur notre parfait accord avec l’Autriche? Animé de ce même désir, il avait déjà fait savoir aux Ministres turcs que si, comme il avait lieu de le croire, la question du Monténégro avait été mise en avant par Khalil- Chérif-Pacha, pour dissoudre l’entente austro-russe, c’était peine perdue, car on ne tarderait pas à s’apercevoir combien ces stratagèmes étaient impuissants contre le solidité des rapports des deux Cours Impériales.
Notre honneur et notre dignité, — lui avais-je dit encore — étaient engagés à ce que le Monténégro ne fût pas envahi. Il pouvait m’assurer que l’Autriche-Hongrie tenait comme nous à l’honneur de protéger ce pays contre une invasion des Turcs.
Le jour où, violant leur promesse, ceux-ci attaqueraient la Montagne Noire, le Comte Andrâssy procéderait sans délai à la fermeture de Klek. Les Turcs le savaient et se le tiennent pour dit; le Prince Nicolas en était également prévenu. Mais tant que la Porte lui tenait parole, il n'avait pas lieu non plus de se départir de la nature conditionnelle de sa dé­ cision.
Il lui manquerait d’abord le terrain juridique pour transformer dès à présent la menace en réalité. Les Turcs, il est vrai, avaient usé envers lui d’un procédé peu loyal et désobligeant; il y gagnait une plus grande liberté d’attitude à leur égard; mais, en strict droit, il ne pouvait pas les empêcher de ravitailler leurs propres forteresses et de faire mou­ voir des troupes sur leur propre territoire. Il le pouvait d’autant moins
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