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 dont on lui abandonnait la disposition sans aucun contrôle. Aux récla­ mations que Son Altesse avait formulées dans le tems (sic!) contre le séquestre temporaire des armes en question, on avait répondu que l’uni­ que motif de cette mesure devait être cherché dans l’impossibilité de le traiter ostensiblement avec plus de faveur que le P“ de Serbie auquel on avait également retenu le transit des engins de guerre achetés à l’étranger de peur qu’impuissant comme il l’était vis-à-vis de la Scouptchi- na et du parti de l’action, ceux-ci n'en fissent un mauvais usage. Le Pce Nicolas s’était contenté de ces raisons et avait paru les accepter puis­ qu’il n’avait pas renouvelé la demande.
Quant à l'argument tiré de la nécessité d’une défense personnelle pour le Monténégro, le Ministre me fit observer qu’il était convaincu que le langage énergique de la diplomatie suffirait pour écarter le danger d’une agression turque et que, doit-elle avoir lieu, non seulement les armes appartenant à la Principauté et déposées à Cattaro lui seraient immédiatement remises, mais encore l’Autriche y ajouterait volontiers des siennes. Mais, il le répétait, la menace seule de la fermeture de Klek était suffisante pour imposer à la Porte le respect de nos volontés.
Je répliquai que si même on parvenait à éloigner du Monténégro le péril d’une invasion turque, il n’était pas dit que l'humeur changeante du Sultan ne nous ménagerait d’autres surprises de la même nature. Des concentrations de troupes avaient déjà lieu près de Scutari et si le Monténégro devait être envahi à l’improviste, il arriverait de deux choses l'une: ou bien les armes déposées à Cattaro ne seraient pas dé­ livrées à tems (sic!) et le Cte Andrâssy porterait devant l’opinion chré­ tienne et Slave tout l’odieux d’avoir livré ce pays sans défense aux res- sentimens (sic!) des Turcs ou bien elles viendraient à point pendant l’agression même, et alors l’Autriche aurait l’air de faire cause commune avec les Monténégrins dans leur guerre avec la Turquie, tandis qu'en faisant d’avance écouler les armes à destination dans les voies normales du commerce, elle y gagnait de ne point sortir de sa neutralité.
L’assimilation du Monténégro à la Serbie ne me paraissait pas non plus équitable. Le Monténégro se voyait sur le point d’être attaqué, la Serbie ne l’était pas. L’inviolabilité de celle-ci était garantie par des actes internationaux, rien de pareil n’existait pour la Montagne Noire. Elle portait la peine de sa souveraineté dans une position gravement exposée, sans en avoir les avantages dans une reconnaissance officielle de l’Europe.
Le Cte Andrâssy n’hésita pas à convenir de cette différence dans les conditions politiques des deux Principautés, différence toute au dé­ triment du Monténégro. Passant à un autre ordre d’idées, il me confia les insinuations que le Cab‘ de St James lui avait fait parvenir pour le lancer dans la voie des démonstrations hostiles au Р“ Nicolas. Repous­ sées par lui, ces insinuations pouvaient reparaître dans le »livre bleu« et fournir un thème d’interpellations au sein des Délégations. Il lui se­ rait facile de légitimer devant celles-ci le refus opposé à l’Angleterre, mais comment leur expliquerait-il que dans le même moment où il dé­ clinait les propositions anglaises, il eût pris une mesure tout-à-fait con­ traire, celle de lever la prohibition qui, de notoriété publique, pesait
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